Aucun joueur européen n'a généré autant d'engouement -de hype- et d'attentes des deux côtés de l'Atlantique si jeune que Ricky Rubio.
Pour preuve, le meneur n'a pas encore 21 ans qu'on a déjà l'impression
de l'attendre en NBA depuis une éternité. Jusqu'à un moment donné, cet
engouement était à peu près justifié. Rubio était en effet à 19 ans le
meneur titulaire de ce qui était peut-être la plus grande équipe du
Vieux Continent, le FC Barcelone, et de la meilleure sélection nationale
au monde derrière les Etats-Unis. Il n'en était pas à chaque fois un
des leaders mais en tant que point guard, il s'était dans les deux
équipes acquitté de plus de responsabilités que les autres
"non-leaders".
Et puis le prodige aux cheveux de jais s'est crashé. Juste après
cette saison où le tout frais numéro cinq de la draft 2009 s'était
imposé comme un élément important de la fabuleuse sélection nationale et
ensuite de la machine à titres blaugrana; juste après cette excellente
saison où il avait gratifié le jeu des deux équipes d'un très agréable
mélange de passes d'éclat et de gestion propre, encourageant même pas
mal d'observateurs par ses progrès significatifs aux tirs; juste après
avoir ainsi tenu la dragée haute aux attentes, Rubio a livré un exercice
2010/2011 -l'année dernière- en tout point décevant et même inquiétant,
tant avec l'Espagne qu'avec le Barça. Tout de suite après avoir été
drafté, le jeune espagnol a réalisé un eurobasket'09 et une saison
2009/10 de très bonnes factures et ensuite, plus rien. Championnat du
monde 2010 en Turquie, saison 2010/11, Eurobasket cet été, n'ont eu
droit qu'à un Rubio de contrefaçon.
Pourtant, sa situation d'une saison à l'autre n'a
pratiquement pas changé. Comme lors de sa première et prometteuse saison
post-draft, il a participé à une campagne internationale avec l'Espagne
dont l'effectif était resté quasiment inchangé, pour ensuite retrouver
les batailles européennes avec le club catalan, lui aussi à l'effectif à
peu de choses près identique. Mais loin du maestro tantôt flamboyant,
tantôt efficace qu'on avait connu, ce Ricky Rubio-là déjà prompt à
laisser briller ses coéquipiers, est devenu transparent, emprunté,
timide et flanquait à côté la majorité de ses shoots. Assurément, ce
Ricky Rubio dernière version n'est pas digne de l'engouement qu'il avait
généré.
Certains
en ont tiré les conclusions que, comme d'habitude, le prodige précoce
avait été largement surestimé et que le temps était tout simplement en
train de dénouer les fils qui avaient brodé cette imposture. Pourtant
ses conditions de jeu n'ont pas changé entre sa bonne et sa mauvaise
saison. Le niveau de jeu était rigoureusement le même tout comme son
rôle au sein de sa formation en club et en sélection. Donc contrairement
à la plupart des mythes créés par la hype qui s'effondre en étant
plongés dans un niveau de jeu plus élevé (du lycée ou de la NCAA à la
NBA par exemple) ou en se voyant confier de nouvelles responsabilités
plus en accord leur statut médiatique (en passant du prometteur joueur
de complément au pilier de l'équipe désigné), Rubio n'a pas été envoyé
dans un environnement différent. Ses bonnes performances de la saison
précédente ne peuvent donc pas vraiment être considérées comme un leurre
dont la saison d'après s'est chargé de révéler la supercherie. Ses
bonnes performances de l'année d'avant ne sont ainsi pas moins valables
que les mauvaises de la saison qui a suivit puisque le contexte est
chaque fois le même.
Alors quoi, que s'est-il passé?
Personnellement, j'ai toujours apprécié ce joueur, pur meneur alliant de
véritables qualités de gestionnaire à une créativité ébouriffante.
D'ailleurs, je regrette encore que le Thunder ne l'ait pas drafté quand il le pouvait.
Et pourtant, j'adore James Harden, le joueur que les Turquoises ont
recruté à sa place. Mais le Ricky Rubio timide, emprunté et maladroit
que j'ai vu cette année n'est pas le meneur que j'imaginais avec
délectation distribuer caviar sur caviar à Kevin Durant et trouver les
espaces pour envoyer Russell Westbrook, décalé en deuxième arrière pour
l'occasion, au cercle à longueur de journée. Le Ricky Rubio que j'aime
est celui qui n'hésite pas à tenter des passes aussi géniales que
risquées, pas celui qui s'empresse de donner la citrouille à Juan Carlos
Navarro et d'aller se terrer dans un coin du terrain.
Comment est-on passé d'un artiste tout feu tout flamme qui n'avait
pas froid aux yeux et dont les ailes ont parfois roussi dans l'une de
ses envolées, à une sorte de bureaucrate rigide qui refuse de prendre
des initiatives à moins d'avoir une autorisation formelle et signée,
produite en trois exemplaires? La peur de se cramer les ailes
définitivement peut-être. Ou bien de mal faire au point de risquer
d'égratigner l'image de ces deux équipes appartenant déjà à l'histoire.
Parce
que mine de rien, être -en tant que meneur titulaire- le responsable
d'un monument comme le fabuleux club espagnol et d'une sélection
nationale qui n'a jamais été sur le toit de l'Europe comme actuellement à
seulement vingt ans doit être un sacré truc à appréhender. Il s'agit en
effet d'être le tenancier de deux formations qui n'ont tout bonnement
pas le droit de perdre. Vous avez dit pression? Cette pression, Rubio la
sent peut-être dans ses veines à chaque fois qu'il touche le cuir rêche
du ballon ou osciller dans son esprit en ricanant à chaque fois qu'il a
une décision à prendre. Tout comme la crainte de devenir le responsable
d'une défaite pour l'une ou l'autre de ces deux prestigieuses
institutions doit insidieusement se nicher dans la moindre de ses
pensées. Dès lors, on peut comprendre que cette pression et cette peur
de faire des ratures sur la partition de ces deux formations historiques
puissent mener le jeune homme à se planquer dans le fond de sa
coquille. Seuls les inconscients ne ressentiraient rien de tout ça.
Et justement, peut-être que le petit prodige, porté par
l’insouciance absolue de la jeunesse, était de ceux-là avant d'ouvrir
les yeux et de se rendre compte de l'énormité de sa situation. Que
jusqu'alors il portait ces deux maillots sans se poser de questions,
sans penser aux attentes qui en imprègnent les mailles, comme un enfant
qui cours en riant le long d'un précipice sans s'apercevoir du danger
pourtant bien visible qui serpente à quelques centimètres de ses pieds.
Maintenant, le petit plus de plomb que
l'année passée lui a mis dans la tête a peut-être fini par lui faire
ouvrir les yeux sur cette pression et se faisant, lui a fait perdre
cette insouciance salvatrice dans un déclic malheureux survenu entre la
fin de sa belle première saison avec
Barcelone
et le début du championnat du monde en Turquie où il a été
véritablement
décevant pour la première fois. En vieillissant, Rubio a peut-être pris
conscience du vide qui bordait sa course échevelée, ce qui expliquerait
pourquoi il se tient si loin du précipice désormais. Et qu'il marche à
la place de courir.
C'est ici que j'imagine être la
raison de la métamorphose mal venue du prodige, du passage de l'artiste à
l'employé de bureau procédurier. C'est du moins l'impression que j'ai
en le voyant jouer aujourd'hui. L'impression que, retenu par la peur de
faire des bourdes et de risquer de plomber un match du grand Barça ou
d'une sélection nationale qui nage en plein âge d'or, il préfère
déléguer le ballon le plus vite possible à Juanca Navarro et ne prends
des shoots qu'à contre-cœur, lesquels rebondissent piteusement sur
l'arceau bien sûr. Le contexte moins glorieux de Minnesota lui
permettra-t-il de retrouver confiance? Difficile à dire, il est
véritablement attendu de pied ferme de ce côté de l'Atlantique et il
trainera toujours à ses chevilles la pression née de la hype phénoménale
qu'il a aussi créé chez les américains.
Cependant, les Wolves ont incroyablement besoin d'un
distributeur de ballon aux tendances d'organisateur comme lui pour
encadrer les scoreurs minnesotans et les installer dans un jeu cohérent.
Une place tout-à-fait calibré pour le joueur qu'il est et où, dans un
premier temps, on ne lui demandera pas de mettre des points (Minnesota a
assez d'options offensives comme ça avec Kevin Love, Michael Beasley,
Derrick Williams, Martell Webster et Wesley Johnson). Ce rôle limité à
ce qu'il sait faire de mieux peut être l'escabeau qui lui permettra de
retrouver confiance en lui et la plénitude de son jeu.
Autre élément qui pourrait l'aider, le nouveau coach de
Minneapolis, Rick Adelman, ne sera pas sous la pression des résultats
car avec son très gros contrat ($25 millions sur 5 ans selon les
bruits), il n'est pas prêt d'être licencié tant cette opération serait
coûteuse pour les Wolves. Du coup, ses décisions ne seront pas dictées
par un besoin de victoires immédiates et il pourra se permettre de
laisser Rubio sur le terrain sans craindre de se faire couper la tête si
il pense que celui-ci a besoin de temps pour s'adapter et de la
confiance de son entraineur pour retrouver son jeu. Cette éventuelle
latitude dans le temps ne peut que jouer en faveur du jeune meneur.
Des responsabilités limités, du temps et un impératif de victoires
beaucoup moins intraitable qu'ailleurs, voilà peut-être un contexte qui
pourrait aider l'ancien joueur de la Joventut Badalona et lui permettre
de montrer quel superbe joueur il peut être. Ou pas, Rubio a avant tout
un cap mental à passer.
StillBallin
2 commentaires:
Aujourd"hui 3 Janvier 2012 aprés 4 match plutôt bon,Rubio vient de renforcer le poids de tes précédentes analyses!
Concernant les wolves, il me semblent qu'il vont devoir bien vite régler une question: Kevin Love,Michael Besaley,Martell Webster, et le plus intéressant de tous selon moi Derrick Williams.
Il va vraiment falloir faire des trade malin sur les deux années qui viennent.
Faut quand même avouer que je ne m'étais pas trop mouillé sur l'éventuelle réussite de Rubio dans cet article. En fait ça réhabilite surtout la description que j'avais fait sur lui juste avant la draft 2009 (http://unlimitednba.blogspot.com/2009/05/la-draft-2009-sera-le-champ-de-bataille.html)
En tous cas, ça fait plaisir de retrouver le "Flamboyant Rubio" à la place de "Ricky la procédure". C'est beau à voir jouer, hein?
Concernant les Wolves, ils sont dans une position difficile (mais meilleur que celle d'avant, on est d'accord). Personnellement, j'étais favorable à un trade de Kevin Love parce qu'il était susceptible de partir en fin de contrat le premier et parce qu'il était un peu surestimé par rapport à sa véritable valeur (aka je vais demander plus d'argent que je ne le mérite). L'avantage, c'est que les Wolves auraient pu tirer une belle contrepartie en échange de ce Love surestimé.
Seulement, l'intérieur est en train de montrer cette année qu'il est meilleur que ce que je pensais (je ne pense toujours pas qu'il ait l'étoffe d'un franchise player mais il s'en rapproche pour l'instant. A voir sur la durée toutefois).
Du coup quoi faire? Love est devenu un atout dont on ne se débarrasse pas comme ça. Le transférer maintenant alors que Minny commence à bien marcher est très risqué.
Derrick Williams a tous les outils en main pour devenir un excellent joueur (Antawn Jamison?) et prendre sa place mais j'ai trouvé qu'il avait quelques difficultés en ce début de saison (faut dire que je pense qu'il ne devrait pas être utilisé systématiquement en poste 3, il est trop loin du cercle par rapport à son jeu de un contre un). Du coup sa valeur a (un peu) baissé alors que Minnesota n'avait même pas réussi à l'échanger pendant la draft quand sa cote était au plus haut.
Transférer Beasley est difficile et je rêve encore de voir Wesley Johnson être installé en 3 et être bien utilisé (mettre en orbite son shoot à mi-distance), plus encore quand on voit maintenant l’impact collectif que peut avoir Rubio.
Bon, à la place de Minnesota on pourrait toujours tenter d’échanger Love, Beasley, Milicic et Webster contre Dwight Howard (ça pourrait intéresser le Magic et la venue d’Howard vaut bien la perte de Love) mais je ne suis pas convaincu que D-12 soit tenté par une expérience si loin dans le nord (quand bien même la présence de Rubio, de Derrick Williams et, si il redevient le joueur qu’il était en NCAA une fois repositionné en 3, Wesley Johnson irait très bien avec son jeu).
On peut aussi penser que Minnesota resignera Love et licenciera Beasley cet été. Je n’ai pas fait le calcul mais ça ne m’étonnerait pas qu’en agissant ainsi, les Wolves aient de quoi recruter un bon arrière shooteur en free agent (Eric Gordon, OJ Mayo ?).
Bref, il y a plein de pistes à suivre et aucune n’est vraiment évidente. L’effectif est effectivement trop mal foutu pour son bien et il faudra faire quelque chose. La question va commencer à se poser avec Kevin Love. Prolongation ou transfert ?
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