[suite de la première partie]
---Peut-être devrais-je aussi citer les Clippers. Avec leur histoire imberbe et pauvre en faits de gloire, James aurait débarqué sur ces terres sans fantômes du passé à combattre. Avec leur rivalité qui n’est actuellement que potentielle avec les Lakers, James aurait pu construire un mythe inédit, celui du joueur qui prend les faibles et sans cesse humiliés Clippers sous son bras pour aller défier l’ogre légendaire aux couleurs pourpres et or. Avec le solide pivot Chris Kaman, le très attendu ailier fort Blake Griffin, l’arrière shooteur démoniaque Eric Gordon, l’insaisissable meneur Baron Davis et le jeune combo forward élastique Al-Farouq Aminu, James aurait eu la matière pour réaliser cette vision.
---Lebron James avait donc belle et bien la possibilité d’intégrer une équipe potentiellement compétitive pour le titre sans faire de compromis sur sa légende à venir comme c’est le cas avec Miami.
---Certes, on a difficilement vu un Big Three aussi talentueux et explosif mais cela n’est en rien un gage de réussite et les probabilités d’arriver au titre ne sont pas plus élevées élevées que dans celles des franchises que je viens de citer. Les restes du Heat se sont pour l’instant volatilisées dans la course à la signature des trois franchise players et les postes 1 et 5 –axes majeurs d’une équipe- sont partis pour accuser un déficit de talent permanent. Ainsi, Lebron James a raccourci la densité de la légende qui sera accolée à son nom dès l’instant où il a posé ses valises en Floride alors même qu’il aurait pu garder intact cette destinée sans compromettre ses chances de titres
---L'ancien Cav sait tout ça. Comment ne le pourrait-il pas avec la horde de conseillers en tout genre qu'il s'est attaché?
---Vous savez ce que je pense? Je pense que James a troqué quelques morceaux de sa future légende contre le plaisir de jouer avec deux de ses meilleurs potes, de retrouver la fraternité d'un vestiaire fait d'amis et de batailler pour un titre avec eux. A la perspective d'être l’équivalent basketballistique d’Andy Warhol ou Notorious B.I.G., il a préféré le plaisir de vivre une belle aventure avec ses amigos.
---Vous souvenez-vous du documentaire "More than a game" sorti récemment qui suivait une bande de lycéens basketteurs soudés par l'amitié et l'insouciance et parmi lequel se trouvait un certain Lebron James? Cette franche camaraderie transpire tout au long du film et dégouline sur toutes les questions d'argent, de notoriété et de gloire qui comme on le sait viendront s’abattre sur l'un d'eux quelques mois plus tard, jusqu'à les recouvrir totalement. Cette expérience, James ne l'a jamais oublié. A l'occasion d'une interview pour la promotion de ce documentaire, la superstar de la ligue américaine nous soutenait qu'il n'échangerait jamais ce qu'il avait vécu à cette époque-là contre un titre NBA.
---Ce genre d'aventure mêlant passion et compétition noyées dans l'amitié, c'est ce qu'est allé chercher le double MVP à Miami. Là-bas, ses potes dans la vie et sur le terrain, Dwyane Wade et Chris Bosh l'attendaient un ballon sous le bras, au bord d’un playground au parquet lustré surmonté d'un écran géant repassant les ralentis des actions d'anthologie. Vous souvenez-vous quand, passant des après-midi avec nos potes sur des terrains de basket bétonnés et mal entretenus, on défiait Michael Jordan, Scottie Pippen et Dennis Rodman sur leur parquet pour aller leur prendre le trophée ? C'est ce songe éphémère commun à tous les jeunes adolescents élevés aux highlights de la NBA que Lebron James veut essayer de réaliser dans la vraie vie. Parvenir sur le toit du monde avec une bande de copains de toujours à ses côtés. La perspective de coupler la possibilité de remporter le titre NBA avec celle de le faire dans l'atmosphère de "More than a game" a pris le pas sur celle d'être le plus grand mythe de l’ère post-Jordan.
---Lebron James est peut-être un gamin qui s'est rendu compte que l'amitié et les bons moments avaient plus de valeur que l'argent et la postérité qu'il, comme tout jeune homme talentueux et ambitieux, avait placé au sommet de sa pile d'objectifs. Je sais pas vous mais je trouve cette vision des choses plutôt agréable dans le monde actuel et particulièrement dans celui de la NBA. Derrière l'homme qui annonçait à qui voulait l'entendre qu'il comptait être le premier basketteur milliardaire de l'histoire lorsqu'il a commencé à matcher la hype qui l'encerclait, il existe bel et bien autre chose qu'une machine programmée pour le succès.
---Autre chose : je me souviens qu'un journaliste écrivait que James faisait confiance à ses coéquipiers qu'il en vive ou qu'il en meurt ("live and die trusting his teammates"). Et c'est vrai que c'est parfois l'impression qu'on avait quand on le voyait évoluer à Cleveland. Au-delà de montrer quel genre de personne il est, cette phrase met en avant toute la difficulté qui résulte de ce télescopage entre son désir de partager son plaisir de jouer avec ses coéquipiers et celui de gagner. En s’alliant à Wade et Bosh, James s’épargne ce dilemme et s'offre la possibilité de faire confiance à ses frères de parquet sans craindre d'en mourir systématiquement. Et parallèlement, il n'aura plus sans arrêt ce petit diable sur l'épaule qui lui souffle que c'est parce qu'il a trop compté sur ses partenaires qu'il a perdu le match, comme cela a été un peu trop fréquemment le cas dans l'Ohio. En posant ses 29,7 pts, 7,3 rebs et 8,6 asts en Floride, le King déchu des Cavaliers a choisi la situation qui lui correspondait le mieux.
---Pour expliquer ce choix, on a parlé du peu d'enthousiasme de Derrick Rose face à l'éventualité de la venue de Lebron et de l'ombre toujours présente et compétitive de Michael Jordan. On a évoqué l'immense pression qui aurait pesé sur chaque clignement de paupière de l'ailier si il s'était engagé à New York. Peut-être. On dit désormais que le gamin de l'Ohio n'a pas eu le courage de prendre seul la destinée d'une franchise. Il le fait pourtant depuis qu'il a 18 ans. Peut-être n'en a-t-il plus la force. Mais n'est-ce pas ça le basket? Un sport collectif où les cinq joueurs sur le terrain luttent ensemble pour un objectif commun et qui sont tous autant responsable de la victoire comme de la défaite? Lebron James s'est éloigné de la voie des seigneurs du jeu comme Michael Jordan, Larry Bird ou encore Kobe Bryant. Mais peut-être que lui seul a compris l'essence de ce sport.
---Le Heat de Miami va peut-être imploser et s'effondrer sur les belles idées du jeune futur hall of famer. Les choses ne se passent pas tout le temps comme prévu et le doux rêve de l'Elu restera peut-être adossé contre un mur, assis dans le noir. Mais qui sait? Si Wade reprend le jeu qu'il avait développé pendant les Jeux Olympiques et que les égos se taisent pour profiter de leur chance? Si l'alchimie fait son œuvre et décuple la simple addition de talents? Jamais l'expression "sky is the limit" n'a eu autant de sens, ni une telle envergure. Avec un peu de chance, la candeur d’un jeune homme de 25 ans ne se fracassera pas le crâne contre la dure réalité. Et pour sûr, je serais devant l'écran pour voir ce qu'il en sera.
StillBallin
9 commentaires:
Quelque chose d'autre viendra sur le sujet un peu plus tard.
C’est sur que LeBron a pris la bonne décision tout bien considéré du coté amitié. Mais il a truqué sa chance d’être le meilleur joueur de jamais, pour jouer avec ses amis. En tant que grand amateur du basket, je trouve que c’est quand même triste qu’un joueur avec autant de potentiel de devenir le plus grand de jamais à décider d’accepter à être moins.
le Heat devrait signer Iverson, ils auraient l'intégralité du marché français de la vente de jersey.
Cette décision de lebron plombe quand même sacrément les knicks. Attendre depuis 3 ans l'été des "free agent" pour se retrouver avec stoudemire (relativement hors de prix) et raymond felton... même spike lee va finir par bouffer sa casquette.
Bravo pour ton article, je trouve ton analyse très fine.
Pour grossir un peu le trait, je pense que LBJ n'est pas un leader-né (cela se voyait bcp dans la série contre Boston) et qu'il a souhaité redonner un peu de cette pression de franchise player qu'il avait, sur 2 autres leaders, qui avaient le même statut de franchise player dans leurs clubs. Mais il reste que je ne vois pas comment Wade et James vont se répartir les ballons pendant 4 ans...
La compatibilité de jeu entre James et Wade est le gros point d'interrogation de ce Big Big Three.
j'espère vraiment que Wade acceptera de devenir le beretta de James comme j'en avais discuté il y a quelques semaines (http://unlimitednba.blogspot.com/2010/05/dwyane-wade-peut-il-devenir-le-beretta.html).
Mais est-ce que son égo le permettra, particulièrement à long terme comme tu le soulignes?
Comme le faisait remarquer Tinmar à l'époque, c'est plus vers une réponse négative qu'on tendrait instictivement. Mais bon, on ne sait jamais.
Et pour la vente des maillots qu'évoquait Francoise, le plus fort serait que les Knicks engagent Jerome James et lui fasse porter le n°6. Effet commercial garantie.
Ils peuvent aussi engager Jerome Jordan qui vient juste de sortir de la fac et dont New York possède les droits, et lui coller sur le dos le numéro de Toney Douglas. Toney Douglas porte le numéro 23. Un maillot des Knicks n°23 floqué au nom de Jordan, le rêve des new yorkais, non?
j'avais "forever young" de jay-z dans la tête pendant toute la deuxième partie de l'article
"j'avais "forever young" de jay-z dans la tête pendant toute la deuxième partie de l'article"
pas de chance...
Pour les knicks c'est clair, ils vont faire signer luke walton et ça sera nichel.
Pour moi le heat va avoir du mal quand il faudra faire autre chose qu'un concours de dunk. En plus de la complémentarité wade-lebron qui pose vraiment question, je vois pas de joueurs (excepté chalmers) intéressant défensivement ou qui amèneraient de l'adresse sur les shoots extérieurs. Enfin ça peut venir... mais j'attends vraiment de voir à quoi va ressembler le roster complet de miami pour la saison prochaine.
Ah si j'ai kiffé avoir cette musique dans la tête en lisant, ça collait trop bien, c'était parfait.
Pour la saison qui viens c’est sur que le Heat va avoir de trouble avec un roster des joueurs D-League. Mais au courant des 4 années garanties des 3 contrats, on peut s’attendre à quelques championnats pour l’équipe. N’oubliez pas que l’équipe va avoir le MLE pour signer un joueur chaque année à partir de 2011. Pour Lebron c’est une décision déroutante, mais pour le Heat, ca représente les débuts d’une dynastie.
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