27 août 2012

Le Basket français a besoin de Basketnews (ou d'un autre journal équivalent)


Le basket français l'a échappé belle. Basketnews est de retour aux affaires après avoir déserté la table de mon petit déjeuner pendant près d'un mois et demi, la menace d'un retrait définitif suspendue aux bords des lèvres. Sans l'hebdomadaire, le basket hexagonal se serait retrouvé amputé de son meilleur lien avec le public. La Pro A notamment serait devenue à mes yeux cette chose informe et obscure qui de temps en temps envoie un joueur en NBA.

En effet, qui aurait assuré une couverture aussi fouillée du championnat cette saison? Basketsession via Basketactu, Catch and Shoot, la LNB et d'autres sites internet sont présents dans le secteur mais à un niveau beaucoup trop superficiel. Les news et les brefs récap' des journées de championnat que ces sites se contentent de produire ne suffisent pas. Ce sont les portraits des joueurs, les analyses des formations et le décryptage des réussites ou des échecs qui permettent d'entrer véritablement dans les entrailles de la compétition et de saisir les aspérités auxquels s'accrochera notre attention.

La chaine de télé Sport Plus fait un travail remarquable mais celui-ci se concentre sur la diffusion des matchs, à raison d'un ou deux par semaines. Or sans le labourage de terrain réalisé au préalable par Basketnews, j'aurais découvert les joueurs, les profils des équipes et les styles de jeu en direct, à froid et assurément de façon incomplète. D'ailleurs, le temps que j'y vois plus clair, un ou deux quart-temps seraient déjà passés. Assis dans un canapé ou dans un tribune, mater un match serait alors comme regarder un tableau de maître à travers le trou d'une serrure. Et une ou deux rencontres télévisées par semaine ne feraient pas assez de trous de serrure pour avoir une véritable vue d'ensemble de la saison. Les enjeux, les hommes à suivre, les surprises, les déceptions, le pourquoi, le comment, les petites histoires et anecdotes ; une grande partie de tout ça nous passerait sous le nez. N'est-ce pas tout ce contexte dans lequel s'inscrit un match qui donne de l'intérêt et une saveur à celui-ci? Cela même qui donne envie d'assister à une rencontre?

Ainsi privé de tout ça et peinant à percer le brouillard la recouvrant, comment aurais-je pu garder un réel intérêt pour la Pro A? Je suppose que je n'aurais pas été le seul à partager ces sentiments. Dès lors, je pense pouvoir dire sans prendre trop de risques que l'absence d'un média comme l'hebdomadaire se traduirait vraisemblablement par un recul de l'intérêt du public et donc un recul des affluences dans les salles et des audiences télé, soit le fondement des ressources des clubs et du championnat. Les éléments qui font ou non la "puissance" du basket français. Le sport professionnel vit grâce à son public alors forcément, si on rompt un lien aussi important qui le rattache à lui, il va en prendre en un coup.

Le manque d’exposition et d’intérêt national, ne sont-ils pas le problème majeur du basket français? L'arrêt d'un journal aussi fouillé que Basketnews serait donc un grand bataillon de perdu dans cette guerre. La fédération, la ligue, les clubs ; tout le monde en souffrirait. Alors pourquoi ne pas les impliquer tous dans le maintien d'un tel média, Basketnews ou autre, papier ou numérique?

Le souci de l'hebdomadaire -et de la presse en général- est évidemment financier. Couvrir un championnat de cette façon est un peu trop coûteux par rapport à ce que ça rapporte dans notre petit monde de la balle orange française. Un petit coup de main de ce dernier qui profite aussi de la présence du canard comme je l'explique depuis quatre paragraphes, me semblerait légitime. Pourquoi pas à l'aide d'une sorte de système d'impôt que devraient s'acquitter les clubs de Pro A, de Pro B, de la ligue féminine, la ligue professionnelle (masculine et féminine) et la fédération au profit d'un, deux ou trois journaux désignés, papier ou numérique? Personne n'aime ouvrir son portefeuille mais comme vous l'aurez compris, il s'agirait pour chacun d'un investissement qui aurait des retombés positives. Il ne serait d'ailleurs pas question d'assurer le financement total du ou des canards, seulement de compléter ses/leurs ressources propres. A priori, cette "contribution obligatoire" serait suffisamment fractionnée entre tous les acteurs concernés pour ne pas être trop douloureuse, non?

Ce système offrirait un revenu de complément fixe et donc une certaine sécurité au(x) journal(aux), contrairement aux investisseurs extérieurs dont le soutien dépend de la bonne volonté. D'ailleurs justement, cette sorte d'impôt éviterait que la volonté des investisseurs plie à sa guise le contenu des articles. Loin de moi l'idée de remettre en cause l'intégrité des journalistes mais face au risque de perdre un investisseur nécessaire à la survie du journal et donc au maintien de leur gagne-pain, on peut tout à fait comprendre que cette intégrité puisse passer au second plan. Ainsi au pied du mur, pas grand monde ferait différemment.

On se doute qu'une telle chose ne se produira pas avec Boris Diaw, nouveau pourvoyeur de fonds de Basketnews mais dans l'absolu, rien n'empêcherait l'intérieur de l'équipe de France d'user de son lien financier avec l'hebdomadaire pour faire pression afin qu'on parle un peu plus de lui ou du club dont il est le président, la JSA Bordeaux. De même, les journalistes pourraient éprouver quelques réticences à le critiquer, lui ou l'équipe girondine, histoire d'éviter de froisser un de leurs financeurs. Evidemment les choses ne sont pas obligés de se passer comme ça (in Babac and BN we trust) mais au pire il y a un risque et au mieux il y aura des soupçons. Avec un système de contributions obligatoires versées par l'ensemble des acteurs du basket français sans que ceux-ci aient leur mot à dire, le ou les journaux préserveraient leur neutralité et leur indépendance.

Le seul truc, c'est qu'on ne peut pas vraiment octroyer un tel avantage, presque un monopole à un, deux ou trois journaux. Ce serait contraire a pas mal de règles de la libre-concurrence ou quelque chose dans le genre. Mais bon, des juristes un peu talentueux devraient pouvoir trouver la parade, non? Et si ce n'est pas cette solution, il faut que ça en soit une autre, parce que le basket hexagonal a besoin d'un traitement approfondi pour accrocher mon intérêt et certainement celui des autres.

StillBallin

4 commentaires:

Startrak a dit…

Je ne peux que saluer l’idée de ton article et pas seulement parce que, moi aussi, j’adore lire BN.

Je trouve également la présence de BN indispensable pour le basket français car il offre une couverture des championnats nationaux vitale et pas seulement pour le fan de basket.
On connait tous le circuit économique « médias => visibilité des clubs => attrait pour les sponsors => rentrée d’argent pour les clubs » et je pense donc que la disparition de l’hebdo engendrerait des pertes financières pour les clubs qui n’ont vraiment pas besoin de ça, surtout qu’elle pourrait être le symbole d’une mauvaise santé du basket aux yeux des sponsors (en fait c’est surtout le signe de la mauvaise santé de la presse écrite mais bon…).

La première chose à faire pour empêcher ça, serait que les acteurs du basket FR évitent de vilipender la presse sur la place publique (big up Steed !). Le basket français veut de l’exposition et dans le même temps a tendance à fustiger les médias à partir du moment où ils n’écrivent pas que des choses positives sur eux. Il faut savoir accepter la critique. Ils doivent comprendre que ce qui nuit à la presse basket, nuit à leur portefeuille.

Tu l’as dit, BN/Maxi a une place spéciale dans le paysage médiatique de la balle orange car c’est le(s) seul(s) magazine papier à écrire autant sur la ProA. Certains mag comme Reverse ne vont consacrer qu’un article sur la ProA tous les 2 mois et encore…Et les sites Internet qui font des brèves c’est bien joli mais ce n’est pas ça qui rapporte le plus en terme d’exposition. Surtout, BN a une « histoire » et rassemble un public bien plus hétérogène. Allez demander à un quarantenaire qu’ils vous ressortent de son grenier sa collection de Maxi et ses posters d’Ed Murphy, Davis Rivers,…

Par contre, même s’il est vrai qu’il ne faut pas laisser mourir BN, ta solution d’impôt payé par les clubs et/ou la ligue et la fédé me semble ambigue. Contrairement à toi, je pense que ça leur ferait perdre en liberté d’expression. D’une part parce que BN a tendance à dire ce qu’il pense de la politique et des actions menées par la Ligue et la FFBB. D’autre part car les dirigeants de clubs n’accepteraient pas forcément de se faire critiquer par un journal à qui ils versent une redevance. Il pourrait donc y avoir des vetos imposés par la LNB sur certains articles et ce n’est fondamentalement pas acceptable.
L’autre raison c’est, tu l’as souligné, l’infraction aux règles sur la libre-concurrence. Tu pourras trouver les juristes que tu veux mais ça m’étonnerait qu’un tel accord LNB/BN ne soit pas condamnable.

En bref, c’est plutôt aux amateurs de basket qu’il faut faire comprendre que l’acquisition de BN est bénéfique à la bonne santé du basket français.

StillBallin a dit…

Au sujet de la liberté d'expression, je pense qu'à partir du moment où tous les contributeurs n'auraient pas la possibilité de choisir de payer cet impôt ou non et que par conséquent BN (ou autre) toucherait cette somme quoiqu'il arrive, quoique le journal dise ou fasse, il n'y aurait pas ce problème. Tout simplement parce qu'il n'y aurait pas de possibilité de fermer le robinet, en fait.

Effectivement, ça ne pourrait marcher qu'à cette condition. Et dans ces conditions, je ne vois pas ce qui pourrait empêcher les journalistes de dire ce qu'ils pensent.

Le seul truc, c'est la mise en place de ce système nécessiterait à la base un accord des acteurs. Mais comme tu le dis, si juste à ce moment-là les décideurs arrêtent de penser à leur nombril et se mettent en tête que ça servira à tout le monde, ça pourrait suffire. Ces quelques minutes d'intelligence permettraient de signer une convention instaurant cet impôt, convention qui aurait une clause d'inamovibilité pendant 10 ans par exemple ou une clause permettant la suppression de la convention à des conditions difficiles à réunir (comme la Constitution par exemple où il faut que vraiment beaucoup de monde soit d'accord pour la bouger).

Je pourrais même imaginer le ministre des sports mettre en place une institution qui serait au-dessus de la mêlé et contre laquelle la fédé ne pourrait rien faire, pour gérer ce système. Une Autorité Administrative Indépendante comme il en existe une pour faire respecter le droit de la concurrence (si je ne m'abuse) en somme. Une telle autorité n'est jamais tout-à-fait totalement indépendante mais elle le serait vis-à-vis de la fédé et de la LNB, ce qui devrait être suffisant pour permettre à BN de l'ouvrir sans entrave.

Concernant la libre-concurrence, ça me parait effectivement plus difficile à contourner. J'ai quand même quelques idées. Par exemple, je ne suis pas sûr mais je pense que si ce système que je voudrais voir se mettre en place serait ouvert à tous journaux du secteur, actuel ou à venir (suffirait d'en faire la demande), il ne contredirait aucune règle de concurrence (n'instaure aucun monopole, ni de favoritisme).

Tu vas ma dire que des milliers de canards se présenteront vu qu'on leur assurerait une partie du financement automatiquement. Mais il faudrait instaurer un taux fixe de contribution (1% des revenus des clubs, de la ligue, etc admettons par exemple) quelque soit le nombre de journaux (s'il n'y a que deux journaux, chacun recevrait la moitié de cette somme, s'il y en a dix, chacun toucherait un dixième, etc). Au bout d'un moment, une sorte de sélection naturelle se ferait vu qu'il sera difficile pour dix journaux de vivre avec leurs revenus propre plus ce petit dixième de la contribution de basket français. On finirait donc avec 2 ou 3 journaux, chacun recevant un petit coup de pouce, petit mais suffisant pour qu'ils survivent.

Par ailleurs, je me demande si les sacro-sainte règle de la concurrence ne sont pas un peu en train de perdre de leur aura dans le contexte actuel et je ne serai pas étonné qu'à l'avenir, ce "carcan" puisse être un peu assoupli, voire qu'on passe à un autre paradigme. Notamment dans le sport d'ailleurs. Tant au niveau français qu'européen, on est conscient que le sport n'est pas un marché économique comme les autres et qu'il est parfois nécessaire qu'il ait ses propres règles.

Voilà, ce ne sont que quelques pistes lancées en l'air, pas vraiment approfondies (ni bien expliquées peut-être) mais ce sont elles qui me permettent de dire que des avocats valables pourront trouver quelques choses pour mettre en place ce système.

Startrak a dit…

« je pense qu'à partir du moment où tous les contributeurs n'auraient pas la possibilité de choisir de payer cet impôt ou non et que par conséquent BN (ou autre) toucherait cette somme quoiqu'il arrive, quoique le journal dise ou fasse, il n'y aurait pas ce problème. Tout simplement parce qu'il n'y aurait pas de possibilité de fermer le robinet, en fait. »

En théorie, ça devrait se passer comme ça, sauf que t’as vu le comportement manifesté par les Chalonnais (coach en tête) après un article négatif (un négatif dans un flot de positifs en plus) sur leur club ?

Maintenant, ça n’empêchera pas évidemment les journalistes de dire ce qu’ils pensent. Mais on ne sait jamais comment la LNB se comportera le jour où un président de club viendra lui dire « euh, ça serait bien de les faire taire un peu chez BN »…, ce jour-là ils viendront peut-être voir les journalistes en leur disant « bon, mollo les gars, sinon on coupe les vivres ! ». Et de toute façon, le comité directeur de la LNB est composé de plusieurs présidents de clubs donc ça sera plus direct.

Mais comme tu le dis, si à la base ya un accord entre toutes les parties, pas de raison que des « incidents » se produisent.

StillBallin a dit…

On se prends la tête mais en fait, est-ce que la solution ne serait pas tout simplement de mettre à la tête du Ministère des sports ou au pire de la LNB? Personnellement je n'y vois pas pourquoi on s'y opposerait.

Plus sérieusement, si l'accord est bétonné pour une dizaine d'années sans modif possible ou que celle-ci soient très compliqués à réaliser (par exemple un vote à l'unanimité de tous les contributeurs pour valider ou non la coupure des vivres), il faudra bien plus qu'un président courroucé par un article pour tout faire sauter. Sans parler que ces coup de sang sont souvent à chaud et qu'une belle procédure nécessitant convocation de tout le monde et réunion est le truc parfait pour calmer les ardeurs. Les présidents aussi doivent craindre le ridicule fasse à leurs pairs.

Après, est-ce que ma théorie résistera à la pratique? On ne sait jamais à l'avance.