16 février 2013

MICHAEL BEASLEY SUR LES BONS RAILS ?

Par Lucas

La semaine dernière, les Suns recevaient les Lakers. Pour l’occasion, ils revêtaient le maillot noir du début des années 90, sublimé en son temps par Barkley ou Kevin Johnson. Le maillot, bien que daté, n’en reste pas moins très élégant. Le short, en revanche, avait été dessiné pour être porté à mi-cuisse, et non au niveau du genou. Alors forcément, un short noir de cette taille avec des bandes orange et violette, ça fait quand même un peu bermuda. Au sein d’une équipe sapée pour partir à l’assaut des vagues californiennes ou des minettes qui bronzent à la piscine, qui pouvait s’illustrer à part un touriste comme Michael Beasley ?

B-Easy termine donc le match avec 27 points à 12/20, dont 10 points dans le dernier quart. Son meilleur total de la saison, les deuxième, troisième et quatrième ayant également tous eu lieu depuis la prise de fonction de Lindsey Hunter. Le problème, c’est que bien que son coach semble lui accorder une certaine confiance, Michael continue de son côté à enchaîner connerie sur connerie. La dernière en date, un excès de vitesse au volant d’une voiture non immatriculée alors que son permis est suspendu pour avoir zappé de se présenter au tribunal lors d’une précédente infraction.

Un délit finalement assez banal pour Beasley, qui s’illustre depuis plusieurs années par un manque de sérieux sévèrement prononcé. Michael se rend à son entretien pré-draft avec les Bulls, qui ont le premier pick : Michael coupe sa discussion avec les dirigeants chicagoans pour répondre à un pote qui vient de l’appeler sur son portable. Michael participe au programme pré-draft organisé par la NBA afin d’éviter que les rookies ne se laissent tenter par l’alcool, la drogue et les filles faciles : Michael se fait gauler dans sa chambre avec de l’alcool, de la drogue et des filles faciles. Michael se fait un nouveau tatouage et tient à le faire partager en photo : la table basse de Michael laisse deviner quelques sachets de poudre. C’est sûr, on n’a pas affaire à un criminel, mais plutôt à un personnage d’How High. Rien à voir avec Javaris Crittenton ou Lance « ta copine dans les escaliers » Stephenson.

Car clairement, Beasley n’est pas un méchant, pas un bad boy, pas un mauvais bougre. Il y a simplement certaines notions qui lui en touchent une sans faire bouger l’autre. Si c’est inquiétant pour un père de famille –deux enfants- cela devient un point fort dans son activité de joueur de basket professionnel. Si l’on revient à son match contre les Lakers, alors que des joueurs comme Kobe, voyant le chrono tourner et l’écart tourner autour des 5 points, vont passer en mode Super Saiyan et démultiplier leurs efforts au risque d’en faire trop, Beasley va lui continuer à jouer comme si de rien n’était, et ainsi rester calme dans les moments critiques. Beasley n’a pas une forte résistance à la pression, il ignore ce qu’est la pression.

Ainsi, si l’on regarde ses statistiques, on peut voir que Beasley est plus adroit dans les matches serrés et dans les moments clés: 42% si l’écart est inférieur à 5 points, 34% s’il est supérieur à 10 points. 47% s’il reste moins de trois minutes dans le quart-temps, 36% s’il reste plus de 6 minutes. De la même manière, l’ailier des Suns est bien plus efficace à l’extérieur. Lorsque les joueurs peuvent paniquer de fait de circonstances extérieures –chronomètre, score, public hostile- Michael Beasley ne s’intéresse qu’au seul ballon, et se désintéresse totalement des éléments qui vont perturber l’attention de ses coéquipiers et adversaires. Dans un univers sportif où le terme « compétiteur » revient trop souvent (reviens Barnabé, ils sont devenus fous) la présence d’un joueur comme lui, qui semble jouer sans même se soucier du score, est rafraîchissantes.

Cette perception pourra en surprendre plus d’un. Mais Beasley est un joueur surprenant. Doté de capacités physiques pourtant au-dessus de la moyenne, notamment en termes de détente, de vitesse et d’explosivité, on ne le voit que très rarement s’illustrer du fait de celles-ci. B-Easy va en règle générale commencer à dribbler face à son adversaire, doucement, et celui-ci va attendre l’hesitation move qui va annoncer un drive ou un stepback. Sauf qu’il n’y aura pas d’hesitation move. Dans de rares cas, on pourra voir un départ direct qui va laisser l’adversaire sur place, mais la plupart du temps, Beasley va déclencher son shoot directement, face à son adversaire et sans avoir pris la peine de se décaler. La définition du face-up jumper en somme.

L’ancien Wildcat est un excellent shooteur, cette manie de prendre ce type de tir n’est donc pas pénalisante en soi, puisqu’il enregistre un taux de réussite plus que correct à mi-distance. On peut en ce sens le comparer à un Carmelo Anthony, qui va prendre beaucoup de shoots contestés à mi-distance, mais rendus plus simples grâce à sa capacité à dégainer très rapidement. Beasley bénéficie de cette même faculté, cependant là ou Anthony aura tendance à shooter en fadeaway (même ouvert, son corps recule au moment du shoot) son homologue arizonan va shooter en se penchant vers l’avant.

Beasley ayant toujours un temps d’avance sur son défenseur, il pourra tout de même déclencher son shoot. En revanche, le fait qu’il se dirige vers l’avant au moment de shooter –comme Grant Hill, par exemple- simplifie la tâche du défenseur qui, bien qu’en retard, pourra gêner sa vision voire même son tir. Pour un joueur dont la majorité des shoots sont pris face à un défenseur et en sortie de dribble, une telle mécanique de tir est extrêmement pénalisante, et une grande partie de ses échecs à mi-distance sont dus à des tirs contrés ou altérés. Ajoutez simplement un stepback digne de ce nom à son arsenal et imaginez les dégâts…

Ca fait rêver pas vrai ? Et bien venons-en maintenant au point qui est peut-être le plus intéressant dans le jeu de B-Easy : sa finition près du panier. Bien qu’il soit gaucher, Beasley est parfaitement capable de finir de la main droite, et ce avec un toucher que lui envient beaucoup de droitiers. C’est simple, mis à part Steve Nash on peut difficilement trouver un joueur aussi adroit de ses deux mains que le numéro zéro de Phoenix. Sauf qu’à la différence de son prédécesseur dans l’Arizona, Beasley est en plus capable de dunker et de jouer au niveau du cercle. Pourquoi alors n’est-il donc pas plus efficace près du panier ?

Tout d’abord, Michael Beasley est un fainéant. S’il a passé son défenseur et que l’accès au cercle est libre, il va finir en lay-up, et ce même si le dunk lui est offert. Lors de sa draft, Fabrice Auclert de BasketUSA faisait de lui un candidat évident au concours de dunk, j’ose supposer qu’il a changé d’avis depuis. En réalité, Beasley ne dunke que quand il arrive à pleine vitesse à travers la défense, et fait alors admirer son jump et son agressivité. Trop rarement sans doute.

Lorsque Beasley va au lay-up, il a dans la majorité des cas battu son vis-à-vis. Sur de sa capacité à terminer même s’il reste des défenseurs –à juste titre, le fait de pouvoir changer de main indifféremment légitime cette vision des choses- il va alors relâcher son effort, et c’est à ce moment que le défenseur va revenir sur lui. Pas suffisant pour le contrer, mais assez pour initier un contact qui va perturber Michael, peu résistant aux chocs malgré un gabarit supérieur à la moyenne au poste 3. Le lay-up est alors trop court, et le contact trop faible pour pouvoir siffler une faute. Ce manque d’agressivité coûte beaucoup trop de paniers à Beasley, mais également beaucoup de lancers puisqu’il n’en provoque même pas deux par match, ce qui est largement insuffisant pour un joueur capable dans un bon jour d’enchaîner les and-one comme des perles.

Ce manque d’agressivité est directement lié au principal défaut de Beasley : son manque chronique de concentration. Lorsqu’il considère le panier comme acquis, il se déconcentre et laisse le défenseur revenir, à la manière d’un Handballeur qui une fois le gardien battu va faire un tir trop mou, permettant ainsi au portier de le parer. Ce défaut, qui est déjà un handicap dans son jeu offensif (tirs contrés, balles perdues) devient criant en défense. Beasley est un défenseur moyen sur le porteur (rien d’inquiétant en soi, beaucoup de très bon joueurs le sont) mais sa nonchalance fait de lui un des pires défenseurs sur un joueur sans ballon. C’est bien simple : sur certaines possessions, il va se focaliser sur le ballon, le déplacement d’un autre joueur, ou sur le rebond à venir, et laisser partir son défenseur qui aura alors cinq mètres de délai pour déclencher un tir. Du délire.

Michael Beasley ne joue pas dur, et se déconcentre facilement, c’est un fait. C’est d’ailleurs ce qui lui a valu son surnom de B-Easy. Lors de son arrivée à Phoenix, le coach en poste était Alvin Gentry. Alvin Gentry est un entraîneur qui aime les travailleurs de l’ombre, les joueurs qui ont peu de talent mais sont de gros bosseurs volontaires. C’est lui qui a lancé Jared Dudley, Robin Lopez ou encore Lou Amundson. C’est lui qui pouvait jouer le quatrième quart-temps sans faire rentrer Dragic, Scola, Beasley et Gortat, soit ses quatre meilleurs attaquants.

Alors forcément, un joueur comme Beasley qui glande méchamment et qui se la coule douce en défense, ça ne passe pas. Gentry lui préfère même PJ Tucker, un arrière shooteur incapable de marquer à plus de deux mètres du panier. Mais maintenant, Gentry n’est plus là, et le nouveau coach, Lindsey Hunter, semble vouloir s’appuyer sur ses joueurs les plus talentueux à défaut d’être les plus besogneux. Une recette qui semble lui donner raison pour le moment, puisque jusqu’à mercredi dernier, les Suns avaient un bilan équilibré.

Fini Sebastian Telfair, qui du fait d’être meneur demande des écrans un peu partout dans le seul but de se trouver des shoots. Place à Kendall Marshall, qui est une buse en défense mais un formidable distributeur en attaque. Fini Shannon Brown, qui se prend pour Jamal Crawford mais n’est capable que de dribbler sur place en regardant le ballon avant de lancer une brique. Place à Beasley, qui sera moins dur en défense, mais qui lui pourra scorer des points par dizaines sans monopoliser la balle. Sérieux, Brown quand il fait des passes, t’as l’impression qu’il fait exprès de les rater pour être sûr qu’on va être obligé lui rendre la balle.

Dans un collectif qui récompense les méritants, ceux qui travaillent dur et font le sale boulot, Beasley n’a pas sa place. Mais une équipe avec cinq Reggie Evans ne gagnera jamais un match. Une équipe de basket se doit d’être constituée de différents profils. Il faut des PJ Tucker, et il faut des Michael Beasley. Hunter l’a compris et laisse carte blanche à son ailier lorsqu’il est sur le terrain. Il aura des soirs sans, c’est certain. Mais les soirs où Michael joue juste en valent largement la peine. A la manière d’un Carmelo Anthony, Beasley est un joueur à fort volume de shoots : pour que son apport devienne intéressant, il faut qu’il prenne plus de 15 shoots par match. Sans ça, sa production chiffrée est minime et sa contribution aux autres secteurs du jeu inexistante.

On ne parle pas là d’un joueur potentiellement capable de prendre feu un match ou deux dans le mois. On a affaire à un joueur qui a marqué 20 points ou plus dans un quart des matches de sa carrière alors qu’il a commencé sur le banc 40% du temps. Un joueur qui lors de son unique saison à plus de 30 minutes de moyenne a tourné à 19 points. Un joueur qui dans un rôle de menace numéro un à l’aile peut être le scoreur qui fait tant défaut à Phoenix depuis le départ de Richardson.

Lors de sa première saison en tant qu’ailier titulaire, Beasley a confirmé le potentiel qu’il avait démontré en NCAA (où il jouait les yeux dans les yeux avec Blake Griffin, aujourd’hui triple all-star) en se montrant capable de marquer dans n’importe quelle position, et ce de façon régulière. Sa palette offensive est une des plus complètes de NBA, mais sa nonchalance fait de lui un joueur dont on peut considérer risquer le fait de lui confier les clés de l’attaque d’une équipe. Lindsey Hunter semble être prêt à prendre ce risque, et on peut penser qu’il a raison. En effet, Beasley n’a pas déçu puisqu’en 10 matches il tourne à 15 points de moyenne avec 5 matches à 19 points ou plus.

Sa singularité est le meilleur de ses atouts, et son talent saute aux yeux. B-Easy est un des meilleurs attaquants en NBA, et il serait idiot de se priver de l’apport d’un tel joueur. On lui passera ses conneries et ses errances tant qu’il enverra du lourd. Et puis au moins, avec lui on se marre. Vraiment, si Michael Beasley n’était pas basketteur, il se trimballerait sûrement en Bufu sur le campus d’Harvard.

Lucas

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