17 juillet 2001

Analyse de la draft 2009: Les Timberwolves de Minnesota (suite)

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[suite de la première partie]

---D’autres équipes, parfois fameuses, ont déjà joué avec deux meneurs. Le GM des Wolves David Kahn a cité Isiah Thomas et Joe Dumars (Detroit), Danny Ainge et Dennis Johnson (Boston), Jerry West et Gail Goodrich (Lakers) et Walt Frazier et Earl Monroe (New York), mais on a pu voir plus récemment Jason Kidd et Kevin Johnson à Phoenix en 1997, Jason Kidd et Juan José Barea à Dallas cette année ou encore Raymond Felton et DJ Augustin à Charlotte (et j’en ai certainement oublié). On peut aussi évoquer les formations évoluant avec un arrière shooteur qui a tendance à diriger partiellement le jeu comme c’est le cas des Lakers avec Kobe, de Portland avec Brandon Roy, de Miami avec Dywane Wade ou même Joe Johnson à Atlanta malgré la présence de Mike Bibby. En fait, il n’est pas rare de voir des équipes aligner deux meneurs sur certaines séquences. Cette configuration permet d’apporter de la vitesse, de la circulation de balle et surtout de la créativité.

---Si Flynn et Rubio sont parachutés ensemble sur le terrain, je ne pense pas que l’un d’eux prendra le rôle de shooting guard (je ne suis pas sûr que l’un ou l’autre en soit capable et puis ce serait se priver d’une grande partie du talent de l’un d’eux), mais plutôt que la franchise évoluera vraiment avec deux meneurs sur le parquet. Rubio et Flynn sont assez différent l’un de l’autre, le premier est un vrai playmaker tandis que le second est plus un scoreur. Donc s’ils parviennent à trouver une complicité, à se partager judicieusement la balle et à déployer tout leur talent sans se brider mutuellement (ce qui n’est pas une mince affaire), Minnesota se retrouvera avec l’un des backcourts les plus créatifs, imprévisibles et dangereux de la ligue.

---Imaginez-ça, une boule d’énergie capable de planter un panier de n’importe où sans prévenir personne associée à un passeur exceptionnel qui a le don de rendre les choses plus faciles pour ses coéquipiers. Et puis, si Rubio est un chef d’orchestre, Flynn est un meneur d’hommes hors pair qui insuffle des émotions conquérantes à son équipe comme un souffleur de verre donne forme à la matière en fusion. Une traction arrière Flynn-Rubio, c’est l’inconcevable et mythique association du feu et de la glace.

---Mais les scientifiques en herbe savent que les propriétés de ces deux éléments ne sont pas complémentaires et ne se cumulent pas pour donner une sorte d’arme ultime sortie tout droit des histoires racontés pendant les cours de récré. Au contact du feu, la glace fond. Flynn et Rubio ayant tous les deux besoins du ballon pour s’exprimer, seront-ils capable de se le partager de sorte à ce que chacun d’eux puisse marquer le match de tout leur talent ? Peut-on demander à des joueurs aussi jeunes et inexpérimentés de trouver un tel équilibre ? Une telle complicité peut peut-être se trouver chez des joueurs qui jouent ensemble depuis l’enfance mais beaucoup plus difficilement dans le contexte professionnel et sur une durée aussi courte. A fortiori lorsqu’il s’agit de deux joueurs d’une culture totalement différente qui ne partagent pas la même langue maternelle. Et puis, il y a toujours une grande chance que ces deux joueurs parviennent à jouer à ensemble qu’au prix de voir l’un d’eux, ou même les deux, être dans l’impossibilité de donner la pleine mesure de son talent. Si Minnesota a choisi deux meneurs, c’est parce tous deux avaient trop de talents à leurs yeux pour laisser passer l’occasion de leur mettre la main dessus. Mais si ne serait-ce que l’un deux n’est pas en mesure d’en faire un usage total, où est l’intérêt de ce choix ?

---Du côté défensif, les nuages sont encore plus lourds et plus foncés. Quelque soit celui des deux point guards qui aura la charge de défendre sur l’arrière shooteur adverse, il aura des difficultés. Même Ricky Rubio qui est un excellent défenseur et qui atteint presque la taille d’un arrière (1,92 m). En effet, le meneur de la Joventut est surtout habitué à coller aux basques de joueurs qui tiennent la balle et pas vraiment à mettre à cage des lévriers en quête de positions ouvertes comme Richard Hamilton ou n’importe quel autre énergumène de ce genre. Ensuite, il aura forcément un déficit de puissance et même parfois de qualités athlétiques. De plus, à l’heure où on voit beaucoup d’arrières capable de jouer en 3 sans éprouver la moindre difficulté, qu’en sera-t-il lorsqu’un de ces spécimens pas vraiment rares se retrouvera face à un Ricky Rubio ? Jonny Flynn n’étant déjà pas un grand défenseur à son poste naturel et culminant à seulement 1,83 mètre, il n’est même pas la peine de l’imaginer tenir plus de deux minutes en défense sur le poste 2 sans en prendre plein la tronche.

---Ainsi, la traction arrière des Wolves sera forcément en situation de désavantage. Pire encore, les excellentes qualités défensives de Rubio seront réduites à l’insignifiance à cause de son repositionnement forcé. Résultat, la paire arrière accuse d’ors et déjà un gros problème défensif. Sachant que les deux autres joueurs clefs de la franchise des bois, Al Jefferson et Kevin Love, ne sont pas des foudres de ce côté-là, Minnesota trouvent intrinsèquement des liens de parenté avec une passoire.

---Ça commence à faire beaucoup de problèmes, qu’ils soient potentiels ou déjà quasiment effectifs. La traction arrière de feu et de glace est une belle idée mais elle déborde les frontières même du fantasme. Si ça marche, il faudra peut-être crier au génie mais sinon, il semblerait bien que les Wolves aient flingué le superbe move qui leur a permis d’avoir deux bons picks d’affilé.

---Je me demande si la franchise aurait effectué les mêmes choix si elle avait eu un entraîneur en poste au moment de la draft. C’est lui et non le GM qui aura la tâche de faire jouer cette équipe. Je pense pouvoir affirmer sans prendre beaucoup de risques que si coach il y aurait eu, celui-ci aurait mis son veto à l’éventualité de sélectionner Rubio et Flynn. Minnesota n’a toujours pas trouvé preneur pour ce job et cela n’est pas vraiment une surprise car c’est le futur coach qui aura la responsabilité de faire tourner cette équipe de traviole. Aussi impossible que soit cette mission, c’est sa tête qui sautera lorsque les Timberwolves n’auront toujours pas décollé du fond du classement.

---Après cet épisode, Minny avait encore deux choix à réaliser (à commettre devrais-je peut-être dire) dans ce premier tour. Lorsque David Stern a prononcé le nom de Ty Lawson, meneur de North Carolina, en 18ème position, je crois bien que tout le monde dans la salle s’est demandé s’il y avait vraiment quelque chose qui allait pas dans le ciboulot des dirigeants de la franchise du Minnesota et s’il ne fallait pas sérieusement s’en inquiéter. Heureusement, le trade de Lawson à Denver contre un futur choix de draft a été rapidement annoncé, calmant aussitôt les inquiétudes nées de la crainte que le mal inconnu qui s’était emparé de l’esprit du staff des Wolves se trouvait peut-être aussi dans la salle de la draft ceremony.

---Ce move semble plutôt intéressant. Minnesota ne va pas recevoir le first round pick de Denver mais celui des Bobcats de Charlotte que les Nuggets avaient récupéré en échange du 20ème choix de la draft 2008 (La franchise de Boris Diaw avait alors sélectionné Alexis Ajinça). Or, même si les Cats continuent sur leur sympathique lancé lors du prochain exercice, ils accrocheront aux mieux les derniers wagons des play-offs (selon les prévisions) et seront donc positionnés quelque part aux entre la 15ème et la 18ème place de la draft 2010 (et plutôt vers la 15ème que la 18ème car la conférence Est étant plus faible que son homologue de l’Ouest, le bilan des dernières équipes de play-offs de l’Est est en général moins bon et donc leur position lors de la draft est plus haute). Par contre, il me semble que si les Bobcats trébuchent et se retrouvent avec un lottery pick (choix soumis à la loterie de la draft qui ne concerne que les équipes absentes des play-offs), ils conserveront leur choix et le pick envoyé à Minnesota sera reporté à la draft suivante.

---Ainsi, Minnesota a échangé un 18ème choix 2009 contre un choix de la draft 2010 qui devrait tomber un peu plus haut que cette dix-huitième place, et dans une cuvé supposée de meilleure qualité. Les Wolves semblent ainsi gagnant toutefois, ce trade comprend une certaine part de risque. On ne peut jamais prévoir ce qui va se passer l’an prochain, du futur classement de Charlotte aux joueurs qui seront disponibles à ce stade de la draft 2010, et il n’est pas exclu que cette transaction occasionne quelques regrets.

---L’adage « un tiens vaut deux tu l’auras » trouve parfaitement à s’appliquer ici, bien qu’il ne tranche pas entre les deux options (puisqu’un « tiens » est égal à deux « tu l’auras »). Il y avait pas mal de joueurs de valeur qui étaient disponibles comme Sam Young, Chase Budinger (j’aurais dit Darren Collison en accord avec ma mock draft mais ce n’est pas le moment de s’intéresser à un autre point guard). Un de ces deux joueurs aurait rempli certains trous béants de l’effectif (surtout quand on a sélectionné deux meneurs en guise de joueurs majeurs quelques minutes avant).

---Et puis l’addition de role players de qualité est souvent appréciable dans le processus de reconstruction d’une équipe pour fournir des « soldats » efficaces et dévoués aux joueurs clefs à partir desquels la franchise débute son renouveau. D’ailleurs, plus tôt une vraie équipe est formée (joueurs clefs + role players), plus vite elle peut être compétitive et progresser. Le temps ainsi gagné n’est pas négligeable car il permet d’acquérir certains acquis souvent déterminants mais long à forger (vécu collectif, automatismes), ou de voir assez tôt les ajustements à faire.

---J’ajouterais aussi que si le plan des Wolves était vraiment de jouer avec deux purs meneurs aux côtés d’Al Jefferson et Kevin Love, il aurait été plutôt intelligent de greffer une multitude de role players à vocation défensive à ce très talentueux quatuor afin de compenser au maximum les faiblesses défensives intrinsèques et presque irrémédiables de celui-ci.

---Difficile de juger du bien fondé de l’utilisation de ce 18ème choix ou seulement de savoir si Minny en sortira gagnant. Par contre, le choix de Wayne Ellington (voir profil au 19th pick, Atlanta) ne souffre d’aucune réelle contestation (et a continué de rassurer le monde de la balle orange quand à la santé mentale des dirigeants nordistes). Il était temps que la franchise cherche à s’attacher un vrai shooting guard, poste laissé orphelin par Randy Foye. Je ne peux qu’approuver ce choix puisque j’en avais fait le mien lors de la mock draft sur le 28ème choix de Sota, même si les choix précédents changent un peu la donne.

---J’évoquais rapidement l’intérêt d’avoir des shooteurs (notamment ceux qui sont très bons dans le jeu sans ballon) sur le parquet lorsqu’on possède deux intérieurs dominants offensivement (principalement Al Jefferson mais on peut aussi penser à Kevin Love). Un scoreur à distance permet d’éviter que les défenses ne s’agglutinent dans la raquette pour menotter les deux grands (parce que sinon, c’est trois points dans la musette) et ainsi que ces derniers puissent faire parler leur talent sans trop être embourbés.

---J’expliquais aussi que « la franchise des bois pourrait tirer un certain bénéfice d’avoir dans ses rangs un joueur qui a l’habitude de gagner (en clair, un gars qui sait à peu près quoi faire dans les moments où mettre un panier est important) » et qui a aussi l’habitude d’être une option secondaire derrière d’autres joueurs plus forts comme c’était le cas à North Carolina et comme ça le sera dans le Minnesota. Par contre, sa défense un peu suspecte ne fera rien pour aider les jeunes loups de ce côté du terrain. Mais en même temps, le résultat aurait été pas vraiment différent si il en avait été autrement. Ajouter deux grains de sel dans un grand verre d’eau n’en fait pas un verre d’eau salé.

---Par la suite, les Wolves ont sélectionné Nick Calathes au second tour mais j’ai été un peu déçu de voir qu’ils l’ont immédiatement envoyé à Dallas contre de l’argent et un futur second tour de draft. Il est vrai que la question des meneurs est rapidement devenue épineuse pour cette franchise après leur trois premiers choix mais je pense qu’il est toujours intéressant d’avoir un bon meneur en réserve. L’ancien leader des Gators de Florida était calibré pour le premier tour et il aurait pu faire un excellent back-up à n’importe qui. De plus, Calathes part en stage en Grèce et cela aurait laissé le temps à la franchise de gérer son problème de meneurs, sachant qu’il aurait pu faire partie de la solution (même en transférant l’un de ses deux lottery pick points guards, Minnesota aurait toujours un poste 1 solide avec celui qui reste et Calathes en remplaçant).

---Les Timberwolves ont utilisé leur autre choix du second tour pour l’intérieur hollandais de la Joventut Badalona, Henk Norel (2,11 m, bientôt 22 ans). Celui-ci n’a qu’une seule véritable année professionnelle à son actif durant laquelle il a dû se contenter de donner des coups de main sur quelques minutes. Il a attiré l’attention des scouts par sa taille, sa mobilité, ses bonnes mains et surtout par son énergique activité. Encore inexpérimenté et frêle, il devra confirmer ses bonnes dispositions l’an prochain et peut-être même pendant un peu plus longtemps avant d’espérer rejoindre la ligue américaine. Norel semble pouvoir devenir un role player de qualité dans un costume de « glue-guy » débordant d’énergie, même si son potentiel pourrait l’amener plus loin. Décision plutôt pertinente de la part de Minnesota (enfin, les choix pertinents, c’était plus important de les faire avant) car la franchise américaine ne fait que poser une option sur ce joueur pour le cas où celui-ci atteindrait un niveau susceptible d’attirer les convoitises. Un investissement peu coûteux et potentiellement rentable.

---La draft 2010 était un évènement décisif dans le presque perpétuel processus de reconstruction des Timberwolves et la franchise en est sorti avec un talentueux mais improbable cinq majeur composé de deux ailiers forts (Jefferson et Love), de deux meneurs et pas grand-chose autour. Certaines franchises restent empêtrées dans les bas-fonds de la ligue et on sait pourquoi. Toutefois, Minnesota a la matière pour faire quelques transferts bien sentis au point peut-être même de rendre judicieuse la sélection de Ricky Rubio et Jonny Flynn. Comme toujours dans le Minnesota semble-t-il, il y a du pain sur la planche.


StillBallin

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