03 février 2013

Mike D'Antoni était à un Pau Gasol de son fantasme ultime


Faut comprendre ce bon Mike qui persistait à faire jouer le stradivarius espagnol loin du cercle. Dans sa tête, il était à un intérieur chevelu de son rêve absolu.

Le coach italo-américain a pendant un temps renversé la ligue, nous faisant pratiquement croire qu'une équipe pouvait décrocher le titre en privilégiant outrageusement l'attaque à la défense. C'était avec les Suns, Steve Nash, toute une palanquée de francs-shooteurs et un système consistant à aller très vite en écartant le jeu au maximum pour trouver des grappes entières de tirs ouverts et des brèches irrécouvrables dans les défenses. C'était spectaculaire, étonnamment efficace et je pense que Mike D'Antoni courre toujours après ce rêve de remporter un titre avec ce jeu flamboyant sorti tout droit de son esprit. Je suis même à peu près sûr que cette idée l'obsède.

En venant aux Lakers, il retrouve Nash, le principal maître d’œuvre de ces magnifiques années (les deux trophées de MVP que le meneur canadien a décroché là où Shaquille O'Neal et Kobe Bryant n'en comptent un seul illustrent bien le charme "phoenixien" qui avait envouté tout le monde à l'époque). Et puis le technicien voit Dwight Howard dans l'effectif, une superstar qui elle aussi a flirté avec le sommet du championnat lorsqu'elle a été massivement entouré de shooteurs longue distance, notamment sur le poste de power forward. Cela dans un système qui emprunte un élément majeur de celui qu'il lui a si bien réussi dans l'Arizona: les shooteurs pour écarter au maximum le jeu afin d'avoir des tirs primés peu contestés ou un Dwight Howard laissé seul face à son repas, le pivot d'en face laissé à l'abandon par ses coéquipiers occupés à défendre les 7 mètres 23.


Voyez-vous l'équation débordant de promesses sucrées qui se dessinait dans la tête de ce bon Mike?

D'un côté, Steve Nash + une ribambelle de shooteurs longue distance + son système de jeu = presque le titre.

De l'autre, Dwight Howard + une ribambelle de shooteurs longue distance + un système de jeu ressemblant au sien = presque le titre.

Donc, Steve Nash + Dwight Howard + une ribambelle de shooteurs longue distance + son système de jeu, hein, ça donnerait quoi à votre avis?


Moi je vous le dis, cette pensée a eu plus d'effets sur lui qu'une cheerleader sur le premier rang de l'AmericanAirlines Arena de Miami. Qu'a-t-il manqué aux Suns de cette époque magique? Une plus grande présence défensive je dirais. En un mot, Dwight Howard. Qu'a-t-il manqué au Magic, perdant malheureux de la finale 2009? Peut-être une seconde star, de préférence un meneur performant au shoot et capable de multiplier les offrandes au musculeux pivot. Comme Steve Nash par exemple.

J'imagine sans peine D'Antoni rire comme un dément dans son bureau plongé dans le noir, seulement interrompu par ses marmonnements machiavéliques et carnassiers dont on pourrait comprendre qu'il prouverait à la face du monde qu'il réussirait à gagner un titre avec son système de jeu débridé.

Je dois reconnaître que pour moi aussi, cette idée a eu quelque chose d’enivrant. Cela aurait été le test ultime pour voir si ce jeu flamboyant bien plus agréable à regarder que celui de la plupart des derniers Champions NBA, aurait pu aller au bout.

Seulement, il y avait un hic. Pau Gasol. Celui qui a permis à Kobe Bryant de décrocher des titres sans Shaquille O'Neal (ok, elle est gratuite celle-là) est un joueur fabuleux mais c'est un intérieur et son terrain de jeu est assez éloigné des 7.23 m. Or si D'Antoni l'utilise en respectant son profil, s'en est fini de son fantasme de combiner son système des Suns avec celui du Magic d'Orlando. Howard a en effet pu faire de la franchise floridienne une terreur de L'Est à partir du moment où il a eu Rashard Lewis comme second intérieur à ses côtés, un mec qui passait sa vie derrière la ligne primée.

Obliger l'ailier fort d'en face à choisir entre marquer de près son alter ego dangereux à trois points et donner un coup de main bien nécessaire à son pivot de coéquipier face au monstrueux n°1 de la draft 2004, voilà la principale clé du succès de ce système. Vu la distance qu'il y a entre la ligne primée et le secteur où Howard a l'habitude de faire des dégâts, jamais le poste 4 défenseur ne pourra couvrir l'une ou l'autre option dans les temps s'il décide de choisir en fonction du ballon. Dilemme, choisir son poison ou je ne sais plus quoi, les grecs anciens avaient une histoire pour illustrer ce genre de situation, je crois. De toutes façons, ils en ont toujours une.

C'est donc pour mettre en œuvre la partie "Orlando Magic" de la combinaison qu'il fantasmait tant que D'Antoni a persisté (et persiste encore un peu) à envoyer Gasol au loin, derrière les 7 mètres 23. Voilà aussi pourquoi on a cru que le vieux Antawn Jamison, réputé meilleur allumeur longue distance que l'espagnol, allait s'emparer du poste d'ailier fort titulaire. D'Antoni s'en serait largement contenté si l'ancien Tar Heel n'avait pas été aussi maladroit dans le domaine (sauf quelques matchs lourds en faux-espoirs) et insignifiant dans les autres compartiments du jeu. Voilà aussi pourquoi des rumeurs d'échanges assez déséquilibrés du type Pau Gasol contre Ryan Anderson des New Orleans Hornets ont pu voir le jour.

Un peu de temps s'est écoulé désormais et l'absence de succès ou au moins de promesses quant à ce style de jeu ne lui a pas permis de faire accepter son système. D'ailleurs, maintenant que les joueurs ont plus ou moins pris le pouvoir, avec à la clé, un sérieux mieux, D'Antoni n'a eu d'autres choix que de faire une croix sur son fantasme ultime. Et bien non, Mike, la NBA ne te laissera pas prouver qu'on peut prendre le titre avec le système de jeu que tu as conçu et qui avait renversé les esprits à son époque. Pas cette fois encore.


Post-Scriptum: Le Kobe Passeur

On savait que Kobe était capable d'être un formidable passeur, il a toujours eu tout pour ça: la technique, la vision de jeu, la vivacité d'esprit et la capacité à attirer les défenseurs sur lui pour démarquer un coéquipier. Tout ce qu'il lui manquait, c'était la volonté de se mettre au service de ses partenaires. Les défaites malgré un effectif de jeux vidéo l'ont poussé dans ce dernier retranchement et pour l'instant, le bilan est largement positif.

Ma question maintenant est, jusqu'à quand va-t-il tenir sur ce registre? Je ne suis pas dupe, il y a quelques temps je me souviens d'avoir vu le Kobe Passeur à l’œuvre. C'était le Kobe Bryant ultime, celui que j'aurais voulu voir tout au long de sa carrière, celui qui me fait dire que l'icône angelina aurait dû être un bien meilleur joueur qu'il ne l'a été. Celui qui aurait certainement regardé Michael Jordan dans les yeux.

Il me semble que c'était lors de la saison 2005/06. Shaquille O'Neal n'était plus un Laker et Pau Gasol n'en était pas encore un. Lamar Odom et les anecdotiques Smush Parker et Chris Mihm étaient ses lieutenants de fortune. Je me souviens, c'était la saison où l'arrière avait planté 81 points à Toronto sous les yeux à la fois émerveillés et dépités de ses coéquipiers. Bryant était au sommet de son art mais d'un art qu'il ne voyait que comme une œuvre individuelle.

Et puis vint les playoffs. Arrivés à la septième place de la conférence, les Lakers affrontaient les fabuleux Suns, alors portés par le délirant jeu de Mike D'Antoni (le destin aime bien croiser ses traces de pas, vous ne trouvez pas?). Phoenix aurait dû ne faire qu'une bouchée de ces angelinos peu intéressants mais sans crier gare, Kobe avait décidé de jouer à cinq contre cinq plutôt qu'à un contre neuf. Le scoreur infernal s'était intégré à un collectif dont il avait également été le plus grand fondateur. Et ces Lakers déployés sous cette forme encore inédite ont failli sortir la franchise d'Arizona, poussant la série jusqu'à un match 7 à la vie à la mort, après avoir mené trois victoires à une.

A ce moment-là, j'ai bien cru que Bryant avait passé le dernier cap, celui de la vision collective et total du basket, comme l'avait fait Michael Jordan à peu près au même âge. Et bien, j'ai péniblement dû ravaler mes espoirs. Malgré quelques périodes de générosité, quelques passes magnifiques par-ci par-là, Kobe est resté ce joueur égocentrique qui jugeait plus pertinent de prendre un tir très difficile que de chercher à servir un partenaire.

Alors aujourd'hui je me le demande, combien de temps va durer sa fantastique générosité actuelle?

StillBallin

1 commentaire:

Lucas a dit…

Bon papier, comme d'habitude, même si j'ai quelques réserves à émettre.

Gasol pourrait à mon avis trouver une place dans le jeu de D'Antoni, celle du couteau suisse qui peut poser des écrans, passer au poste et shooter à mi-distance. Le problème, c'est que quand on a un CV comme le sien c'est tendu de devenir un role player en sortie de banc...
Contre les Hornets il pose un 7-7-7 en 20 minutes, et s'il pouvait se cantonner à ce rôle ce serait nickel pour les Lakers -avec plus de temps de jeu et une meilleur réussite au shoot, c'est sur. Mais bon, dur à accepter de se faire piquer sa place par un gars inconnu au bataillon à qui tu mets la misère à chaque entraînement.
Après, c'est sur que dans un monde idéal, Pau Gasol n'est pas là et [insérez le nom d'un 4 shooteur] prend sa place. Dans ce sens, ton article est tout à fait juste.

Allez, une autre remarque pour la route : à mon avis, les Lakers manquent de shooteurs par rapport aux équipes que tu cites. Il n'y a à proprement parler que 3 spécialistes du shoot, Nash, Meeks et Jamison, et en plus les deux derniers sont en galère depuis le début de l'année. Si D'Antoni avait une vraie armada de shooteurs, il pourrait faire jouer Pau Gasol comme il avait fait jouer Zach Randolph à New York. Lee-Randolph ça tournait pas trop mal, mais autour c'était Nate Robinson, Jamal Crawford et Quentin Richardson, donc vachement plus de place.
En tout cas, l'effectif de ces Lakers est vraiment bancal, et avec Gasol blessé ça va pas aller en s'arrangeant... Ils vont encore faire revenir Howard trop tôt, il va encore se blesser, il vont encore être à poil à l'intérieur. Sérieux, quand t'as Howard, Gasol et Jamison, devoir faire débuter une raquette Sacre-Clark c'est quand même la lose.