31 mars 2013

Abondance de biens peut nuire.

Par Lucas

De l’avis de tous, la dernière trade deadline a été décevante. Plutôt que de bouleverser leurs effectifs, les GMs ont choisi de faire des ajustements mineurs. Ce qui n’empêche pas de noter des échanges de joueurs, qui à défaut d’être spectaculaires ont été pour le moins surprenants. Notez plutôt : pour la modique somme de deux deuxièmes tours de draft, d’une petite trade exception et d’un arrière vétéran out pour la fin de la saison, vous auriez pu ajouter à votre effectif Eric Maynor, Jordan Crawford, Terrence Williams, Ronnie Brewer, Marcus Morris et Kenyon Martin.

Marcus Morris, lottery pick l’an dernier et intégré dans la rotation, échangé contre un second tour de draft. Jordan Crawford, 14 points de moyenne aux Wizards, échangé contre Barbosa, blessé jusqu’à la fin de la saison et en fin de contrat. Ronnie Brewer, élément clé des Bulls l’an dernier et des Knicks en début de saison, échangé contre un second tour de draft. Qu’est ce qui peut pousser un GM à brader ses joueurs d’une telle façon ?

Car clairement, un joueur qui était lottery pick l’an dernier et plutôt satisfaisant dans son rôle vaut bien plus qu’un deuxième tour de draft, en particulier quand la classe qui arrive est aussi faible. Pourquoi alors a-t-il été tradé par les Rockets ? La raison est simple : le surplus de talent. On parle pas de Marcus Morris hein, mais de l’effectif des Rockets sur les postes 3-4.

L’été dernier, les Rockets ont agi de la même façon, avec l’objectif non dissimulé de récupérer Dwight Howard. Ils ont lâché des joueurs clés bien en-deçà de leur valeur, l’exemple le plus marquant étant l’amnistie de Luis Scola, alors qu’il y avait clairement possibilité de trouver une contrepartie satisfaisante pour l’Argentin. Houston a par cette occasion suivi l’exemple de Miami qui avait opéré une coupe à la machette dans son effectif pour avoir le cap nécessaire à la formation de son Big Three.

Le Magic étant demandeur de jeunes talents, les Rockets avaient alors récupéré bien des tours de draft, mais le front office d’Orlando a estimé que la contrepartie de l’échange tripartite avec LA et Philly était plus rentable – bien vu, le Magic a le pire bilan de la NBA après Charlotte. Houston, dans son optique, avait donc drafté les plus gros potentiels ou talents disponibles avec les picks qui étaient en leur possession, ce qui leur a permis de mettre le grappin sur un groupe de jeunes qui a marché sur les Summer Leagues.

Ainsi, le 5 Machado-Lamb-Parsons-White-Motiejunas était suppléé par un banc où figuraient notamment Jones et Morris. Soit 7 joueurs draftés au cours des deux dernières années. Etre en mesure d’intégrer à son effectif sept contrats rookies est un atout avéré dans la course au cap space, mais le problème d’avoir tant de jeunes joueurs, c’est qu’on ne peut pas leur proposer du temps de jeu à chacun. En particulier quand quatre d’entre eux jouent sur les mêmes postes.

Bien entendu, l’importance qu’a pris la D-League présente l’avantage de pouvoir offrir des minutes à des rookies en manque de ballon, mais cela ne leur permet pas de se frotter à une opposition NBA puisque leurs adversaires seront des joueurs dans une situation similaire. Au cours de cette trade deadline, Houston a effectué un premier échange, qui lui a permis de récupérer Francisco Garcia (contrat expirant) et Thomas Robinson, qui vient prendre la place de Patrick Patterson, celui-ci faisant le chemin inverse.

Si l’on s’en tient au strict trade, on peut dire que l’échange est mitigé. Patrick Patterson était un élément clé des Rockets de par son profil, et l’assurance de minutes de qualité au poste 4 puisque très régulier. T-Rob a connu des débuts difficiles à Sacto, il est donc difficile de se prononcer sur son impact immédiat. Ce qui n’est pas le souci des Rockets, qui voient bien plus loin, leur but étant de profiter de leur cap space pour obtenir un voire deux free agents de renom cet été. Ceux-ci étant répartis principalement sur les postes 3 et 4, il est donc essentiel de leur libérer des maintenant leur spot.

Spot qui était alors surchargé, puisque la rotation post-trade des Rockets sur les postes de forwards comptait Parsons, Delfino, Garcia, Honeycutt, Robinson, Morris, Smith, plus White et Jones en D-League. Le roster étant surchargé et déséquilibré, il est impératif de dégraisser, et ce à n’importe quel prix. Du coup, Marcus Morris part à Phoenix contre un second tour dans une draft faible. Même si Houston se prend une banane sur ce trade, ils gagnent en cohérence. Avoir beaucoup de bons joueurs est un atout, mais si on ne les fait pas jouer, cela ne sert à rien.

On pourrait bien évidemment s’attarder sur le partenaire de trade des Rockets, les Kings, qui récupèrent un sixième guard de petite taille, mais intéressons-nous plutôt à l’autre équipe, les Suns. Avec l’ajout de Morris, les Suns disposent à présent de Dudley, Johnson, Beasley, et des deux frères Morris en rotation sur le poste 3.

Avoir un tel réservoir de talents ferait saliver plusieurs GMs, mais le problème principal réside dans le fait que tous ces joueurs à l’exception de Dudley présentent exactement le même profil. Combo forward utile en catch-and-shoot pour Johnson et Beasley ; combo forward utile en iso pour Beasley et Marcus ; et enfin power forward fuyant pour les deux frères Morris. En soit, quatre joueurs qui ne sont utiles que dans des situations où ils ont le ballon, avec une réserve pour Markieff toutefois.

Il est donc inefficace de mettre deux d’entre eux en même temps sur le terrain, et la profondeur de banc des Suns est en fait un camouflet sur la construction bancale du roster. Pris séparément, chaque joueur de l’équipe peut apporter, mais mis ensemble ils se marchent sur les pieds en permanence, d’où l’impossibilité pour le coach de trouver une formule qui fonctionne. Ainsi, Phoenix ne termine jamais avec le même 5 deux matches d’affilée.

Pour faire simple, les Suns se retrouvent dans la situation que les Rockets comptent éviter, et les manœuvres des Texans s’avèrent judicieuses étant donné la direction qu’ils ont prise. Cet été, ils auront des spots de libre dans le roster et du cap à gogo, ce qui pourrait leur permettre de signer un ailier et un ailier fort, qui au vu du projet sportif pourraient même être prêts à faire des sacrifices salariaux, offrant par exemple la possibilité d’un cinq Lin-Harden-Smith-West-Asik avec un banc constitué des jeunes les plus talentueux du roster actuel.

En plus d’être équilibrée, une telle équipe dispose de go-to-guys capables d’emmener cette équipe plus loin qu’un tour de Playoffs, à l’inverse des Nuggets par exemple. Leur effectif, bien que surchargé au niveau des ailiers, n’en reste pas moins cohérent puisque chacun présente un profil différent. Il leur manque néanmoins un joueur du calibre de James Harden ou Josh Smith qui par sa seule présence assure une qualification en postseason, et autour duquel il ne reste plus qu’à broder les contours d’un champion.

De la même manière que Houston, Washington a pris le parti de lâcher sans contrepartie (le contrat de Barbosa, bien qu’expirant, est peu onéreux) un joueur important dans la rotation afin d’éviter que celui-ci ne gêne la progression d’un coéquipier jouant sur le même poste. Clairement, Jordan Crawford dispose d’une valeur marchande supérieure à la contrepartie obtenue des Celtics. Il est même surprenant de voir la désinvolture avec laquelle les Wizards ont géré ce trade quand les Nets se montrent bien plus intransigeants dès qu’il s’agit de Marshon Brooks, qui a pourtant montré bien moins de choses que Crawford.

En ce sens, la décision du front office de DC est critiquable, mais elle devient compréhensible puisqu’intervenant dans une logique de reconstruction. On peut tout de même supposer qu’un package Beal-Crawford aurait pu permettre aux Wizards d’obtenir un arrière au niveau supérieur à Bradley Beal seul, et j’irais même jusqu’à penser que Crawford lui-même est supérieur à son désormais ex-coéquipier.

En résumé, les diverses manœuvres opérées par les GMs ces dernières semaines ont moins été dictées par un désir de s’améliorer que par une volonté d’équilibrer leur effectif. Plutôt que d’ajouter des talents à l’infini, en bloquant par la même occasion l’épanouissement et donc la progression des joueurs, mieux vaut s’en séparer et même sans contrepartie. Un joueur qui ne joue pas régulièrement ne va pas être en rythme sur le terrain et va trop en faire ou pas assez, voulant gagner sa place ou étant en perte totale de confiance.

Si la D-League existe, le fait qu’elle soit avant tout remplie d’athlètes et non de basketteurs ne permet pas à un jeune de s’épanouir en ses rangs. Il convient donc avant tout de donner du temps de jeu à ses joueurs en NBA, tout en s’assurant que les profils de ceux-ci soient compatibles entre eux. Privilégier donc la présence de joueurs capables de s’exprimer sans le ballon, tout autant que des joueurs talentueux balle en main.

C’est le fonctionnement de la NBA : un effectif hiérarchisé, que l’on peut schématiser avec des rôles, des minutes, et des tickets de shoot. C’est en ça qu’elle est différente de l’Euroleague, on l’on voit de vraies rotations de 12 joueurs polyvalents, et des temps de jeu équilibrés. A contrario, une équipe NBA peut décemment tourner sur une base de 8 joueurs avec des miettes pour les autres. Dans une telle organisation, avoir un réservoir de talents ne sert à rien si ce n’est à brimer des joueurs ou à créer des tensions au sein d’une équipe. En somme, mieux vaut se séparer d’un joueur qui ne pourra pas jouer, car quoiqu’en dise la formule, abondance de biens peut nuire.

Lucas

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