---En arrivant quatrième de la conférence Ouest et en se hissant dans le dernier carré en lutte pour le titre, Oklahoma City a largement répondu aux attentes du début de saison. Pour une franchise qui s'était adjugée le dernier strapontin des playoffs l'année dernière et qui figurait encore dans la liste noire des mauvaises équipes la saison d'avant, la progression est pour le moins fulgurante et annonciatrice d'un avenir au sourire jusqu'aux oreilles.
---Toutefois plus la fusée va vite, plus elle risque de perdre des morceaux de carlingue et de laisser apparaître des fissures. Les grosses têtes de la NASA ont déjà tirer quelques sonnettes d'alarme pointant le plus souvent leur doigt et leurs commentaires dédaigneux sur Russell Westbrook, ce qui est vrai et faux à la fois. Car le fait que Westbrook ne soit pas un vrai meneur et qu'il pense à chercher son shoot avant de chercher ceux de ses coéquipiers est loin d'être une nouveauté (je caresse encore le fantasme de voir l'ancien élève d'UCLA être décalé en 2 dans un rôle d'homme à tout faire et slasher par intermittence). En fait, je pense surtout que ce problème est tout simplement devenu beaucoup plus flagrant à mesure que le Thunder prenait des airs de grosse cylindrée. Ce n'est pas vraiment que le point guard ait régressé dans sa sélection de tirs, son discernement et sa capacité à faire jouer les autres mais plutôt que ses lacunes sont beaucoup plus exposées depuis que la franchise surdouée n'a plus autant le droit à la défaite qu'avant.
---De plus, les Oklahomans s'appuient beaucoup plus sur lui qu'auparavant et donc en toute logique, subissent ses défauts avec plus de force. J'avais déjà fait part de mon inquiétude quand à la réduction des armes offensives dans l'effectif turquoise avec le départ de Jeff Green mais aussi celui de Nenad Krstic qui mine de rien apportait quelques solutions offensives avec son petit shoot à mi-distance et la présence de ses bonnes mains près du cercle. Avec Green et Kristic sur le terrain, Westbrook portait moins de responsabilités offensives et avait plus d'options de passe disponibles sous son nez. Donc forcément, le meneur qui n'en est pas un était moins livré à lui-même et son équipe, moins dépendante de son jugement parfois discutable.
---Si depuis le départ de ces deux éléments, Westbrook a été un peu sur-responsabilisé par rapport à ses qualités de point guard et même d'attaquant qui a souvent la main sur le ballon, ce phénomène avait déjà cours depuis un bon moment et à mon avis, Kevin Durant en est la cause.
---En effet, ce qui m'a frappé chez l'ailier superstar cette année, c'est la diminution drastique de son recours au jeu sans ballon. Il ne cavale plus autant que l'année dernière pour marquer une distance avec son défenseur et se créer des positions de tirs sans véritable opposition. Au lieu de ça, il attend patiemment que le cuir tombe dans ses mains et joue presque systématiquement le un-contre-un, n'hésitant pas souvent à forcer ses actions. Au-delà du fait que son efficacité sur tirs ouverts n'est en rien comparable avec son efficacité sur des tirs contestés et qu'avec son talent de shooteur, sa taille, sa vitesse, sa faculté à dégainer proprement dans le plus petite espace de liberté et la capacité des autres thundermen à poser de bons écrans, il est indéfendable quand il décide de jouer ainsi, cette façon de jouer offrait une option de passe très forte et efficace à Russell Westbrook.
---Maintenant que Durant ne propose plus que très rarement ces solutions toutes cuites, un pan entier de ce qui a fait la réussite du duo a disparu, enfonçant Westbrook dans sa solitude de meneur à grosses responsabilités. Et comme il n'est pas Chris Paul ou Deron Williams, son jeu grince sous le poids de sa responsabilité de meneur leader ou simplement devant la rareté des solutions, et fuit là où la machine est la plus faible: la prise de décision, la sélection de tirs, l'implication de ses partenaires et la construction d'un jeu collectif. Un peu comme si on demandait à un comptable fraîchement promu directeur d'un service de le faire fonctionner correctement alors qu'on assène parallèlement des coupes dans son budget.
---Russell Westbrook paye ainsi un lourd tribut à l'extinction du jeu sans ballon de son franchise player. Mais OKC et Durant aussi. En creusant d'avantage pour se trouver des tirs ouverts à trois points ou à mi-distance et en s'appuyant moins sur le un-contre-un, l'ailier champion du monde est quasiment inarrêtable et beaucoup plus efficace, sans compter que ce genre d'actions où un shoot à fort pourcentage peut survenir à tout moment et de n'importe où sans qu'on puisse vraiment s'y attendre, perturbe beaucoup plus les défenses que le un-contre-un car il les oblige à maintenir une surveillance totale et éreintante durant toute la partie. Avec un shooteur de la trempe de Durant, ce type de jeu fait énormément gagner OKC en imprévisibilité et multiplie ses possibilités d'attaque. De quoi faciliter le travail de Westbrook et éviter de trop compter sur ses prises de décision un peu hasardeuses.
---Faciliter la prise de décision de son meneur devrait être une priorité pour l'équipe d'Oklahoma City et ça, c'est le boulot de ses coéquipiers, plus particulièrement des scoreurs. C'est eux qui doivent se rendre disponibles et mettre des solutions bien en évidence sous les yeux de Westbrook. Ce dernier ne fera pas toujours les bons choix mais beaucoup plus rarement que quand rien de bien intéressant n'est proposé. Durant et la réactivation de son jeu sans ballon sont les premiers visés donc, mais il serait aussi utile de laisser James Harden un petit peu plus longtemps sur le parquet. L'arrière au style esthétique décalé a l'immense avantage de pouvoir être une option offensive lorsqu'il a la balle en main mais aussi quand il ne l'a pas (en spot-up shooteur ou en coupant vers le panier) et donc offrir plusieurs solutions d'attaque différente à son équipe et à Westbrook. OKC perdrait peut-être un peu en défense par rapport à Thabo Sefolosha mais pas autant que ce qu'elle gagnerait en attaque (Harden n'étant pas un mauvais défenseur et le suisse peut passer un petit peu plus de temps en à l'aile).
---De toute façon, la franchise a-t-elle un autre choix que de développer son collectif pour passer à la vitesse supérieure? Car l'absence d'une menace offensive intérieure plafonne grandement le potentiel du Thunder de ce côté du terrain et comme je l'expliquais dans un précédent papier, l'équipe oklahomane a très peu de chances d'en acquérir une à l'avenir sans faire de concessions ailleurs ou bouleverser cet effectif plutôt performant (Marc Gasol était une bonne réponse à ce problème grâce à sa bonne présence à la fois offensive et défensive ainsi que sa faible gourmandise en shoots, et je suis convaincu qu'OKC aurait pu l'attirer dans ses filets à la fin de son bail avec Memphis cet été sans compromettre les futures prolongations des James Harden et autres Serge Ibaka si seulement elle n'avait pas auparavant renouvelé le contrat de Kendrick Perkins). Il n'y a ainsi que par la biais du collectif, de la façon de jouer que cette équipe pourra progresser de façon conséquente, à moins de remodeler complètement le roster. Le Thunder est condamné à avoir un jeu offensif qui penche complètement vers le secteur extérieur et qui s'appuie sur un nombre de forces limitées tant en nombre qu'en qualité (cf entre autres les difficultés dans le playmaking et la prise de décision de Westbrook ou encore l'absence de recherche de tirs ouverts de Durant). Donc, la seule porte de sortie de la franchise surdouée pour avoir un potentiel offensif suffisant pour imposer unilatéralement sa loi est à mon avis de réaménager son jeu et plus particulièrement celui de son centre de gravité, Kevin Durant.
StillBallin
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