15 février 2001

Marion contre O'Neal: blockbuster trade hier, transfert quitte ou double aujourd'hui (part II)

(suite de la première partie)

--Pour le talentueux rookie, la donne est intéressante. Il pourra continuer à sortir de banc comme il le faisait mais il possède désormais la place pour s’approprier une place dans le cinq. D’autre part, il pourra se tester durablement en power forward, poste qui permettrait peut-être d’exploiter au maximum ses aptitudes.

--Comme Jamario Moon fait partie du package made in Canada, Miami n’a pas eu besoin de se déplumer sur les ailes (attention, jeu de mot) et Spoelstra pourra ainsi disposer d’une joli flexibilité sur les postes 3, 4 et 5 (Haslem pouvant tenir le poste 5 en configuration small ball) en plus d’une plutôt sympathique complémentarité entre les défensifs Haslem et Moon et le scoreur Beasley.

--Dans cette configuration, Miami dispose d’un effectif très bien équilibré tant en terme de profils que de mentalité, mixant leaders et role players sur des secteurs spécifiques laissant penser qu’il y a peu de chance de voir des mecs se marcher dessus, comme c’était le cas avec Marion.

--Oui mais voilà, il y a un côté obscur. Vous l’aurez tous compris, la situation est parfaite tant que Jermaine O’Neal reste sur ses quilles. Mais c’est logique, si O’Neal ne connaissait pas la vie des fils cadets du quart des kinés et des médecins de la ligue, Indiana ne l’aurait jamais envoyé au Canada et Toronto ne l’aurait pas laissé débarquer en Floride.

--L’avantage pour Miami, c’est que jouer sans pivot, ça ils connaissent. D’ailleurs, ils ne s’en sont pas trop mal sorti et comme le talent de Marion n’était exploité qu’à moitié, Jamario Moon pourrait reprendre le rôle de ramasse-miette opportuniste que détenait l’ancien Sun (un peu moins bien certes, mais ce rôle là, sans être inutile, loin de là, n’est pas non plus décisif). Donc, c’est ce que je vous disais, dans le pire des cas les plus probables, ce transfert ne changera pas grand chose pour le Heat.

--Par contre, j’aurais une autre réserve à émettre, bien plus problématique celle-là (ta-tatan !!). Comme je l’avais dit ailleurs, Shawn Marion aurait pu être un élément majeur du Heat s’il avait été intégré dans le jeu floridien. Et donc, pourquoi en serait-il autrement pour Jermaine O’Neal ? Bien sûr JO apporterait une vraie présence intérieure mais sera-t-il à son tour sous-exploité ? Ainsi, les interrogations quand à la réussite de ce transfert viendraient autant du Heat que d’O’Neal.

--De son côté, Toronto était bien plus mal au point que Miami au moment de l’échange. Certains qualifieront peut-être la venue d’O’Neal contre TJ Ford (plus Nesterovic et le 17 choix de draft) cet été de fiasco mais il ne faut pas se leurrer, la fragilité physique du pivot était connu de tous et le trade était clairement un pari de la part des Canadiens. Il ne faut pas s’étonner si parfois, la pièce tombe du mauvais côté.

--Mais au moins, les absences à répétitions en mode sulfateuse de JO ont eu un effet positif. Elles ont permis à l’ancien n°1 de draft, Andrea Bargnani d’avoir l’occasion de montrer qu’il avait enfin réussi à comprendre ce qu’il devait faire pour être productif (c'est-à-dire arrêter de lancer systématiquement des bûches depuis la three point line). Même s’il reste encore un peu irrégulier (chaque chose en son temps, hein), Bargnani a montré qu’on peut compter sur lui et il a du même coup poussé les dirigeants dinosauriens à dépoussiérer les phantasmes qui caressaient leur imaginaire lors de son arrivée en 2006 et de l’affirmation de Chris Bosh.

--Évidemment, l’émergence d’El Mago a certainement contribué à ce que les dirigeants de Toronto abandonnent O’Neal au bord d’une nationale. On peut peut-être s’interroger sur le manque de viande dans la raquette qu’il en résulte puisque le poste de pivot est désormais l’affaire de Bargnani (pas vraiment un pilier des raquettes) et de Chris Bosh (allumette’ style). Ça doit être le prix à payer pour pouvoir disposer de deux talentueux intérieurs capables de driver et de s’écarter.

--Depuis le début de saison, les dirigeants de Rapts ne cessaient de se plaindre du manque d’impact de leurs ailiers (Anthony Parker, Jason Kapono, Jamario Moon et Joey Graham). D’ailleurs, avant le commencement de la saison, ils parlaient de décaler Bargnani en ailier (…).

--Ainsi, Shawn Marion se pose sur le tarmac canadien avec les ailes des Raptors qui lui tendent les bras (attention, second jeu de mot). Il devrait apporter ses qualités athlétiques et surtout du rebond, ce que l’équipe a vraiment besoin (ouais parce qu’avec un Bargnani à 5,3 rodmans, on comprend pourquoi Toronto pointe à la 28ème place de la ligue pour ce qui est de rattraper la baballe). Ainsi, on peut espérer que Marion débarque à Jurassic Park avec sa hargne de nettoyeur de cercle et son sens de la défense tentaculaire et ce faisant apporter une consistance bienvenue à sa nouvelle équipe.

--Autre élément positif, sa polyvalence offrira à son coach une flexibilité intéressante en baladant l’ancien All-Star entre les postes 3 et 4 au gré des besoins du match. D’ailleurs, avec Bargnani et Bosh sur le terrain qui aiment bien s’écarter, Marion aura tout le loisir de couper dans la raquette pour profiter des espaces laissés. Une sorte de piston permanent entre ces trois joueurs, voyageant sans arrêts entre l’intérieur et l’extérieur pourrait avoir un effet dévastateur pour n’importe quelle défense surtout avec Jose Calderon pour envoyer la boule au bon endroit et au bon moment.

--Même si la configuration des Raptors est désormais atypique avec aucun vrai joueur fixé à la peinture (Shawn Marion n’aura-t-il donc jamais la possibilité jouer avec un pivot de poids ?), elle est potentiellement assez séduisante à mes yeux. Toutefois –oui comme pour JO, il y a un « toutefois »-, les Raptors ne possèdent aucune garantie sur le succès de la greffe.

--Marion sort d’une période difficile du côté de la Floride où son rendement a été plutôt pauvre. J’ai dit que le Heat ne l’avait pas complètement impliqué dans leur façon de jouer mais Marion n’a pas fait grand-chose non plus pour s’imposer comme un élément indispensable et n’a pas cherché à s’approprier plus de responsabilité que ce qu’on lui a laissé. Donc le risque de voir le Marion du Heat resurgir à Toronto plutôt que celui de Phoenix reste envisageable.

--Je me demande si Marion n’a pas pris un coup psychologique après son transfert à Miami. Non pas que ce trade l’ait « détruit » puisque cela faisait un moment qu’il embêtait tout le monde pour partir, mais parce qu’il a du se rendre compte que jouer à Phoenix sous les ordres de Mike D’Antoni était une véritable chance et qu’il l’a bousillé en se plaignant. Vous savez hein, « c’est quand on a plus dans les mains ce qu’on aime qu’on en ressent l’envie et le besoin ».

--Deuxième coup de massue, Marion voulait partir de Phoenix pour être le leader d’une franchise. Il en a eu l’occasion dès son arrivée en Floride lorsque Dwyane Wade avait été jugé « out » jusqu’à la fin de saison. Or, au-delà des résultats médiocres du Heat, les performances de Marion elle-même laissait à désirer (14,3 pts et 11,2 rbs) pour un « franchise player ».

--Suite à cette expérience malheureuse, Matrix s’est peut-être rendu compte, à 30 ans, qu’il n’était pas aussi fort qu’il le croyait (ou qu’il l’espérait) et que partir de Phoenix où il brillait était une erreur considérable. Je ne sais pas vous mais moi je trouve que l’attitude de Marion depuis le début de saison correspond assez bien avec celle d’un homme désabusé par des prises de conscience qui le remettent lui-même en cause. Mais bon, il ne s’agit là que de suppositions.

--Donc voilà le danger de Toronto : comptez sur quelqu’un qui traine pas mal de désillusions et qui sait qu’il est un peu tard pour relancer ses espérances au vu de son âge. Mais sait-on jamais, peut-être que passé ces états d’âmes, il pourrait repousser ses vielles ambitions pour se concentrer sur ce qu’il peut apporter à une équipe. La maturité dirons-nous. Ou la rédemption.

--Donc vous voyez, difficile de dire s’il y a un vainqueur dans ce transfert. Je ne peux même pas dire si les deux équipes sont gagnantes. Malgré tout, je donnerais un avantage à Toronto.

--Tout d’abord parce que dans le pire des scénarios pour les deux équipes, un demi-Shawn Marion vaut plus qu’un Jermaine O’Neal tout entier coincé entre les murs de l’infirmerie. Mais aussi parce que le contrat de Marion, contrairement à celui d’O’Neal se termine cet été. Ainsi, si l’expérience Marion ne donne rien de bon, les Rapts pourront le lourder tranquillement et jeter un œil au marché des agents libres ou économiser en vue de l’été blockbuster de 2010 (je vous rappelle que Chris Bosh aura la possibilité de mettre fin à son contrat cet été-là).

--Mais je vous rassure, Miami n’a pas fait une croix sur 2010 en récupérant O’Neal puisque le contrat de celui-ci se termine ce fameux été. Certains pensaient que le Heat allait profiter de la fin de contrat de Marion pour tâter le terrain des agents libres (Carlos Boozer faisait partie des cibles potentielles). Il n’en sera rien donc mais ce faisant, Miami garde toutes ses cartes pour 2010.

--On comprend bien que signer quelqu’un cet été signifierait que la franchise n’aurait pas les capacités financières pour participer à la pêche aux gros poissons de l’été suivant (à moins qu’un des agents libres accepte de signer que pour un an ou alors à un montant ridicule, ce qui est bien improbable surtout en NBA). On peut imaginer qu’avec JO, les floridiens parviennent à conserver un niveau de jeu suffisamment intéressant pour aguicher Lebron James et compagnie mais aussi pour retenir Wade (et oui, lui aussi), surtout si le alors plus très jeune Jermaine décide de rester avec un bas salaire, poussant un peu plus l’un des All-Star libres de s’investir à Vice City.

--Ce transfert est plus intéressant qu’il n’y parait de premier abord, notamment parce que son résultat est baigné d’incertitude. Ce que j’aime surtout, c’est que cet échange qui semblait être né du dépit de ne pas trouver mieux, répond finalement bien au besoin des deux équipes. De façon surprenante, s’échanger des déceptions pourrait arranger tout le monde. Je vous donne rendez-vous dans un mois ou deux pour voir ce que ça aura donné.

StillBallin

2 commentaires:

DAR8 a dit…

ahahahah, j'ai kiffé le jeu de mot du raptor qui tend les bras, ou la dedicace au chaud lapin !!! ^^

Bref, pour reparler basket, j'suis quand même un éternel optimiste, et pense que Marion est plutôt sur la voie de rédemption, et que des vieux (au dessus de 32) efficaces, on en a eu des pas mal : Zo, C-Webb, Horry, et j'en passe !

Anonyme a dit…

C'est vrai même si C-Webb sur la fin, c'était pas joli à voir. Néanmoins pour ce qui est de l'âge, il ne faut pas oublier que le jeu de Marion repose essentiellement sur ses qualités athlétiques, mais pour l'instant il a encore les cannes pour.

Comme toi, j'espère aussi que Marion parviendra à se reconvertir en coéquipier trois étoiles parce que j'aime vraiment bien le potentiel du triangle talentueux et complémentaire Bosh-Bargnani-Marion, surtout les combinaisons parviennent à voir le jour.