08 juillet 2011

La Draft 2011 dans un coin de la tête

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---Cette draft avait déjà la trogne mal fichue d'un troufion de guerre posté en première ligne bien avant de monter sur l'estrade, ce jeudi 23 juin 2011. Pas mal de têtes blondes parmi les plus prometteuses lui ont sèchement posé un lapin, l'obligeant à se rendre à son rencard avec la douloureuse réputation de draft pauvre en talent. Harrison Barnes, Perry Jones et Terrence Jones étaient supposés être ses plus beaux atouts mais ils ont tous dû battre en retraite après une saison universitaire en demi-teinte tandis que Jared Sullinger malgré une superbe saison et aucun doute sur la qualité du prospect NBA qu'il est, lui a claqué la porte au nez comme un gosse mal poli. Encore heureux que Kyrie Irving ait finalement décidé de ne pas rajouter ses miches à cette liste. Avec une saison découpée à la machette par une blessure au pied, il avait un mot d'excuse tout trouvé pour lui aussi passer son tour cette année et attendre le convoi de 2012.

---Les mauvaises franchises de la NBA comptent sur la draft pour se refaire une beauté mais cette année, on devinait leur mine embarrassée derrière leur masque de parfait entrepreneur qui a tout sous contrôle face aux choix qu'elle leur proposait. Chaque prospect de cette cuvée est assorti d'une armée indésirable de doutes et d'interrogations, et ressemble plus à une table de jeux dans un casino qu'à un joueur de basket capable de renforcer une franchise en difficultés. Enes Kanter a beau avoir dominé sans états d'âme tous les adversaires qu'il a rencontré jusque-là, le Turc taillé comme un guerrier sorti des contes de l'antiquité n'a jamais vraiment eu l'occasion de pousser des rugissements face à des joueurs qui ont autre chose que du duvet sur les joues. Et depuis combien de temps n'a-t-il pas dégainé son glaive couvert de sang séché? Un an, deux si on considère qu'il n'a pas rencontré un niveau de compétition valable lors de son année de lycée au Etats-Unis. Faut en avoir dans le falzar pour rayer un gros choix de draft sur un joueur comme lui.

---Kanter n'est qu'un exemple dans un bataillon de prospects dont le talent paraît à demi enseveli de terre par les pelletés d'un fossoyeur. Kyrie Irving n'a joué que 11 matchs pour sa seule et unique saison universitaire dont la plupart en début de saison, Derrick Williams est un ailier fort qui ne cesse de clamer qu'il veut jouer au poste 3, Jonas Valanciunas aussi prometteur soit-il n'est pour l'instant qu'un très solide pivot remplaçant, Tristan Thompson et Bismack Biyombo auront longtemps et peut-être toujours le jeu offensif d'un peintre en bâtiment, Jan Vesely n'a encore jamais eu des responsabilités véritablement élevées dans son équipe, Jimmer Fredette risque d'avoir un meilleur impact médiatique que sur les parquets, le shooting guard Brandon Knight ne commence à ressembler à un vrai meneur que depuis quelques mois, et c'est la même rengaine pour à peu près tout le monde. Là où les années précédentes quelques étincelles dans le profil des prospects apparaissaient pour se laisser aller à croire à des rêves, ici en dehors de Kyrie Irving et Derrick Williams peut-être, elles ne parviennent pas à emballer grand monde.

---Tout ça n'est peut-être que de la connerie. Je pourrais parier quelques cigares cubains que ce sont les nombreuses défections dans le haut du tableau qui donnent cette impression. Faut dire aussi que de la troisième à la sixième place, aucun de ces draftés n'a eu un rôle vraiment majeur dans son équipe l'année dernière. Parmi eux, quatre joueurs vont découvrir le basket américain et devoir gérer une transition à l'âge où la plupart des gens ne pense qu'à se torcher le gosier à coup de mélanges d'alcool rarement judicieux. Avec cette draft mal fagotée, j'imagine les grosses têtes de ces franchises NBA dans le besoin secouer la tête après l'officialisation de leur choix de draft en se demandant encore si le joueur qu'ils venaient de sélectionner était vraiment meilleur que ceux qui seront sélectionnés cinq rangs après.

---Ils devaient déjà se tortiller sur leur chaise un mois auparavant lors de la loterie qui allait désigner l'ordre de draft, ne sachant pas vraiment si récupérer une place en premières lignes du tableau était une bonne chose ou un cadeau puant l'arsenic. Tout le monde peut assumer de se planter avec un neuvième choix de draft, beaucoup moins avec un troisième. Alors que dans cette soupe de pois qu'est la draft cette année, se planter est plus facile que de creuser une tombe improvisée dans une terre qui a été récemment retournée pour enterrer un précédent macchabée. Utah pourra peut-être nous en faire une petite démonstration, eux qui ont jeter leur grappin sur Kanter avec son troisième choix. Si ça foire pour eux, ils se feront canarder sans vergogne comme un jour de Saint-Valentin alors que Detroit et son Brandon Knight récupéré au vol avec leur huitième choix ne seront qu'un peu molestés si ça déraille pareil. Et pourtant, on ne peut pas dire qu'il y ait beaucoup de différence entre ces deux prospects. Il n'y en a pas un qui me paraît meilleur que l'autre, ni qui semble destiner à avoir une plus belle carrière. Le combo guard de Kentucky aurait pu prendre cette troisième place et Kanter la huitième qu'on aurait pas plus broncher. Vous voyez dans quelle incertitude puante étaient les franchises trop bien positionnées dans cette draft, hein? Choisir entre une demi-douzaine de prospects d'un niveau difficile à différencier et jamais affranchis de quelques réticences pour une raison ou une autre, devait ressembler à un tirage au sort réalisé par la main d'un ivrogne saoul et aveugle.

---Ça n'engage que ma pomme mais je pense que cette draft n'était pas une partie de plaisir pour pas mal d'équipes. Minnesota par exemple. La franchise à la réputation grand-guignolesque devait tenir son deuxième pick à la main sans trop savoir quoi en faire comme un soldat encombré de mitraillettes jusqu'aux molaires à qui on tend une arme supplémentaire. Les Wolves ont cumulé tout un tas de hauts draftés lors des trois dernières années (Beasley, n°2 en 2008; Wesley Johnson, n°4 en 2010; Kevin Love et Ricky Rubio, n°5 en 2008 et en 2009; Jonny Flynn, n°6 en 2009) sans que leur équipe ne parvienne à décoller ses genoux des bas-fonds de la ligue. Le cœur au bord des lèvres à force de se baffrer de jeunes talents sans parvenir à les digérer, un de plus ne fera que de la graisse mal placée sur le bide d'un obèse. D'autant plus que cette draft appauvrie ne présente hormis Kyrie Irving aucun joueur suffisamment impressionnant pour convaincre le staff de rayer sans hésitations un des ces jeunes talents draftés auparavant.

---Et comme le ciel semble aimer se fendre la pèche sur le compte de cette franchise, le seul joueur une fois Irving épinglé par Cleveland qu'il paraît décent de choisir en seconde position de cette draft éborgnée était Derrick Williams, soit un ailier fort pouvant évoluer en 3 pour une équipe qui compte déjà son franchise player par défaut, Kevin Love, et son deuxième meilleur scoreur, Michael Beasley, sur ces postes et Wesley Johnson et Anthony Randolph en embuscade. Minnesota a drafté l'ancien leader d'Arizona en sachant pertinemment qu'elle se foutait un bâton dans les roues. Mais, que le mec là-haut qui se prend pour Dieu me tripote, pouvait-elle faire autrement?

---Avec un passif comme le sien en matière de recrutement et tous les regards braqués sur elle dans l'attente d'une nouvelle boulette, il fallait avoir de sacré bijoux de famille pour drafter quelqu'un d'autre que Williams avec ce second choix tant sa cote était haute par rapport à celles des autres prospects. Drafter Enes Kanter en demandait déjà une bonne paire à n'importe quelle franchise quelque soit sa position dans le top 7 de la draft, il en aurait fallu une qui traine par terre dans le cas des Wolves. J'aurais bien vu Brandon Knight venir renforcer l'effectif des louveteaux avec l'idée de le replacer à son poste originel de shooting guard. Il aurait rempli le relatif vide à ce poste 2 que Wesley Johnson tente tant bien que mal de combler, aurait apporté ses qualités d'attaquant et de shooteur, et sa petite et finalement assez réussie expérience de point guard à Kentucky aurait permis de soulager un Ricky Rubio attendu au tournant d'une partie de sa lourde responsabilité à la mène. Mais vu l'histoire récente de la franchise au sujet des meneurs et la volonté supposée de Knight de jouer à ce poste plutôt qu'en deux, ce choix recelait autant de mines médiatiques et relationnelles que d'avantages sur le terrain. Et comme on commence à bien connaître cette franchise, on sait qu'elle aurait foutu le pied sur l'une d'entre elles. Minnesota, c'est le Charlot de Charlie Chaplin. La jambe en moins dans ce cas précis.

---Au bout du compte, c'était pas crétin de vouloir troquer ce second choix. C'était même probablement la meilleure chose à faire dans l'impasse où ils s'étaient fourrés. Ils n'y sont pas parvenus mais ce n'est peut-être que partie remise. Je me demande si Minny n'aurait pas dû chercher à transférer Kevin Love plutôt que ce deuxième pick promis à Derrick Williams. Même si l'intérieur rebondeur est devenu le nouveau visage d'une franchise qui n'en a connu qu'un seul depuis sa sortie de terre, il n'est pas un véritable franchise player. Il est simplement le meilleur joueur d'une équipe qui collectionnent les défaites comme une souris de laboratoire collectionne les tumeurs. Le blondinet n'est pas assez doué en attaque pour tirer sa formation dans son sillage et pas assez bon défenseur pour faire figure d'exemple. Il progressera peut-être jusqu'à devenir une vraie arme de combat mais je crois que le gus sera déjà loin de Minnesota quand ce jour arrivera. C'est pour ça que poursuivre la reconstruction des Wolves avec Love en pierre angulaire n'a pas la gueule d'une idée de génie. Le gamin d'UCLA n'est pas assez bon pour faire de Minnesota une bonne équipe dans les deux ans à venir,avant la fin de son contrat rookie et du coup, Sota ne sera d'ici là pas assez performante pour le convaincre d'engager son avenir avec elle.

---En transférant son meilleur joueur maintenant alors que sa cote n'a jamais été aussi haute et qu'elle est même certainement plus élevée que sa vraie valeur, les Wolves prennent moins de risque de se faire plumer plus tard et pourra en profiter pour rééquilibrer son effectif avec un ou plusieurs éléments de qualité. Je ne suis pas non plus emballé par Derrick Williams en franchise player, ou n'importe quel autre joueur actuel de la franchise d'ailleurs. Mais lui ne risque pas de partir comme un voleur dans les deux prochaines années, enchainé comme il est par son contrat rookie.

---Minnesota est le centre d'enfermement pour mineurs de la NBA, ou quelque chose dans le genre. Tous les jeunes joueurs bourrés de talent et de rêves de gloire y atterrissent en masse chaque année avec la peur de vivre ce qu'a vécu Kevin Garnett avant de partir à Boston. Ils seraient tant que les dirigeants se bougent le derche pour construire une vraie équipe à peu près équilibrée et arrêter de cumuler les rookies en espérant qu'à partir d'un moment leur talent pur suffira. Parce que plus les années de cet acabit passent, plus cette franchise ressemble au genre de cas désespéré et irrécupérable qu'on finit par étouffer sous un oreiller.

A suivre.

StillBallin

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est sûr que Love n'est pas un joueur "franchise", pourtant avec l'instabilité économique de la ligue il faut le garder. Visage de l'équipe, les Woves ne peuvent pas l'envoyer sans avoir quelqu'un pour le remplacer. Rubio? Reste à voir, mais je ne pense pas.

StillBallin a dit…

Ben justement, je ne pense pas que l'absence d'un franchise player ou de pseudo franchise player avec le départ de Love changerait quelque chose parce que justement, Love ne joue pas comme si il en était un. A titre d'exemple, Andre Iguodala ou LaMarcus Aldridge depuis la blessure de Brandon Roy, ne sont pas des franchise players indiscutables (dans le sens leader ultime de leur équipe, joueur qu'on ne peut pas imaginer devenir le lieutenant de son équipe) mais essaie de jouer comme tel en prenant de temps en temps le jeu à leur compte (avec des succès assez aléatoires). Ce n'est pas le cas de Love à mon avis malgré des stats qui crient le contraire. Donc à Minnesota il n'y a déjà pas de franchise player à qui on file la balle en cas de SOS. Selon moi, il n'y a pas à craindre une éventuelle vacance du trône de franchise player dans le Minnesota avec le départ de Love car cette place est déjà vacante avec Love dans le roster.

Bon, il s'agit de ma vision du concept de franchise player donc je peux comprendre que d'autres personnes voient les choses différemment et estiment comme tu l'as dit que le risque de se retrouver sans personne sur le "poste" de franchise player avec le départ de Love est trop dangereux. Mais même en admettant cette vision des choses, je plaiderai quand même pour le transfert de l'intérieur rebondeur. C'est peut-être mes influences européennes qui parlent mais je ne suis pas du genre à penser qu'il faille absolument avoir un joueur portant la charge de franchise player dans une équipe, particulièrement si c'est une équipe aussi faible que celle de Minnesota. Je préfère avoir une équipe équilibrée et complémentaire qu'une équipe bancale mais avec un pseudo franchise player. C'est sûr qu'avoir un franchise player est une bonne chose mais je ne pense pas que ce soit indispensable dans le sens où les Wolves n'ont pas pour l'instant pour objectif de chercher le titre mais "seulement" de se qualifier pour les playoffs. Après, un franchise player ou presque peut émerger à tout moment. Beaucoup pensent que Derrick Williams est un all-star en puissance (j'attends de voir personnellement) et avec le départ de Love, il aurait le champ libre pour s'accaparer ce rôle. Et puis, je ne ferais pas partir Love contre rien. La contrepartie ne serait pas un franchise player non plus mais au minimum un joueur de qualité qui pourrait éventuellement postuler pour le titre de go-to-guy de son équipe (James Harden par exemple).