29 mars 2013

Letter To An Unborn Legend (Miami Heat Story)

Par Jeffzewanderer


Le club des 27 compte un nouveau membre.

Non, je ne me suis pas gouré de site et ceci n’est pas un article sur un chanteur mort. Je parle de la série de victoires historique du Miami Heat, qui s’est arrêtée à 27, le 27 mars contre des Chicago Bulls très collectifs, auteurs de 27 passes décisives (à noter que Luol Deng a commis une faute de goût évidente en marquant 28 points, aucun sens de la mise en scène celui-là…).

Fin de la série magique donc. On éteint les étoiles qu’on avait dans les yeux et on repasse aux affaires courantes. Enfin vous faites ça, parce que pour moi c’était déjà le cas depuis quelques jours. Mon enthousiasme de fanboy avait déjà été douché par un vil serpent dont chaque mot est comme une flèche dans le cœur de l’enfant émerveillé qui sommeille au fond de moi (ce même enfant qui rêve de voir les Knicks soulever le trophée Larry O’Brien, oui il est très naïf).


Hate Me Now

Pourtant elles étaient bien là les étoiles. Comme quand j’avais eu la chance d’être le témoin de l’épopée de la plus incroyable équipe de tous les temps : les Bulls de 1995/1996, auteurs de 72 succès en 82 matchs. Oui, je sors le point Godwin de toute discussion basket-ballistique dès le début, j’assume. Parce que j’avais l’impression d’assister à l’Histoire (du sport hein, je n’ai pas complètement disjoncté) en marche. Mieux, à l’accomplissement d’une destinée. Celle qu’on nous avait promise en 2010, avec une Decision haïssable et une célébration tapageuse.

J’ai détesté le Heat du Mega Three pour sa première saison. J’ai même encouragé Dallas en finales et me suis réjoui de leur victoire. Dallas ! Moi ! Pour vous donner une idée c’était comme un supporter de L’OM qui aurait encouragé le PSG. Parce que j’abhorrais cette équipe « cheatée » de franchise players qui avaient renoncé à leur légende. Parce que le King avait abandonné sa couronne pour devenir le fou. Et surtout parce qu’ils étaient trop forts pour qu’on puisse parler d’échec de leur vile stratégie, et pas assez pour que leur grandeur fasse oublier leur mesquinerie.

Quand on met sur pied une telle machine de guerre, on doit tout écraser, c’est un minimum. Quand on empile autant de talent au sein du même roster, on ne doit pas seulement gagner, on doit dominer. Et le Miami Cheat ne le faisait pas. La première année. Mais la suivante, quelque chose avait changé. Un nouvel état d’esprit, commando. Un Lebron retrouvé. Mieux, transcendé. Il portait cette équipe sur ses larges épaules, comme il aurait dû le faire. Il écrasa toute la ligue de son talent. Puis le monde l’été suivant. C’était le retour du roi.


Redeem Team

Et ma rancœur s’est apaisée. Je ne pouvais que m’extasier devant les performances de celui dont je disais à tort qu’il avait renoncé à sa légende. J’avais pardonné à James, et je commençais à me dire que j’allais pouvoir vivre avec le Heat, me régaler de sa rivalité dantesque avec OKC et le prince KD, voire avec les nouveaux Lakers et leur collection de All-Stars (je me suis encore bien planté là du coup…).

Mais il manquait encore un petit quelque chose pour satisfaire mon sens du story-telling, et étendre mon pardon à toute l’équipe. Un dernier détail. Et la série a commencé. Dix victoires. Pas de quoi s’affoler, c’est un minimum pour le Heat. Dix-huit. Ils dépassent les Clippers pour la meilleure série de l’année (les Clippers, ça me fait toujours drôle de l’écrire…). Tiens, c’est bien ça quand même. Au fait ils en avaient fait combien les Rockets il y a quelques années ? Vingt-deux ? Et Miami en est où ? Vingt ? Vingt et une ? Vingt-deux. Record égalé. Vingt-trois. Contre Boston en plus.

Et ce fut le déclic pour moi. Je voulais une équipe de légende, je l’avais enfin. Une armada invincible qui prenait toute la NBA à la gorge. La genèse avait été odieuse, mais ça valait le coup si c’était pour voir ça. Et les victoires continuaient de s’enchaîner. Parfois héroïques, comme cet improbable come-back contre Cleveland (le plus improbable étant peut-être qu’il ait fallu faire un come-back…). L’Histoire en marche, je vous le disais, cette sensation qu’on est en train d’assister à quelque chose qu’on ne reverra peut-être plus jamais. Le record légendaire des Lakers (33 victoires) en vue. Puis j’en ai discuté avec Stillballin. Fatale erreur.


Snakes In The Grass

Stillballin donc, m’a demandé, l’air innocent, « au fait, tu en penses quoi de la série de victoire du Heat ? ». Le monstre ! L’abject corrupteur de tout ce qui est beau et innocent en ce monde ! Comment ça j’exagère ? Ah, vous aussi vous vous êtes fait prendre à son piège… Vous avez cru que c’était juste une question comme ça, en passant, d’un fan de NBA à un autre. Si seulement…

Mais moi je le connais bien. Je sais reconnaître le sinistre battement de ses ailes flétries derrière le miel de ses mots et son sourire qu’il voudrait angélique. Il a dit « tu en penses quoi de la série de victoire du Heat ? », mais moi j’ai bien entendu « Tu ne trouves pas qu’ils ont surtout gagné contre des charlots ? ». Et Memphis, c’étaient des charlots ? Et, Oklahoma City, les Clippers, Indiana ou Chicago? Ou New York. Ou les Lakers… Ou… Oui bon, c’est vrai que sur les 27 adversaires défaits, il n’y en avait même pas dix (cinq ?) qui pouvaient représenter une menace légitime pour le Heat (comprenez qui avait une chance raisonnable de les battre sans faire l’exploit de leur saison). Et il y avait une belle collection de ce qu’on pourrait appeler des réserves de victoires : Charlotte, Detroit, Orlando, Cleveland (deux fois), Sacramento…

Mais il faut encore les battre, ces fameuses équipes. Et il fallait composer avec les quelques adversaires sérieux placés stratégiquement tout au long du parcours. Et puis zut, vingt-sept victoires ça reste exceptionnel, peut importe contre qui on les obtient. C’est comme les 72 victoires des Bulls. Pas besoin de discutailler pour savoir si la ligue était plus forte qu’à l’époque des Lakers de Magic et des Celtics de Bird. C’est exceptionnel et puis c’est tout. Comme les huit titres d’affilés des Celtics de Russell, les onze bagues personnelles du bonhomme, les 100 points de Wilt The Stilt… Arrivé à un certain niveau d’excellence peu importe le contexte. Il est pertinent quand on cherche des explications, mais il ne permet pas de diminuer la portée de l’exploit.


Supplying The Venom

Mais le disciple préféré du malin n’avait pas caché que cette pique dans sa fourbe interrogation. Pensez-vous ! Je me rendais bien compte qu’il persiflait aussi que les séries de victoires c’est bien joli, mais ça compte pour du beurre au moment de faire le bilan de l’année. Il n’y a qu’un champion et 29 perdants. Pire, on a l’air encore plus c** quand on a accompli un pareil exploit et qu’on ne transforme pas l’essai. C’est injuste mais c’est comme ça.

Qui se souvient vraiment des fameux Rockets de 2008 ? Pour vous dire, j’ai dû regarder la date sur Internet à l’instant. Et pourtant leur série de victoires était à sa manière au moins aussi impressionnante, car réalisée au sein d’une conférence déjà plus forte, avec une équipe moins bardée de talents et qui avait en plus perdu son franchise player (Yao Ming) en cours de route.

Et là je n’ai pas vraiment d’argument à opposer. On ne pourra pas parler de feu de paille en ce qui concerne cette équipe de Miami, déjà nantie d’un titre et vouée à jouer les premiers rôles pour encore quelques années. Mais cette série historique n’est en rien une garantie de back-to-back, ni même de retour en finale. Si le Heat ne gagne pas tout cette année, l’exploit restera, mais son retentissement sera moindre. Par contre si Miami triomphe, on pourra parler d’une saison légendaire, comme celle des Lakers de 1971/72 (33 victoires de rang, et par honnêteté intellectuelle j’avoue que là aussi j’ai vérifié la date sur le Net), ou celle des Bulls de 1995/96. Qui vivra verra…


Mind Games

Et, réalisant bien qu’il n’y avait pas de limite à l’ignominie de ce briseur de rêve, je sentais aussi qu’à travers sa question, il remettait aussi en question l’état d’esprit du Heat. Il suggérait insidieusement qu’aller chercher ce record c’était de la poudre aux yeux, alors qu’un vrai champion se concentrerait exclusivement sur le titre, sachant bien que la saison régulière est un moyen, pas une fin en soi. Bref il préférait la mentalité Spurs à l’exploit du Heat. C’est bien son genre ça !

Et pourtant encore une fois comment lui donner tort ? Je viens d’insister sur la nécessité de transformer l’essai pour ne pas atténuer la splendeur de l’exploit. Je ne vais pas retourner ma veste et dire que l’exploit se suffit à lui-même et doit devenir le but ultime de l’équipe. Mais est-ce le cas ?

Alors il y a les déclarations de circonstances des joueurs et du coach, qui nous assurent que seul le titre compte, qu’ils sont bien contents mais qu’ils prennent les matchs un par un etc, etc… Bref le genre de langue de bois format commode Ikea à laquelle on est habitués et à prendre avec de sacrés pincettes. Surtout quand on voit le Heat crever ses joueurs pour remonter un retard d’une trentaine de points contre Cleveland (je reviens souvent sur ce match, qui faisait suite à l’obtention de leur 23ème victoire et qui m’a paru assez significatif). Après ça ils ne vont pas nous dire qu’ils ne pensaient pas à leur série. Et pourtant…


Empire State Of Mind

Et pourtant qu’auraient-ils dû faire ? Lâcher un match ? Est-ce là la mentalité d’un champion ? Assurément pas. En fait (et là c’est du pur ressenti, je n’ai pas mes entrées dans le vestiaire ni de don télépathique), c’est peut-être la preuve que comme l’année dernière le Heat est en mission commando. Comme Team USA à Londres. Cette réflexion m’a été inspirée par le match de préparation aux JO que j’ai vu entre l’équipe Américaine et l’Espagne.

Un match sans enjeu donc, que les Espagnols avaient joué sérieusement au début avant de lâcher du lest sur la fin. Le message aux USA était clair : vous gagnez mais vous avez dû vous appliquer. Nous on a perdu mais on a laissé filer. On se revoit en finale, où on ne lâchera rien et vous verrez… Alors que côté US c’était plus direct : on est Team USA, on ne perd pas. Peu importe que le match compte ou pas. S’il faut mettre les meilleurs joueurs plus longtemps sur le terrain pour gagner un match d’exhibition, on le fera. Team USA ne perd pas.

C’est cet état d’esprit que j’ai cru retrouver chez le Heat (qui compte dans ses rangs pas mal d’olympiens). Ils ont acquis cette fierté, qui est presque de l’arrogance mais pas tout à fait, qui leur rend toute défaite insupportable. Alors oui, ils pensaient sûrement à la série, puis au record absolu. Mais je crois surtout qu’ils voulaient sincèrement gagner chaque match, simplement parce qu’ils sont le Heat, et que le Heat ne perd pas. Jusqu’au titre (ce qui ne veut absolument pas dire qu’ils l’auront hein, la volonté c’est bien mais ça ne fait pas tout).


The Mourning After

Néanmoins, il reste une question que l’autre monstre vicelard retors et pervers n’a pas soulevée, même insidieusement : « et après ? ». La série de victoires est terminée, et maintenant il va falloir s’en remettre. Tu parles d’une gueule de bois ! Sekou Smith et Fran Blinebury (Hang Time Blog) faisaient tous deux justement remarquer que quand on a oublié ce que signifiait la défaite, le choc peut être difficile à encaisser. Ils soulignaient ainsi qu’après sa série de victoires, Houston avait eu un sacré coup de moins bien (4 défaites en 7 matchs). Ce fut d’ailleurs le cas de nombreuses équipes après de belles séries (je vous renvoie à l’article de Blinebury pour le détail http://hangtime.blogs.nba.com/2013/03/27/the-time-is-now-to-beat-the-heat/ ).

Il va donc être intéressant de voir comment les floridiens vont réagir, notamment face à San Antonio ce week-end. Surtout que le match contre Chicago a été délicat, ébranlant la montagne Lebron James, une vision devenue très rare ces temps-ci. Néanmoins ils n’auront aucune pression, leur place en play-offs étant déjà assurée, ainsi que leur statut de numéro un à l’est. Il y a bien le statut de numéro un NBA, garantissant l’avantage du terrain en finale, mais ça reste assez abstrait. Surtout qu’avec le format 2-3-2, l’équipe ayant le moins bon bilan et moins désavantagée qu’avec le 2-2-1-1-1 (vu que certes elle ne joue pas le match 7 à domicile, mais le match 5, presque toujours déterminant, si).

A plus long terme, il ne leur reste que quatre « gros » matchs (San Antonio, New York ressuscité, les Bulls et les Celtics, jamais facile). Sinon l’adversaire le plus coriace est Milwaukee, donc même en cas de contrecoup, et malgré le délai assez court d’ici la fin de la saison, Miami devrait avoir de la marge pour encaisser le choc et reprendre le rythme à temps pour les play-offs.

Tous les espoirs sont donc permis, pour que cette équipe nous fasse définitivement oublier son origine, et ne nous laisse que le souvenir de sa grandeur. Sinon je me consolerai avec les Knicks…

Jeffzewanderer

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