En Janvier, je postais ça, sans pousser l'analyse de ma superbe découverte. Grâce à un mystérieux mexicain, on a la chance de découvrir cette oeuvre plus en détails, avec la présentation de superhéros comme on ne les a jamais vu.
(Article proposé par un chroniqueur indépendant invité sur ce blog, Pedro G.)
La bd au même titre que les jeux vidéo a toujours été considérée comme une sorte de produit sous-culturel, inintéressant, abrutissant. J’ai découvert ça très tôt, en CE2 lorsque j’annonce à Monsieur Charles, mon instit, que j’adore lire :
« C’est très bien ça ! et que lis tu ? »
« J’ai lu tous les gastons, asterix et lucky luke ! Mais Tintin c’est pas terrible » me la pètes-je.
« Non mais je parle de vrais livres… »
C’est là que j’ai commencé à me méfier de l’omniscience présumée de nos enseignants.
La bande dessinée a depuis fait son chemin et de nombreux artistes sont reconnus comme tel.
Pourtant il est un genre qui manque encore de reconnaissance et de crédibilité : les comics.
La principale raison tient dans la surexploitation des personnages à succès par les deux grands acteurs de ce secteur : Marvel comics et DC comics. Les séries se multiplient, les scénarios s’épuisent, le public se lasse.
Le drame c’est que les fans de bd eux même considèrent souvent les comics comme de la garbage-bd.
En réalité ce secteur possède des illustrateurs très talentueux, méritant d’être reconnus, mais souvent enfermés dans des scénarii ultra convenus.
Toujours pas convaincu Monsieur Charles ??
Alors voici 1602, un comics au scénario unique et riche en références, magnifié par le meilleur illustrateur du genre.
Le pitch
An 1602, l’Europe subit d’étranges phénomènes, le climat semble totalement déréglé et laisse à penser que la fin du monde est proche. Elisabeth la reine d’Angleterre est entouré de deux hommes en qui elle a une confiance aveugle, Sir Nicholas Fury, un informateur, et le docteur Stephen Strange, médecin et astrologue. Tous deux essaient de protéger leur commanditaire tout en essayant de découvrir l’origine du dérèglement. Toutefois leur action n’est pas vue d’un très bon œil par plusieurs personnes.
La première est le grand inquisiteur qui sévit en Espagne et traque des êtres appelés « prodiges », mais la Reine ferme les yeux sur les activités de ces êtres doués de pouvoirs plus qu'étranges, confiés à Carlos Javier.
Le second est le Comte Otto Von Fatalis, qui prépare un plan d’invasion de l‘Europe.
Et enfin Jacques VI d’Ecosse patiente difficilement en attendant la mort de la reine d’Angleterre. Le Dr Strange entrera en transe afin de découvrir d’où vient l’élément perturbateur. Sa vision l’emmène près d’un bateau où une petite fille du nom de Virginia Dare et son protecteur Rojhaz, un indien d’Amérique, se rendent vers l’Angleterre. Parallèlement, un certain Matthew Murdoch enquête sur une étrange cargaison surprotégée par les templiers…
L’auteur : Neil Gaiman
Neil gaiman (sandman, stardust, american gods) délaisse un peu DC comics pour se consacrer à ce nouveau projet de la maison des idées : « Marvel 1602 ». Etant donné le caractère fantasque de l’auteur, qui écrit aussi des romans ados et des livres pour enfants, le scénario est incontestablement le plus original qui soit paru chez Marvel, tout en restant crédible malgré le décalage évident (spiderman & co à l’époque de l’inquisition). Gaiman s’amuse à mélanger fantastique et réalité historique, de nombreuses références sur l’époque évoquée parsèment l’aventure. (voir annexe)
Sa volonté de créer un nouvel intérêt à des personnages déjà surexploités fonctionne parfaitement, on aurait presque envie d’oublier le background originel de ces héros.
Il prend même quelques libertés avec ces icônes réputées intouchables, bien sûr il supprime tous les costumes habituels mais il se permet aussi de faire de Jean Grey un personnage masculin : master John Grey. Quant à Daredevil, ce sera un ménestrel poussant la chansonnette au gré des villages qu’il traverse.
« Grâce au 11/09 »
Joe Quesada a tellement harcelé Gaiman pour qu’il écrive une histoire pour Marvel qu’il a fini par accepter en automne 2001, sans savoir vers quel genre de récit il s’orienterait. Le 11/09 intervient et Gaiman sait qu’il n’y aura pas d’avions, de buildings et d’armes modernes dans son histoire. Il écrira un comic sur le nouveau monde, où les USA sont à l’aube de leur construction, une terre convoitée, où tout est à (re)construire. 2 ans plus tard 1602 paraît, Time Magazine le taxera de pire comics de l’année,…certainement une faute de frappe.
Illustrateur : Andy Kubert
Andy Kubert a commencé sa carrière chez DC comics. Il a ensuite fait quelques remplacements chez Marvel pour la série Xmen, c’est d’ailleurs lui qui a dessiné la première apparition de Gambit. Il a pris son envol lorsque Jim Lee a quitté Marvel pour créer Image Comics (Spawn, witchblade, Rising stars). Il est alors devenu dessinateur officiel des Xmen.
Ensuite il y a eu la rencontre avec le coloriste Richard Isanove et leur collaboration sur Wolverine origins, puis 1602. Le trait de Kubert a épousé les couleurs d’Isanove, le rendu est superbe et ces deux artistes ne devraient plus se quitter, c’est le duo parfait. Pacsez vous, et faîtes nous beaucoup de comics !
Andy est le fils de Joe Kubert, illustrateur également, qui a crée la Joe Kubert school of cartoon and graphic art. Andy y enseigne les techniques de narration.
Coloriste : Richard Isanove
Le travail de coloration est réalisé par le frenchie (il a grandi à Bordeaux) Richard Isanove, qui avait déjà œuvré sur wolverine origins . L’apport d’Isanove est primordial, ses couleurs créent une ambiance chaude et confortable même sur les planches les plus sombres. L’atmosphère générale de l’histoire doit énormément au travail de ce coloriste.
Il a été élu meilleur « painter » 2001 pour wolverine origins et 2005 pour 1602.
Cover artist : Scott McKowen
Scott McKowen est inconnu du monde des comics car il travaille pour le théâtre en tant qu’illustrateur et designeur. Il a été choisi un peu par hasard pour créer les couvertures de 1602 : l’éditeur (Nick Lowe) a remarqué son travail d’illustration sur les posters annonçant une pièce de théâtre à New-York. Un style proche de la gravure, qui collerait parfaitement au contexte de 1602.
La technique utilisée est celle du scratchboard, une planche de carton blanchie à la craie et recouverte d’une fine pellicule d’encre noire. Le dessin est ensuite réalisé avec une pointe métallique, par grattage. Les couleurs furent ajoutées dans un second temps sur photoshop.
Annexe : Un comics réécrit l’histoire de l’Angleterre et du nouveau monde.
Dans « 1602 », Sir Nicholas Fury découvre la menace d’assassinat de la reine Elizabeth (orchestrée par le king James), en arrêtant « un être ailé ». Il sera condamné à la pendaison.
Réalité :
La conspiration des poudres (5 novembre 1605)
Guy fawkes est arrêté en 1605 alors qu’il s’apprête à faire exploser une trentaine de baril de poudres dissimulée dans les caves du palais de Westminster afin de tuer le roi d’Angleterre James 1er. Fawkes sera condamné à être « pendu, étripé et découpé en morceaux », on ne badine pas avec la poudre !
Depuis ce jour, les anglais fêtent chaque année la découverte de ce complot en faisant éclater des pétards la nuit du 5 novembre. Mieux encore, lors de la visite annuelle de la reine au parlement, la coutume oblige les gardes à inspecter les caves du bâtiment avant l’entrée de sa seigneurie.
Une gravure d’époque représente les huit instigateurs de cette conspiration.
Scott McKowen s’est inspiré de cette lithographie du 17è siècle pour réaliser la couverture.
On retrouve les huit personnages masculins (on reconnait dans sa version daredevil, nick fury, captain america, professeur xavier, john grey, mr fantastic) auxquels il a ajouté Virginia Dare qui est la seule à regarder vers le lecteur.
Gravure du 17ème siècle : Les artisans de la conspiration des poudres
Couverture de « 1602 »
Virginia Dare
Ce personnage clef du scénario de Gaiman est également emprunté à l’histoire de l’Angleterre. Virginia Dare fût la première anglaise à naitre sur le sol Américain. Ses parents, anglais, installèrent une colonie au sein d’une réserve indienne, colonie qui fût mystérieusement décimée. Virginia Dare est donc devenue une icône du nouveau monde. Son prénom vient du fait qu’elle fût le premier chrétien à être baptisé sur ces terres, et précisément en Virginie. On retrouve encore de nombreuses traces de ce personnage dans le sud des Etats-Unis.
Fiction : Virginia Dare dans 1602
Réalité : 24/08/1587 baptême de Virginia Dare (bureau des archives de Caroline du Nord)
L’entourage de la Reine
Fiction : Sir Nicholas Fury (1602)
Réalité : Francis Walsingham et Elizabeth I
Francis Walsingham aka Sir Nicholas Fury
Le “père” des services secrets britanniques. Walsingham était l’avocat mais surtout le chef de la sécurité de la reine Elizabeth I. Il est célèbre pour ses techniques très avant-gardistes de renseignement, d’espionnage et de politique étrangère. Il avait crée un vaste réseau d’agents sous couverture en France, Italie et Espagne. Aux dires de Cecil Williamson (historien et ancien informateur), Walsingham avait dans ses espions de nombreuses sorcières. Encore une fois la fiction de 1602 n’est pas très loin de la réalité, Fury employant des agents aux pouvoirs surnaturels.
Fiction : Sir Stephen Strange (croquis de 1602, notez la collerette !)
Réalité : Dr John Dee et Elizabeth I
Dr John Dee aka Sir Stephen Strange
Le mystérieux Dr Dee était l’astrologue, alchimiste et magicien de la reine Elizabeth I. Il avait des dons de voyance qui lui aurait permis d’anticiper la tempête qui s’est abattue sur l’invincible armada espagnole, permettant ainsi à l’Angleterre de gagner cette guerre navale en 1588. Le Dr Dee possédait la plus importante bibliothèque personnelle de l’époque avec plus de
Dans 1602, les visions du Dr Strange permettent également à la reine et son espion d’anticiper les manœuvres des ennemis.
Quelques illustrations de 1602.
Angel capturé par l’inquisiteur (sa pose évoque déjà le X des xmen)
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