10 août 2011

La Draft 2011 dans un coin de la tête (part. IV)

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---Cette draft récupérée sur le bord d'une autoroute est ainsi faite que même les franchises qui ont semble-t-il unanimement réalisé une excellente opération ne sont pas sûr de regarder un de ces jours cet été 2011 dans le rétroviseur sans regretter leur décision. Prenez Detroit. La franchise du Michigan, détentrice d'un huitième choix sans prétention, a mis dans ses poches un joueur qui aurait pu être pris en troisième position sans que personne ne claque une durite, et qui présente la double qualité d'être gavé de talent et de correspondre à un de ses besoins les plus assourdissants. Pourtant, rien ne dit que ce coup pour l'instant irréprochable ne se dégonflera pas comme un ballon de baudruche contrefait une fois dans ses mains.

---Ce n'est pas son choix qui est en cause. Il n'y avait que trois vraiment bons point guards dans cette draft et je parie qu'elle n'était même pas sûr de pouvoir en attraper un avec son gentillet 8ème pick. Avec la chance d'un découpeur de lapins, elle a pu faire un choix entre deux d'entre eux. Elle a pris le prospect qui avait le plus de billes dans sa cote. Non, ce n'est pas le choix qui est en cause. C'est juste que parfois, faire un bon choix n'est que le début des choses sérieuses et des ennuis. Ouais, faire le bon choix ne suffit pas, il faut encore que le rejeton survive à ses premiers jours et se fasse une place dans la famille si on veut récolter un jour les fruits de son talent. Les Pistons vont rapidement s'en rendre compte avec Brandon Knight, leur nouveau meneur titulaire.

---Ça fait un bail que je me dis que les cols blancs de Motor City auraient pu rattraper leurs bourdes en choppant un bon point guard. Engager Ben Gordon et Charlie Villanueva en même temps était assurément pas inspiré en cette intersaison 2009 mais il y avait toujours du talent dans les pognes de ces deux artilleurs insouciants. Associez-leur, à eux et aux autres Richard Hamilton et Rodney Stuckey, un véritable meneur pour leur donner la balle dans les meilleurs conditions possibles et pour décider à leur place qui est le mieux placé pour faire frissonner la ficelle et cette collection de scoreurs et shooteurs inconsidérés aurait peut-être pu au moins montrer un attaque organisée et inextinguible. Ce même été 2009, les Pistons auraient pu drafter Ty Lawson ou Jrue Holiday, a priori parfait pour ce job. Ils on préféré drafté un autre scoreur-shooteur, Austin Daye. Pourquoi attendre une décision intelligente de la part d'une franchise qui flambe sa marge sous le salary cap pour filer des contrats juteux à Villanueva et Gordon alors que toute une tripotée de free agents surdimensionnés tels que LeBron James, Amare Stoudemire ou Chris Bosh allait être sur le marché un an plus tard? Je ne sais pas quelle mauvaise fièvre les avait piqué cet été-là, mais ça devait être une belle saleté.

---Deux ans après, deux années de zonard à la face défaite, Detroit a corrigé le tir -pour peu que cela soit possible- avec la venue de Brandon Knight. L'effectif est resté à peu près le même, compte en plus l'arrivée du solide jeune pivot Greg Monroe et en moins Tyshaun Prince, potentiellement sur le départ maintenant que son contrat a pris fin. Mais le point guard de Kentucky sera-t-il capable de faire tourner la boutique? Ce n'est pas la baraque la mieux agencée du pays et le floridien de naissance ne montre une carte de meneur valable que depuis les derniers mois de la saison NCAA qui vient de fermer le rideau. Il n'a pas 20 ans et on lui demande d'occuper dans la meilleure ligue du monde un poste qu'il commence à peine à maîtriser et de gérer les humeurs d'un bon paquet de scoreurs. Le gamin a réussi à passer du simple talentueux pourvoyeur de points au véritable meneur à une vitesse à en mettre pas mal sur le derche et on dit de lui que c'est un gars plutôt intelligent pas du genre à faire des vagues, mais le boulot qui l'attend dans la Michigan est un sacré morceau.

---Peut-être, Kemba Walker avec ses trois années de NCAA dans le citron et un titre de champion dans l'armoire, aurait été un choix plus sûr. Si on me demandait, je dirais que le nouveau meneur des Bobcats est aussi un meilleur joueur pour le moment. Mais Knight a ce qu'il faut pour le dépasser un de ces jours. Il est plus jeune, plus grand et meilleur shooteur. S'il poursuit correctement son apprentissage du poste de meneur et polit encore son jeu, il sera difficile de lui reprocher des trucs. Alors que Buscapé, lui, sera toujours taillé un peu court.

---Brandon Knight a du potentiel, c'est sûr. Mais j'ai toujours pensé qu'avoir du potentiel signifiait aussi avoir plus de pression sur la carafe. Un sac de plus dans son cas. Son potentiel justement, l'amènerai à devenir une sorte de Chauncey Billups. Comme le MVP des finales 2004, le jeune floridien est un scoreur reconverti à la tête bien pleine et au jeu complet. La vie est bien vache de l'avoir amené à Detroit. C'est jamais la panacée du reprendre un costume là où une légende locale l'avait laissé et d'en supporter la comparaison. Surtout que la période Billups, la dernière honorable pour la franchise, est encore fraîche dans les esprits. Knight devra faire du bon boulot à la mène, faire tourner une équipe de scoreurs pas franchement équilibrée, rivaliser avec les autres point guards de la ligue et jouer des coudes avec un fantôme du passé aux contours encore très vifs et malgré tout enjolivés par les souvenirs. Un gros pavé à avaler pour un apprenti meneur qui n'a pas encore pu voir son vingtième printemps.

---Billups, Ty Lawson l'a eu devant lui en chair et en os. Puis ça a été au tour de Raymond Felton et c'est maintenant Andre Miller qu'il a dans les pattes. Avec ce dernier transfert réalisé en pleine draft, je ne suis pas sûr que Lawson s'en tire à bon compte. Il avait trouvé une sorte d'alchimie avec Felton et avait même peut-être pris l'ascendant sur lui dans la rotation. Mais avec ce vieux grognard de Miller, ça ne sera certainement pas la même chanson.

---L'ancien Cav, Clipper, Nugget déjà, Sixer et Blazer a beau trimballer ses 35 balais, il les portent comme s'il en avait 27 et montre encore les dents quand on essaie de poser un pied sur son territoire. Le bougre n'a pas hésité à pousser du coude Brandon Roy quand celui-ci était encore l'une des plus grosses pointures de la ligue. La cohabitation va être rude pour le jeune Tywon. Miller n'a plus qu'une année de contrat à tirer donc ça ne sera peut-être qu'un mauvais moment à passer mais il doit l'avoir mauvaise, le petit Tar Heel. Un peu comme la plupart des intérieurs de Houston.

---Avec leurs nouveaux draftés, Marcus Morris et Donatas Motiejunas, les Rockets viennent d'inscrire le nom de deux ailiers forts armés jusqu'aux dents dans leur roster qui en comprend déjà un bon paquet: Luis Scola, Jordan Hill, Patrick Patterson et peut-être Chuck Hayes si le féroce petit intérieur rempile. Pas mal d'entre eux seront repositionnés en pivot où il n'y a pour l'instant que le clown blanc Hasheem Thabeet pour tenir la barre mais aucun n'y sera vraiment convaincant. Scola n'en a pas les mensurations physiques et athlétiques, Motiejunas a les centimètres mais pas les kilos ni l'envie, particulièrement en défense et au rebond; Chuck Hayes restent un joueur de devoir sous-dimensionnée et Jordan Hill qui n'est pas le plus mauvais candidat pour ce poste grâce à ses 2,08 m et ses qualités athlétiques, n'est pas encore assez fiable.

---Tout ce petit monde serait mieux en ailier fort, là où Patrick Patterson et Marcus Morris seront déjà en train de se tirer la bourre comme deux frères ennemis. Le profils et le niveaux de jeu de ces deux intérieurs scoreurs sont si semblables que le coach devra sûrement tirer une pièce à pile ou face pour savoir qui mettre sur le terrain. Faire un tri dans ce bordel ne sera pas une sinécure et aucune combinaison ne sera vraiment satisfaisante. Je veux dire, aucun de leurs nombreux ailiers forts ne fera un pivot convenable, donc l'excès de gras de ce côtés-là ne pourra pas être déporté sérieusement sur ce poste 5 et restera de la graisse, de la talentueuse graisse, pour le poste 4.

---Dans les deux ailiers forts péchés lors de la draft, il y en a un de trop. Est-ce que l'occasion de prendre Motiejunas en compagnie de Jonny Flynn et seulement en échange de Brad Miller et du 23ème pick, s'est présentée après la sélection de Marcus Morris? On peut comprendre que les Rockets aient trouvé cette opportunité suffisamment juteuse pour ne pas la laisser filer malgré le recrutement préalable de Morris. Des trades sont donc peut-être à prévoir, leur équipe est l'une des plus denses et jeunes de la ligue. Dans le lot, je ne serais pas étonné de les voir réussir à en fourguer deux ou trois pour récupérer un joueur de qualité supérieur. Pas mal sont en attente sur un quai de gare à cause d'un contrat trop grassouillet ou d'un déséquilibre dans l'effectif, il y a certainement-là des belles transactions à réaliser. Par contre, je crois qu'il n'y a pas beaucoup de franchises dans la ligue qui hantent le marché des transferts en quête d'un ailier fort. La plupart des franchises sont plutôt bien dotés de ce côté-là et celles qui ne le sont pas n'ont pas forcément beaucoup de choses à proposer en échange. En plus, les Rockets ne sont pas les seuls à avoir un excédent d'ailiers forts, Utah et Minnesota aimeraient peut-être bien en refourguer un ou deux, eux aussi.

---La concurrence aurait pu être rude. Tant vis-à-vis du nombre limité d'opportunités de transferts pour bazarder des ailiers forts et avoir du bon matos en retour qu'au sein de ces même équipes trop pleines de power forwards si elle ne parviennent pas à concrétiser ces transferts. J'aurais aimé voir ça, si le lock-out ne se mettait pas en travers. Qu'est-ce qu'on attend pour enfermer les deux parties en négociation jusqu'à ce qu'elles soient poussées à trouver un accord par la faim et la soif?

A suivre.

StillBallin

4 commentaires:

Startrak a dit…

Tu viens de ma faire prendre conscience que les Pistons auraient pu drafter Jrue Holiday ya 2 ans alors que c'est exactement le genre de meneur que j'aimerais bien voir jouer là-bas.

S'ils avaient un bon meneur organisateur, penses-tu qu'ils pourraient replacer facilement Brandon Knight en SG ou est-ce que son potentiel est à la mène?

StillBallin a dit…

Bonne question. Dans l’absolu, le potentiel de Knight est plus grand à la mène. A ce poste, il peut tirer parti de son bon maniement de balle et il n’aura en principe que très rarement un déficit de centimètres par rapport à ses adversaires. Alors qu’en poste 2, il sera quand même un petit peu petit (rien de rédhibitoire, il mesure 1,91m et aura en contrepartie un avantage de rapidité la plupart du temps) et peut-être un peu sous-exploité, vis-à-vis de ses toutes nouvelles et émergentes qualités de playmaker.

Mais le plus intéressant quand à son potentiel en tant que meneur, c’est que celui-ci ne semble pas avoir d’obstacles majeurs à sa réalisation (indépendamment du déroulement de sa carrière, de son utilisation ou de la façon dont il encaissera la vie en NBA), contrairement à la plupart des combo guards taillés comme des meneurs mais dont le jeu est plutôt celui d’un arrière. Je pense en fait ici à un élément bien particulier, c’est la mentalité. En une petite année de NCAA, il est passé d’une mentalité de scoreur à celle d’un meneur qui cherche autant à impliquer ses coéquipiers qu’à se trouver un bon shoot.

Ce basculement que très peu de joueur ont réussi, à ma connaissance (Chauncey Billups est le seul qui me vienne à l’esprit pour l’instant alors que je trouve les exemples de ceux qui n’y arrivent pas aussi facilement que si j’avais tapé dans leur fourmilière : Tyreke Evans, Jason Terry, OJ Mayo, Russell Westbrook, Rodrigue Beaubois, Yannick Bokolo en France…). Donc là où Rodrigue Beaubois a un potentiel de meneur proprement hallucinant (qualités athlétiques, vitesse, shoot, capacité à attaquer le cercle, à se créer son shoot, il ne lui manque que le playmaking) mais qui reste largement hypothétique tant qu’il demeure un « shooting-first » player, Brandon Knight comme il est parti aujourd’hui montre un potentiel dont la réalisation est beaucoup moins hypothétique.

Tout ça pour dire que son potentiel à la mène n’est pas du flan ou une sorte de fantasme et que ça vaudrait le coup de pousser dans cette voie parce qu’a priori, c’est là que toutes ses qualités seraient le mieux exploités.

Après, je t’avoue que j’aime bien l’idée de le mettre en deux à côtés d’un autre meneur au playmaking confirmé. Ce genre de ligne arrière avec deux meneurs ou un meneur et un quasi-meneur, amène beaucoup de vitesse et de créativité. Brandon Knight est le combo guard parfait pour être le poste 2 de cette ligne arrière de meneurs car il a le shoot et le jeu sans ballon pour, mais aussi suffisamment de playmaking et de maniement de balle pour apporter cette créativité et gérer les possessions comme s’il jouait meneur, histoire de pousser la défense à ne pas savoir sur quel pied danser. Le revers de tout ça, c’est qu’en défense, Knight pourrait souffrir face à certains arrières plus grands et plus costauds mais ça, c’est au coach de voir ce qu’il préfère (et puis si le véritable meneur associé à Knight est plus grand et/ou plus costaud comme Jrue Holiday par exemple, il peut marquer le joueur de Knight et Knight se charger du meneur adverse)

La ligne arrière Brandon Knight/Rodney Stuckey avec Knight en 1 et Stuckey en 2, y ressemblera peut-être un peu si Knight pousse encore ces progrès à la mène, suffisamment pour bien faire tourner cette équipe difficile à manier. Il n’y aura pas vraiment le surplus de playmaking espéré mais par contre, Detroit aura un avantage en termes de vitesse et de capacité de création balle en main ou plutôt d’être une menace balle en main. Ce n’est pas aussi prometteur qu’une association Knight/vrai playmaker mais pourquoi pas ?

Jo a dit…

C'est vrai d'ailleurs, t'en penses quoi du lock-out?

StillBallin a dit…

J'en pense pas grand chose. Les deux camps m'énervent un peu. C'est normal que tous les deux aient des propositions exagérées d'un côté et de l'autre en début de négociation mais voir que personne n'a lâché de lest depuis le début est ridicule.

Personnellement, le seul truc qui m'intéresse vraiment dans les négociations, c'est l'instauration d'un hard salary cap. Je pense que c'est le meilleur truc pour que toutes les franchises soient égales et que leur compétitivité dépendent de leurs décisions plutôt que de leur capacité financière.