10 mai 2008

Special Guest - StillBallin présente "N.Y., State of my Mind"

(Article proposé par un chroniqueur indépendant invité sur ce blog, StillBallin.)
Seuls mes pas font craquer les planches du ponton. Je regarde l’heure, je suis en avance. L’eau de l’Hudson est habituellement saumâtre mais la nuit a poli son reflet et lui donne une impression de pureté et de noblesse. Seulement, les effluves qu’elle dégage et qui s’accrochent à mon nez balayent cette illusion et nous préviennent avant qu’on se laisse berner.

C’est dans ces moments-là que je me rends compte à quel point ce boulot est épuisant. Plus personne n’ose faire des affaires avec les Knicks en public désormais. On est obligé de se retrouver au milieu de la nuit dans un endroit déserté par tous, sauf peut-être les loques laissées sur le bas-côté par la société. Ca a quand même l’air d’aller mieux depuis que le nouveau gars a pris le contrôle du business. Donnie Walsh qu’il s’appelle.

Le patron a été plutôt malin sur ce coup, après le désastre de l’ancien manager, Isiah Thomas. Il est allé chercher un type dans un endroit perdu, qui a l’air de connaître son métier et qui a fait ses preuves pendant plusieurs années. Même son image est propre. On en avait besoin, après celui qu’il remplace.
C’est vrai que celui-là, Thomas, était une légende auparavant. Un mec d’élite capable de mener n’importe quelle troupe de bouchers vicelards et hargneux à accomplir les missions. Mais ça, c’était quand il était sur le terrain.
Smiling Assassin qu’on l’appelait à l’époque.
Puis après, ça s’est gâté pour lui. Son âge l’a poussé sur la touche et il n’a jamais su se reconvertir, enchaînant conneries sur conneries. Engager des mecs comme Randolph ou Curry pour faire le gros du boulot, ce genre de trucs. Comment on a pu laisser ce mec prendre les choses en main ? On dit que la lumière que dégagent les étoiles nous éblouit longtemps après qu’elles se soient éteintes. Je suppose que c’était pareil avec lui.

Ca va aller maintenant, on l’a remplacé par un type réglo. Mais bon, il y a encore du boulot et beaucoup de saletés à nettoyer. Et bien sûr, comme le monde est bien fait, c’est moi qui dois m’en charger. Walsh doit faire des sourires au journalistes et moi je dois foutre les mains dans le cambouis.
Mais je ne devrais pas me plaindre, j’ai vécu les moments glorieux avec le grand Ewing comme les espoirs fous avec cet allumé de Sprewell. Je reste dans l’ombre mais au moins ça me permet de ne pas sauter avec les autres quand il y a du grabuge.
Même si cette fois c’est pas passé loin.
Et puis on peut pas dire que je suis encore tiré d’affaire avec les gars qu’on a sous la main. Il y a bien le jeune David Lee qui fait plutôt bien son boulot. Balkman se démmerde plutôt pas mal et le jeune Wilson Chandler est même du genre prometteur. Mais ceux-là ne peuvent pas mener une bande, non, il nous faut des pointures, des mecs qui peuvent porter l’équipe ou nous sortir de la confiture quand ça foire.

Et ces gars-là, on les a pas. Au départ, ça devait être Marbury. Pour être fort, il était fort mais c’était tout pour sa gueule. Les autres, ils avaient qu’à s’occuper de leurs derches dans un coin de leur piaule. Le talent sans le cerveau. Et la mission, c’était un détail pour lui, et un détail rarement positif. Thomas a réussi à le foutre au placard mais bon, il est gourmand le salop et on est encore obligé de se coltiner son putain de contrat qui pèse plus qu’un quintal de boustifailles avariées. Même si on le vire, avec les règles à la con de Stern, on devra lui lâcher des valises bourrées de liasses à s’en faire péter les jointures. Vous parlez d’un monde pourri.
Après avoir retiré Marbury du circuit, Thomas a choppé un type de Portland, Zach Randolph, qu’il a eu en lâchant un autre type de la trempe de Marbury, Steve Francis.
Je sais pas vraiment ce qu’on a gagné au change.

Randolph s’était taillé une belle petite réputation du côté de l’Oregon. Lui aussi, il a du talent plein les doigts, capable de percer n’importe quel défense et de broyer toute résistance sans effort apparent. Une armoire, mais une armoire avec des mains d’orfèvres. Ouais, mais on devait se douter qu’il y avait un truc qui clochait si les mecs de Portland ont bien voulu le lâcher. Et ça, on s’en est vite rendu compte. Il fait le boulot, c’est vrai, mais après, il assure pas ses arrières. Combien de coups on a foutu en l’air comme ça, à se faire pilonner parce que Randolph n’avait pas assuré à son poste ?
Et puis, il est pas vivable ce mec. On avait entendu des bruits sur ce qui s’était passé sur la côte Ouest, mais on en a pas tenu compte. Bah, on n’était pas à une connerie près.
Quand il s’est pointé, il était accompagné de sa propre meute. Des flingués du ciboulot eux aussi et toujours armés jusque derrière les dents de sagesses. Je vous raconte pas les embrouilles à chaque fois qu’on s’amenait à l’aéroport. Et puis, ce mec est un pur psychopathe, il faisait flipper ses propres partenaires et Dieu sait si la confiance entre les gars est primordiale dans ce business.
Un autre mec, Eddy Curry, est un peu comme lui sur le terrain. Même s’il est moins atteint que Randolph, il n’apporte pas vraiment plus. Une guimauve ce gars, pas capable de lever un bras plus haut que son épaule. Qu’est-ce que vous voulez faire avec ça ?
En plus, on arrivera jamais à refourguer ces deux-là contre de la marchandise utilisable, même moins cotée. A moins, peut-être, de lâcher un bon gars comme Lee ou Chandler.
Quand je vous disais qu’on baignait dans la merde jusqu’aux genoux. Putain de business. Putain de monde.

Putain, qu’est-ce qu’il fout ce con ? Ca fait une heure que j’attends dans ce coin puant comme si j’étais une prostituée trop âgée que même son mac avait oublié. Je jette un coup d’œil aux sommets des buildings auréolés d’une brume trop grise et trop épaisse pour penser qu’elle n’est que naturelle. Home, sweet home.

Avant, personne n’aurait osé se pointer en retard et encore moins ne pas se pointer du tout. Avant, on foutait la pétoche. Je me souviens encore des coups de gueule et des coups d’épaules de Charles Oakley, des dunks plein de fougue et d’arrogance de Sprewell, des trois points calibrés sniper embusqué derrière une fenêtre sale de John Starks,... Je me rappelle aussi les mémorables bastons qu’on a eu, comme celle avec les gars de Miami en play-offs.
D’ailleurs, eux aussi sont pas au mieux. On va devoir lutter contre eux mais pour mettre la main sur le premier choix de draft cette fois. Quand je parle de déchéance…
Mais bon c’est peut-être notre chance, comme ça l’avait été avec Ewing. Je dis ça mais quand je regarde les mecs qui se présentent, aucun n’a les épaules de «The Beast ». Faudra la jouer serrée cette fois. Le petit Beasley est plein de talent, mais je suis pas sûr qu’il puisse porter un gang. Derrick Rose peut être ce type-là ou encore Kevin Love si on est plus loin dans la file pour se servir mais ces deux-là risquent de se faire bouffer par Marbury et Randolph.
Faut vraiment qu’on arrive à les dégager ceux-là.

Comment on a pu en arriver-là ? Déjà avant Isiah Thomas on était à l’agonie. D’ailleurs, il était censé être notre dernière chance. Tu parles, il nous a enfoncé encore plus profond qu’on ne l’était déjà.

Article de StillBallin.

1 commentaire:

Dominique a dit…

Voir la deuxième partie (et fin) de l'article pour les commentaires...