31 juillet 2008

Interview Exclusive, Carmelo Anthony, Part II

(Suite de la première partie de l'interview)

Après l’interview traduite de Joakim Noah avec un gros bonnet de chez Slam, voilà une autre traduction d’une interview accordée à ESPN (Scoop Jackson) de l’attaquant le plus doué de la nouvelle génération, Carmelo Anthony. PART I & PART II ci-dessous:

ESPN : Retournons en 2004. Coach Larry Brown. J’ai parlé à plusieurs personnes, écouté pas mal d’histoires et j’en suis arrivé à mes propres conclusions. L’une d’entre elles est qu’il t’a utilisé injustement.

MELO : Je pense aussi.

ESPN : Avant les JO, tu étais le meilleur marqueur de l’équipe, et une fois arrivé en Grèce, tu ne jouais pas, sans explications.

MELO : Je ne sais vraiment pas d’où ça venait. Honnêtement, maintenant que j’ai eu l’opportunité de voir ce qu’il s’est vraiment passé et de dire ma version des faits… à l’époque, tout le monde n’écoutait que Larry Brown, ils ne m’écoutaient pas. Larry Brown et moi ne nous étions jamais dit un seul mot. Je ne me suis jamais disputé avec lui et il n’est jamais venu me voir à propos d’un éventuel problème avec moi. Comme tu l’as dit, je menais l’équipe au scoring durant les matchs de préparation et ensuite, aux JO, tout change et je ne joues plus.

ESPN : Et il ne t’a jamais rien dit ?

MELO : Je le jure devant dieu, il ne m’a jamais rien dit. Et je ne lui ai jamais rien dit. Je ne sais pas d’où tout cela est parti. Un jour, on était à l’entraînement et une paire de journalistes d’un canard est venue me voir « T’as fait quoi à Larry Brown ? Tu lui as fait quoi ? » ce à quoi je répondais « De quoi vous parlez ? », « Dans les journaux ils disent que vous êtes en embrouille ». Je n’en savais rien parce qu’il n’y avait rien à savoir. Larry Brown et moi n’avions jamais parlé ensemble.

ESPN : Je sais que Brown offre rarement du temps de jeu aux rookies et aux jeunes joueurs, mais en tant qu’homme, jeune ou vieux, tu méritais qu’il te dise un truc du genre « Tu vois Carmelo, je vais tenter un nouveau plan de jeu ». Il aurait au moins pu te dire ça, et tu me dis qu’il ne l’a jamais fait ?

MELO : Quand on était en période d’essai à Jacksonville et même si Lebron et moi étions les dernières additions à l’effectif, il nous a convoqué pour nous dire « les gars, vous devez être prêts, vous allez jouer ». Et il nous a fait jouer… durant les matchs de préparation. Après ça, il n’a plus rien dit et nous — Bron, D-Wade, Amare & moi — n’avons plus joué.

ESPN : Ouep, je crois que durant ces JO vous quatre avez joué pour un total cumulé de seulement 11 minutes par match.

MELO : Ouep, on venait du banc et au bout d’un moment, quand on a une équipe comme celle qu’on avait en 2004, un truc de ce genre commence à s’installer dans ta tête, commence à ébranler ta confiance et tout ça. Donc on a du rester ensemble. C’est vraiment ce qui a fait que Lebron, D-Wade & moi sommes si proches. Là-bas, on devait rester ensemble et se remonter le moral. On disait « On ne va pas se laisser abattre ». On a dû se débrouiller par nous même, ensemble. On ne jouait pas, on était au fond du bus, au fond du banc, donc on devait trouver un moyen de s’entraîner encore après l’entraînement pour garder confiance en nous.

ESPN : Donc, en gros, vous avez tous les trois dû grandir ensemble. Vous deviez grandir et vous demander ce qu’il pouvait bien se passer ?

MELO : Ouais, ouais. En gros on devait rester ensemble et se dire « voilà, c’est comme ça ». « Ok, on sait qu’on ne va pas jouer, mais entraînons nous avant ou après les sessions d’entraînement. Soyons sûr que nous soyons sur la même page ».

ESPN : Une fois, à l’époque tu avais dit qu’ils « t’avaient jeté aux loups. » Explique nous ce que tu voulais dire.

MELO : Ce que je voulais dire est qu’on sortait de notre saison de rookie, et qu’on avait aucune expérience des JO auparavant. Et ce n’était pas les tournois de qualification FIBA, mais les Jeux Olympiques ! A l’époque, je ne pense pas qu’on réalisait l’importance des JO, de la cérémonie d’ouverture, et de tout ce que ça touche. On nous avait juste mis là et dit « Allez y et gagnez la médaille d’or ». Et avec le temps, je pense que j’ai appris de cette expérience. Ces dernières années on s’est détendu, on a pris le temps de regarder, on a tenu compte et pris des notes de ce qu’il se passait. On est plus mature et conscient de ce que signifient les JO, de ce qu’il s’y passe et ce qui y est en jeu.

ESPN : Donc 2004 pourrait finalement être un mal pour un bien ?

MELO : C’est clairement un mal pour un bien, exactement. Si je n’avais pas connu tout ça en 2004, je ne serais probablement pas là à te dire comment je veux me comporter et tout ce dont je te parle.

ESPN : Gardes tu tout ça en mémoire pour ces JO ? Pas nécessairement pour prouver que Larry Brown avait tort, mais pour prouver ce que tu aurais pu apporter à l’époque ?

MELO : Pas juste à Larry Brown. Je pense qu’au fil des ans j’ai prouvé aux gens ce dont j’étais capable. Je ne pense pas que j’ai quelque chose à prouver. Mais je veux prouver au monde que quand on parle du basket, de ce truc, et je ne veux pas paraître arrogant, prétentieux ou autre, mais ça nous appartient ! Ce jeu, on l’a inventé ! Je veux que les gens impriment ça.

ESPN : Est-ce une chose dont vous avez tous parlé ouvertement dans les réunions ou aux entraînements ? Cette fierté perdue ? Est-ce une chose sur laquelle coach Mike Krzyzewski et Jerry Colangelo insistent, que ça vous appartient ?

MELO : Tout d’abord on a un goût amer dans la bouche avec 2004. La défaite et toute l’aventure, de comment tout s’est écroulé et quelles en étaient les causes, on s’en rappelle encore. C’était comme si, après la défaite, tout le monde partait suivre son propre chemin. Je ne vois pas ça maintenant. Maintenant on est une vraie famille. On est en route pour la rédemption.

ESPN : Es-tu inquiet ?

MELO : Nop, je ne suis pas inquiet. Je ne crains rien. Et je ne pense pas que l’équipe soit inquiète. La seule chose qui nous rend nerveux est l’attente d’aller là-bas et de jouer. On veut juste y aller et jouer. Rien ne nous fait vraiment peur.

ESPN : Pas même les trois choses dont tout le monde parle : qu’il y a un seul vrai intérieur (D-Howard), qu’il y a un seul vrai shooteur extérieur (Michael Redd) et qu’il y a un seul vrai spécialiste défensif (Tayshaun Prince) ?

Nop. Je pense qu’on a l’équipe parfaite actuellement. On a tout ce dont on peut rêver. On a des meneurs, des arrières, des arrières shooteurs, des ailiers, des ailiers fort et on a le meilleur pivot du monde entier. Je te jure…

ESPN : Laisse moi te demander un truc différent. Comment est-ce que ces matchs, les matchs que tu vas jouer tout au long des JO, comment vont-ils te représenter ? Pas nécessairement en tant que joueur de basket, mais en tant que personne ?

MELO : Quand j’entre sur le terrain, je pense au basket, à gagner, mais il y a tant de choses qui viennent à l’esprit sur comment je vais débuter un match, puis le suivant. Mais ça dépasse le cadre du basketball. Comme la cérémonie d’ouverture, on a le monde entier qui sera spectateur. C’est le plus grand évènement mondial, tous sports confondus, pas juste au basket. Perso, je vais me détendre et retracer le chemin parcouru. « Non mais comment j’ai pu atterrir là ? Comment j’y suis arrivé ? Moi ? » Tu vois ce que je veux dire ?

ESPN : Je vois. Etant cet enfant de Baltimore, je parle des quartiers pauvres de Baltimore, pas Guilford ou Roland Park, un endroit où tu as encore des attaches et où tu reçois de l’amour, où tu retournes dès que tu en as l’opportunité (au moment de cette interview MELO était à Baltimore pour sa quatrième « Holding Our Own Destiny », évènement annuel), un endroit d’où tu viens dont certains t’en veulent encore pour ne pas avoir eu ou fait semblant d’avoir honte… Un truc comme une médaille d’or n’est pas un truc dont les gens du coin pensent et envisagent, qu’ils soient basketteurs ou non.

MELO : Ouais. Grandir ou j’ai grandi et de la manière dont je l’ai fait, je pense que j’apprécie encore plus. Quand on regardait les JO et les cérémonies d’ouvertures, on ne comprenait pas vraiment, jusqu’à réellement en faire partie. Donc maintenant j’apprécie vraiment. Juste le fait de marcher et d’entendre l’annonce « The United States of America » pendant la cérémonie d’ouverture, les feux d’artifices, les lumières, tout ça signifie beaucoup. Dans ma vie, je n’aurais jamais pu imaginer un truc de ce genre ou faire partie d’un tel truc. Je ne me voyais jamais jouer pour l’équipe olympique américaine en grandissant, je ne me voyais même pas jouer en NBA pour être honnête. Je n’avais jamais envisagé ce genre de truc. Donc c’est comme si un rêve dont je n’avais jamais rêvé était devenu réalité. C’est comme si je fais partie de ce qui compte vraiment. C’est toujours très dure pour moi de croire que je vais faire partie de l’évènement majeur de la planète.

ESPN : Une idée reçue affirme que les gens du cœur des banlieues ont un sens du patriotisme différent, ou qu’ils en manquent. Dis moi ce que gagner une médaille d’or t’évoque de ce point de vue. Pas uniquement toi en tant que joueur de basket, mais toi, Carmelo Anthony, ce mec qui vient du bitume de Baltimore ?

MELO : Je ne peux même pas trouver des mots pour décrire cela ; ce sentiment. Ce serait la plus belle chose qui me serait jamais arrivé. La meilleure, sans hésitation. Gagner cette médaille d’or… (il prend une grande respiration)… Regarde, j’ai gagné au lycée, j’ai gagné en université, je veux gagner en NBA. Mais gagner une médaille d’or, je ne pense pas que quelque chose puisse être plus fort que ça. Je sais que tout le monde dit qu’il veut gagner un titre mondial au basket ou au foot, ce genre de trucs, mais rien n’est comparable à la médaille d’or.

Tu vois, en ce moment je suis angoissé. Dès que tu mets l’uniforme Team USA, dès que tu as l’opportunité de jouer pour gagner la médaille d’or, tu deviens angoissé. Je suis sûr que tout le monde ressent la même chose dans l’équipe, angoissé et pressé d’aller là-bas et de jouer. Tu sais, tout le tapage médiatique et l’excitation sur notre voyage là-bas, on n’y pense pas, on veut juste vraiment y être.

ESPN : Donc à cette période l’an prochain, quand tu retourneras dans le quartier pour « Holding Our Own Destiny », que vas-tu raconter aux enfants sur ce qui a changé ? Pas à propos du fait que les JO aient pu changer ta vie, ou que tu aies gagné la médaille d’or et ce que ça représente pour toi, mais qu’est-ce que la médaille d’or à ton cou devrait signifier pour eux ?

MELO : Tout d’abord je leur dirais que j’ai été comme eux il y a quelques années. Exactement le même. Je sais que certains ont l’ambition de jouer en NBA et maintenant que ça devient si populaire ils ont probablement l’ambition d’être olympiens — un truc dont je n’avais jamais pensé en grandissant. Mais en vertu de ce que l’on va essayer de faire là-bas, je pourrais leur dire que tout est possible. C’est possible. J’ai connu ce qu’ils connaissent, les coups durs, les journées noires, les pensées que les rêves ne se réaliseraient jamais. Mais je pourrais m’asseoir en face d’eux et leur montrer que les rêves peuvent devenir réalité.

ESPN : Et à propos de l’expérience ?

MELO : Je leur dirais d’abord que j’ai joué avec les meilleurs joueurs du monde sur et en dehors des terrains. Que j’avais le meilleur du monde à mes côtés. Quand on voit avec le recul de 15-20 ans comment les gens parlent de la Dream Team 1992, je veux que les gens parlent de nous de la même manière. On a la chance de pouvoir faire en sorte que les gens voient l’équipe de 2008 comme ça. Ils en ont marre de parler de 92 [Rires]. Ils veulent parler de nous. On doit juste leur donner raison.

[L’article original, en VO, ici]

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