30 janvier 2011

Quelle stratégie de reconstruction pour Washington?

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---En expédiant à Orlando le dernier membre du Big Three qui fut l'image de la franchise pendant la dernière demi-décennie, les Wizards ont définitivement basculé dans un processus de reconstruction. Phase délicate dont on sait à quelle moment elle commence mais jamais quand elle finit. Aussi, la stratégie que les pontes de Washington choisiront de suivre sera déterminante. Plusieurs se présentent à eux et leur choix est susceptible d'être l'élément qui permettra à la franchise de retrouver un standing respectable ou qui la gardera collée à fond de cale.

---Ils peuvent par exemple décider de tenter de bâtir une équipe digne de ce nom à partir de ce qui est déjà en place en prenant pour noyau dur les meilleurs joueurs de l'effectif actuel et opérer des ajustements tout autour pour en sortir quelque chose de cohérent, comme je suppose qu'ils y ont un moment pensé en voulant associer John Wall à Gilbert Arenas. Cette méthode est a priori la plus rapide, celle qui permettrait de monter une équipe équilibrée et compétitive le plus tôt possible. Seulement même si le talent pur ne fait pas vraiment défaut, il est difficile d'imaginer une formation devenir réellement compétitive en s'appuyant sur les meilleurs joueurs de l'effectif actuel. Hormis John Wall qui est la pièce centrale de la reconstruction, aucun Wizard n'a le curriculum vitae d'un élément majeur dans une équipe à prendre au sérieux. Rashard Lewis peut toujours être une menace offensive valable mais la courbe des critiques portées à son encontre ne cesse de grimper, Al Thornton est capable de scorer à tout bout de champ mais s'insérer dans un collectif lui pose manifestement un cas de conscience tandis que Josh Howard n'arrive pas à se dépêtrer de ses blessures depuis sa très décevante saison 2009-2010. Et il a 30 ans. Andray Blatche n'a que 24 ans mais il a aussi une personnalité pas simple à gérer et à la différence d'autres allumés comme Dennis Rodman ou Ron Artest, cela ne se traduit pas par une débauche d'énergie et de dureté ébouriffantes sur le terrain (c'est en fait plutôt le contraire); JaVale McGee, pivot titulaire cette année, peut apporter beaucoup de choses, en hauteur notamment, mais peut-il sincèrement tenir ce poste pour une équipe qui s'attend à gagner un match sur deux? Quand à Nick Young qui joue actuellement le meilleur basket de sa vie (17 pts/matchs), on attendra une confirmation et surtout on attendra de voir si la surprise de le voir évoluer à ce niveau n'éclipse pas pour l'instant ses défauts.

---Donc à moins d'être un savant fou de General Manager, de vouloir entreprendre des expériences sociologico-sportives ou d'avoir dans l'idée de proposer à un coach mégalo un challenge à la hauteur de son égo, on claquera joyeusement la tronche du conseiller qui a proposé cette stratégie de reconstruire à partir des joueurs déjà présents. Tout ce que Washington y gagnerait c'est de se prendre à nouveau le chou pour réfléchir à un moyen de se reconstruire dans trois ou quatre ans.

---Une autre stratégie, beaucoup plus pertinente et répandue, consiste tout simplement à oublier toute notion de résultat pendant les prochaines saisons afin de les utiliser pour amasser un petit paquet de jeunes talents plein d'avenir par le biais de la draft ou de trades en bradant sans scrupule les actifs en possession, quelques soient ceux-ci (star un peu trop proche de la trentaine, élément productif mais qui ne fait pas partie des plans à moyen terme des dirigeants,...). Ces années dîtes de reconstruction sont donc patiemment sacrifiées afin que la franchise ait à sa disposition dans un futur pas trop lointain une équipe gavée de talent à en avoir les dents du fond qui baignent lorsque ces jeunes pousses seront arrivés à maturité. Pas besoin de chercher loin des exemples de ce modèle de restructuration, il est devenu la réponse classique des clubs en difficultés. Seattle/Oklahoma City avait ainsi bazardé Ray Allen contre le 5ème choix de la draft 2007 (avec lequel ceux qui étaient alors les Sonics avaient recruté Jeff Green) et abandonné Rashard Lewis (22,4 pts par match lors de cette dernière saison à Seattle) aux bons soins du marché des free agents avant de remplir son vestiaire avec des choix de draft extrêmement judicieux (Kevin Durant, Russell Westbrook, Serge Ibaka et James Harden, en attendant Cole Aldrich). Et aujourd'hui, à peine plus de trois ans après avoir troqué son visage contre un autre, la franchise qui est née deux fois est considérée comme une équipe dangereuse de la conférence Ouest qu'on attend au deuxième des tours des playoffs.

---Memphis a aussi suivi cette voie et s'est plutôt pas mal débrouillé malgré les charrettes de rires et de moqueries qui ont marqué les pas les plus audacieux de leur entreprise de reconstruction, plus précisément lorsque la franchise s'est débarrassé de Pau Gasol pour recevoir Kwame Brown (qui n'était là que pour faire le compte financièrement et terminer sa dernière année de contrat sans broncher), Javaris Crittenton (qui était encore prometteur à l'époque) et les droits sur un pivot espagnol sélectionné au second tour par les Lakers (Marc Gasol). Réunissant au fil des années Rudy Gay (récupéré le jour de la draft en échange de Shane Battier), Mike Conley (n°4 de la draft 2007), OJ Mayo (n°3 de la draft 2008, alpagué par les Grizz contre Kevin Love drafté en n°5 et Mike Miller), Marc Gasol qui entretemps a explosé et enfin Zach Randolph pour terminer le puzzle, les Grizz ont construit une équipe compétitive qui peut embêter pas mal de monde et prétendre aux playoffs dans la musculeuse conférence Ouest, quand bien même leur parcours est semé d'erreurs (Hasheem Thabeet sélectionné en deuxième position de la draft 2009, la signature d'Allen Iverson,...).

---Cette voie semble toute tracée pour Washington. La franchise a déjà un très talentueux jeune meneur dans ses rangs en la personne de John Wall et peut peut-être décider de voir jusqu'où JaVale McGee, Nick Young et Kevin Séraphin peuvent aller (ainsi qu'Andray Blatche pour les amateurs de sensations managériales fortes et ceux pour qui son 42,2 % de réussite aux tirs et ses 2,7 balles perdues par match ne sont que des détails). A ce noyau en bas-âge qui vaut surtout pour John Wall, la capitale fédérale pourrait y ajouter un nouveau gros prospect lors de la prochaine draft avec pourquoi pas Jared Sullinger, le nouveau Carlos Boozer ; Perry Jones, l'ailier fort qui a le corps de Garnett et donc le même potentiel quand bien même il joue plutôt comme une troisième option à l'université de Baylor en ce moment ; Enes Kanter, pivot qui a toujours dominé ses adversaires sauf qu'on a pas encore vraiment eu l'occasion de le voir contre des adultes ; Jonas Valanciunas, pivot lituanien qui justement s'est fait une vraie place dans une équipe plongée dans les joutes de l'Euroleague ; Terrence Jones, combo forward de Kentucky qui a pris tout le monde par surprise ou encore Brandon Knight, arrière scoreur bourré de talent qui louche un peu sur le poste de meneur. Un an plus tard, les Wizards ne seraient pas vraiment capable de gagner beaucoup plus de matchs mais ainsi, ils pourraient broché leur logo d'un Big Three pré-pubère et ultra-talentueux en enfilant une nouvelle fois leur maillot à un jouvenceau prétendant à la NBA (l'arrière au jeu offensif injouable Austin Rivers, l'ailier multiforme Quincy Miller, son rival Michael Gilchrist, le meilleur lycéen 2010 déchu Harrison Barnes ou encore l'intérieur élastique Anthony Davis,...). Après, il n'y aurait ensuite qu'à remplir les vides avec des bons role players. Bref, suffit d'encaisser les défaites jusqu'à enquiller les meilleurs joueurs d'avenir possibles et ensuite faire mordre la poussière à toutes les brebis distraites qui n'auraient pas vu le chiot inoffensif se métamorphoser en loup sanguinaire.

---Cependant, le chemin vers un aboutissement satisfaisant est long et périlleux. Premièrement, miser sur des jeunes talents bruts comporte toujours une part non négligeable de risque. Les franchises opérant une telle stratégie de reconstruction parient tous les jetons en leurs possessions sur le développement futur de ces apprentis NBAers, or il n'est pas rare d'en voir certains se montrer incapable d'évoluer et rester toute leur carrière l'individu au jeu mal taillé qu'ils étaient à leur arrivée dans la ligue (Darius Miles, Michael Olowokandi, Stromile Swift, Sebastien Telfair, DerMarr Johnson,...). En second lieu, une équipe en reconstruction composée d'éléments cruellement inexpérimentés et de vétérans complètement démotivés parce qu'ils savent qu'ils ne font pas partie des plans de la franchise et qu'ils dégageront à la première occasion, n'est pas tout à fait un milieu propice au bon développement des joueurs. Vous souvenez-vous des Clippers de la saison 2000/2001? C'était à peu près la même qu'aujourd'hui avec tout un tas de perles de moins de 22 ans à faire fantasmer un coach serbe jusque dans son sommeil empilées dans une même équipe. Sauf qu'on sait ce qu'elle est devenue par la suite. Lamar Odom (21 ans à l'époque et une poisseuse étiquette de futur Magic Johnson collée dans le dos), Darius Miles (19 ans, il devait prendre la relève de Kevin Garnett), Corey Maggette (21 ans), Keyon Dooling (20 ans, drafté en 10ème position de la draft 2000), Quentin Richardson (20 ans, drafté 18ème la même année après deux saisons dans la bonne faculté de DePaul à pas loin de 20 points, 10 rebonds, agrémenté d'une vraie capacité à frapper à distance) et un pivot sélectionné en première position de la draft 1998 en qui on voyait encore un avenir (Michael Olowokandi), rassemblés sous le maillot de l'autre franchise de LA, n'ont finalement pas marqué la ligue, ni même inscrit une participation aux playoffs au palmarès de la franchise.

---Ensuite, construire une équipe cohérente et complémentaire au travers de la draft ou de prospects plein de potentiel acquis par des trades est un exercice extrêmement difficile. Il faut en effet tomber sur les bonnes opportunités, sur un stock de joueurs disponibles satisfaisant et avoir une bonne dose de discernement pour prendre les bons, c'est-à-dire des joueurs à la fois de qualité et qui peuvent être efficacement associés les uns aux autres au sein de l'effectif. Parce qu'en utilisant ces moyens-là de recrutement, les possibilités sont fatalement limitées: dans le lot de joueurs disponibles au moment où c'est à son tour de drafter ou dans celui des jeunes potentiels qui ne sont pas barrés de la mention "intransférable" par les franchises NBA qui les ont sous contrat, il n'y aura pas forcément les joueurs adéquats que ce soit en terme de talent, de profil ou de complémentarité.

---On peut le voir avec Minnesota qui s'échine à réunir les meilleures jeunes joueurs possibles depuis le départ de Kevin Garnett. Ils se sont à un moment retrouvés avec deux excellents intérieurs (Al Jefferson et Kevin Love) mais dont aucun des deux n'étaient vraiment bien disposés physiquement pour jouer pivot, ni particulièrement performant en défense. Et aujourd'hui, avec Kevin Love en 4 et Michael Beasley en 3 (qui, lui l'ancien power forward, s'en sort de mieux en mieux à ce poste, ce qui n'était pas vraiment une certitude à son arrivée dans le Grand Nord Américain), Wesley Johnson, le rookie que les Wolves ont drafté en quatrième position est obligé d'occuper le poste 2 alors qu'il alternait le poste 3 et 4 en NCAA. De même, le jeu énormément axé sur Beasley, Love et Milicic dans un collectif peu développé, confine Johnson à un simple rôle de shooteur en périphérie, assez éloigné du volume offensif qui lui avait valu cette quatrième place de draft amplement méritée. Dommage, non? A partir du moment où la configuration de l'effectif nous oblige à les sous-utiliser, l'intérêt de recruter les plus grands jeunes talents possibles devient bien mince.

---Et même après avoir brillamment réussi ces étapes dans le processus de reconstruction et épuisé pendant plusieurs années la patience des supporters, le staff ne peut pas poser ses méninges pour souffler un peu. Car si un effectif satisfaisant et cohérent finit tant que bien que mal par émerger de ces années sacrifiées, il sera peut-être difficile de le garder en l'état sur plusieurs années ou du moins suffisamment longtemps pour accrocher durablement la franchise dans les hauteurs du classement. Revenons sur Oklahoma City et sa jeune troupe de va-t-en-guerre. Après avoir édifier une magnifique équipe à coups de choix de draft judicieux, la franchise n'est pas loin de se dire qu'elle devra réaliser des coupes dans cette ossature amoureusement bâtie pour pouvoir conserver la meilleure partie. En effet, toutes ces jeunes pousses battant pavillon Thunder sont en train de confirmer leurs promesses mais, évoluant encore sous le régime de leur contrat rookie, ils jouent quasiment tous à salaire inférieur à celui auxquels ils peuvent désormais prétendre. Ainsi et à moins que certains fassent des concessions conséquentes, les dirigeants des Turquoises ne pourront pas satisfaire tout le monde et conserver aux côtés de Kevin Durant (qui a déjà été prolongé) les Russell Westbrook, Jeff Green, James Harden et Serge Ibaka (voire Cole Aldrich suivant ce qu'il montrera à l'avenir). C'est pour cette raison -entre autres certainement- que la franchise hésite à offrir un contrat à Jeff Green, troisième membre du Big Three des Thundermen. Elle aurait en effet pu verrouiller son séjour dans l'Oklahoma pour plusieurs années dès l'été dernier comme ce fut le cas de ses compagnons de draft Kevin Durant, Joakim Noah, Mike Conley et Al Horford mais elle aurait pris le risque de griller ses autres cartes (Westbrook particulièrement) en donnant à Green l'argent qu'elle ne pourrait plus verser aux autres un peu plus tard.

---C'est aussi ce qu'il se passe avec Atlanta qui après avoir arrosé Joe Johnson et leurs anciens rookies, Al Horford et Marvin Williams, ne pourra vraisemblablement pas garder Jamal Crawford et même l'enfant du pays, Josh Smith, sans risquer de faire dangereusement fondre les deniers des proprios. Ou encore avec Memphis depuis qu'ils ont balancé une grosse partie de leur tirelire sur Rudy Gay et Mike Conley alors que la question des contrats de Marc Gasol (actuellement sous-payé) et de Zach Randolph (qui en demandera certainement beaucoup) commence à sérieusement chauffer sur le bloc-note du décideur en chef de la franchise. Ainsi, il semble que les Grizzlies se soient résolus à sacrifier OJ Mayo avant que le contrat rookie qu'il trimballe se termine et ne vienne leur parler d'une éventuelle prolongation.

---Voyez? A quoi bon réunir des supers prospects et espérer qu'ils prennent de l'ampleur si la franchise devra se séparer de certains d'entre eux? Le problème se situe dans le fait qu'il s'agit-là d'une stratégie à long terme, or ce championnat est ainsi fait qu'on peut toujours être surpris par des bonnes opportunités ou des mauvais choix qui oblige à retoucher sans cesse le plan de reconstruction en cours de route et de façon improvisée. C'est pourquoi il est difficile de construire une équipe cohérente sur le long terme. Memphis avait arrimé ses plans sur Rudy Gay, Mike Conley et OJ Mayo jusqu'à ce que les excellentes et complètement inattendues surprises Zach Randolph et Marc Gasol se pointent au milieu de ses calculs. Réorienter chaque année son effectif et le projet de sa reconstruction, c'est que Minnesota fait en permanence. Donc forcément, on ne s'étonne pas de les voir s'encrouter en queue de peloton depuis un bail.

---Une autre difficulté est le timing. Même si on parle de reconstruction à long terme, ce temps de reconstruction est en fait relativement limité dans le temps. Une franchise qui utilise cette voie pour rebâtir son équipe ne peut en effet pas se permettre de laisser passer trop d'années avant d'avoir des résultats encourageants car le risque de trop prendre son temps ou de ne pas parvenir à construire quelque chose qui augure des bons espoirs pour la suite, est de voir les premiers éléments de la reconstruction (qui sont souvent les éléments majeurs, étant donné qu'avec un effectif à ravaler entièrement on recrute d'abord en fonction du talent et pas vraiment en fonction du profil) refuser de signer une prolongation après l'arrivée à échéance de leur contrat rookie. Il n'est effectivement pas difficile d'imaginer John Wall se faire la malle si quatre ans après son arrivée dans la ligue, Washington végète toujours dans les eaux nauséabondes et viciées du bas de classement. Cette vision des choses est même certainement en train de faire son chemin dans l'esprit de Kevin Love et dans celui des Wolves. Et comme ce schéma peut se reproduire avec chaque pièce successive de la reconstruction (la deuxième qui arrive au bout de son contrat, la troisième, etc...), la reconstruction de la franchise risque de patiner sur place comme s'il s'agissait de remplir de sable un sablier percé. Par conséquent, les dirigeants doivent parvenir en un temps assez restreint à réunir une formation suffisamment talentueuse et bien construite pour convaincre les chaque pierre de l'édifice d'engager leur avenir avec la franchise.

Rien n'est simple, hein?


A suivre...

StillBallin

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