04 novembre 2009

A l'aube d'un nouveau OJ Mayo?

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---Le recrutement d’Allen Iverson ne répond à aucune logique sportive. Déjà dénué de fond de jeu l’an dernier, peinant à se construire un minimum de liant collectif, les Grizzlies vont cette fois devoir partager leurs actions de jeu entre AI, Zach Randolph, Rudy Gay et OJ Mayo, quatre joueurs bien au fait de leur phénoménal talent offensif et qui n’imaginent pas une seule seconde ne pas en faire preuve au cours d’un match.

---Qu’importe, la conclusion de cette signature sous-tendait d’autres objectifs, plus financiers et médiatiques ceux-là. Mais la vérité du parquet ne reste jamais longtemps muette et les questions pour l’instant réduites au silence ne tarderont pas à déchirer leur bâillon et partir en quête de réponses : comment les trois extérieurs Iverson, Mayo et Gay vont-ils cohabiter ? Combien de matchs prendront fin sur une défaite avant que The Answer n’exige une place de titulaire et surtout un temps de jeu correspondant ? Comment la franchise de Memphis peut-elle envoyer ses meilleurs joueurs sur le terrain simultanément ?

---S’en est presque une règle, les questions longtemps étouffées rencontrent un mur de silence lorsqu’elles sont finalement libérées. Mais c’est souvent ce genre d’impasse qui accule aux prises de risque : n’est-ce pas là l’occasion de faire d’OJ Mayo un meneur à part entière ? Ce vieux fantasme anime encore l’esprit de beaucoup de monde depuis les premiers élans de la hype qui l’a englouti dans ses jeunes années, lorsqu’il éblouissait les foules anonymes par son fabuleux sens du jeu.

---Son potentiel sur ce poste est colossal. Le jeune leader de Memphis est un scoreur dans l’âme mais de tout temps, on a pu apercevoir sur quelques actions qu’il possédait une grande partie des atouts d’un véritable point guard. Sens du jeu, lecture des défenses, créativité, technique de dribble, sang froid, toutes ces qualités ont ponctuellement percé à la surface de son jeu. La seule chose qu’il semble lui manquer pour que ces qualités puissent régulièrement imprimer une marque sur un match est la volonté de servir les autres en priorité avant lui. Sans cette volonté préalable, aucune aptitude de point guard, aussi développée soit-elle, ne peut faire éclater ses saveurs.

---Cependant, même si Mayo n’a qu’une étape à franchir avant de pouvoir s’imposer en tant que meneur, celle-ci est de taille et encore plus pour un jeune homme quasiment convaincu de pouvoir scorer chaque fois qu’il touche le cuir. D’ailleurs, son talent offensif n’est pas loin de donner un solide argument à cette conviction, tout comme la pauvreté du jeu de Memphis et la faiblesse de ses coéquipiers l’an dernier devait apparaître à ses oreilles comme un appel à l’action individuelle. Personnellement, je pense que Mayo n’est pas –n’est plus- un joueur complètement égoïste ; seulement il est persuadé d’avoir une meilleure chance de faire grimper le score de son équipe par ses seuls moyens qu’en partageant cette tâche avec ses coéquipiers, ce qui dans l’absolu n’est pas si facile à contredire.

---Cette idée selon laquelle le talent individuel d’un joueur d’élite est plus performant qu’un effort collectif porté par des joueurs plus faibles et dont la primauté bride le talent en question, n’est qu’une illusion, comme ont pu nous le démontrer Kobe Bryant ou encore Tony Parker avec les Bleus. Mais il n’en reste pas moins que cette illusion est incroyablement difficile à déloger de la rétine de celui qui en est au centre. Il a fallu une dizaine d’années à Kobe pour qu’il le comprenne et encore, elle le rattrape encore de temps à autre.

---OJ Mayo est-il capable de dépasser ce « me against the world syndrom » ? Lors de ces premiers matchs NCAA, couleurs des Trojans d’USC sur le dos, le prodige connu des médias depuis ses 13 ans était perdu dans sa litanie du un contre cinq. Mais poignardé de critiques venant de chaque coin d’Amérique, le shooteur californien a poursuivi la saison avec plus de retenue et plus de réflexion jusqu’à redorer son blason aux yeux de ceux-là même qui l’avaient perclus de commentaires dédaigneux quelques mois plus tôt. OJ Mayo reste un « shoot-first player » mais il s’est considérablement éloigné de la caricature du joueur qui pense à scorer au moindre contact de la balle avec ses mains. Cette agréable évolution, certainement permis par un début de prise de conscience de ce qu’est le jeu, peut laisser penser que le jeune Grizzly serait capable de franchir une nouvelle étape dans cette direction.

---Et finalement, le contexte particulier de la franchise du Tennessee (plusieurs scoreurs à œillères comme leaders et peu de discipline de jeu) pourrait le pousser dans cette voie. Si le jeune Grizzly est effectivement parachuté en meneur, il aura en charge la conduite de cette équipe et la responsabilité de sa tenue, notamment face aux médias avec qui il entretient déjà une relation touffue. Or, s’il veut que son équipe ait une chance de gagner, il n’aura d’autre choix que de servir les autres et particulièrement le trident monomaniaque du scoring, AI, Z-Bo et Gay. Et sinon, il comprendra bien vite (enfin j’espère) que quatre shoot-first players dont un positionné à la mène, ne peuvent pas cohabiter sans que les résultats de l’équipe en pâtissent (et ça les défaites, Mayo il aime pas). Cet altruisme forcé mais consenti et fondé sur la compréhension du jeu et la soif de victoire aurait pour conséquence d’abattre la dernière barrière qui le sépare d’un vrai meneur.

---Le jeune franchise player ne sera jamais un pass-first point guard mais s’il parvient à alterner judicieusement actions individuelles et création pour autrui/implication de ses coéquipiers, il deviendra à n’en pas douter l’un des plus grands espoirs de la ligue à ce poste. En effet, déjà fort d’une technique offensive digne des tous meilleurs arrières de la ligue, l’ancien Trojan dispose aussi d’une combinaison de qualités physiques hors normes pour un meneur. Grand (1,93 m), athlétique et assez rapide, il est beaucoup plus puissant et tonique que la plupart des point guards NBA. Comment voulez-vous stopper un joueur qui peut vous shooter sur la tête avec succès ou vous enfoncer pour s’ouvrir un chemin au panier ou provoquer des fautes ? Trop grand, trop puissant, trop bon shooteur et suffisamment rapide pour rivaliser un minimum avec les autres meneurs, Mayo serait un casse-tête létal au poste 1.

---Evidemment, rien ne dit qu’il parviendra à effectuer cette toujours très difficile transition si comme je l’imagine (et l’espère) le poste de meneur lui est un jour confié. Seulement, la dernière évolution qu’on a pu observer et la maturité dont il a fait preuve, la configuration de son équipe et la volonté d’occuper le poste de point guard qu’il semble entretenir, sont autant d’éléments qui encouragent l’espoir de le voir réussir cette transition.

---Ironiquement, la séduisante éventualité de voir OJ Mayo se muer en meneur est directement liée à la venue à Memphis d’Allen Iverson qui au grand désespoir de beaucoup de monde, n’est jamais parvenu à poser un mouchoir sur son individualisme pour devenir le phénoménal meneur que ses qualités laissaient imaginer. Grâce à ce dernier, Mayo sera peut-être le point guard qu’AI n’a jamais pu être. Plus encore, l’ancien Sixer constitue pour le jeune Grizzly un cinglant exemple de l’un de ses futurs possibles et peu souhaitables.

---Il est toujours périlleux de tenter de faire jouer un arrière en meneur mais Memphis n’a en fait pas grand-chose à perdre vu son niveau actuel et le peu de perspectives réjouissantes qui pavent sa route. Et puis, il suffit de regarder un peu plus au nord, dans le Colorado, pour penser que le jeu en vaut la chandelle.

StillBallin


8 commentaires:

Tinmar a dit…

Le soucis concernant ce repositionnement qui je l'avoue serait super efficace, c'est la confiance que met encore la direction des Grizz sur Mike Conley : il évolue encore petit à petit, mais si cette saison il n'arrive pas à franchir un cap, LE cap, je suis prêt à parier que Mayo sera point guardiser. Mais quand ? ...

Dude a dit…

Bon boulot encore une fois!

Quel joueur! Faut faire un trade a Menphis, style Gay + Conley contre un bon 5...

Tinmar a dit…

Le bon 5, ils l'ont déjà avec Marc, et accessoirement Thabeet.
Non, l'erreur, c'était d'accumuler autant de scoreurs, et ils le savaient très bien : Mayo + Gay + Randolph + Iverson ? Juste une blague ! Si en effet on doit faire un trade, ca serait pour quoi ? Un meneur passuer, ils l'ont normalement déjà avec Conley... Un grand rebondeur : Thabeet doit normalement en devenir un et Randolph en prend déjà 10... Un ailier défensif ? C'est tellement rare que personne ne voudra lacher le sien (Pietrus, Battier, Artest) !

La grosse erreur a été d'abord de faire venir Randolph : c'est pas que je n'aime pas ce joueur, mais avec déjà Gay et Mayo, il fallait plutot un intérieur à la Kaman ou même Turiaf, moins scoreur, peut etre moins rebondeur mais plus altruiste. Pour moi, même darko faisait mieux l'affaire, c'est vous dire !
Ensuite ca a été de ne pas drafter Harden ou Evans qui auraient fait l'affaire à la mène, tout en sachant mieux défendre que Conley... Mais bon, je me mets à leur place, dur d'aller en contre sens avec une décision de draft récente, et de passer à coté du peut etre futur Mutombo...

Dude a dit…

En effet Tinmar, bien vu tout ça.

Conley+Gay contre un super meneur organisateur style Calderon (+joueur complément), ils y perdraient en valeur pur mais ils gagneraient en complémentarité.

StillBallin a dit…

C'est sûr que cette équipe n'a pas été construite avec une grande pertinence et que des transferts pourraient peut-être être une solution.

Je pense quand même que cette équipe possède un certain potentiel. Avec une (bien) meilleure défense et un peu de discipline de jeu (bref, avec un excellent coach), Memphis pourrait devenir une équipe compétitive.

J'imagine bien une grosse ligne arrière avec Mayo en meneur, bien secondé par Conley, et Iverson en 2 relayé alternativement par Mayo et Rudy Gay. Ensuite, ben avec l'excellent Gasol et la pléthore de scoreurs extérieurs, il y a de quoi développer une relation intérieur/extérieur de très bon calibre et puis pour le cas Randolph, je pense que le mieux serait de faire en sorte de profiter de ses qualités de scoreurs sans permettre à ses défauts de plomber l'équipe: le confiner dans un rôle de finisseur, c'est à dire ne lui filer la gonfle uniquement lorsqu'il dans une de ses bonnes positions.

Mais bon, hein, vous savez ce qu'il en est du potentiel.

StillBallin a dit…

Oh, je viens de voir le dernier message de Dude et je vais y répondre:

Mais nooon!!! Moi je veux Mayo en meneur!!

Mais si tu préfères le garder en arrière shooteur, c'est une option intéressante mais tu risques d'être un peu juste sur le poste 3 où il n'y aurait plus que les rookies Sam Young et DeMarre Carroll. Et puis il faut pas se planter sur le meneur gestionnaire parce qu'il en aura du monde à gérer.

Anonyme a dit…

Excellent post mayo a clairement un avenir extraordinaire au poste de meneur.
S'il veut vraiment s'en donner les moyens comme Billups l'a fait sur le tard.

D'ailleur Billups pourrait vraiment ressembler en tout point a Billups avec des qualités athlétiques en plus et le coté gestionnaire en moins(pour l'instant).
Il ne peut le faire seul ,on doit lui révéler ce potentiel et l'aider.

StillBallin a dit…

Ben je lui dirais quand je le verrais.

Et puis est-ce que les Grizz pensent vraiment à le mettre à la mène comme ils le disent de temps en temps? On verra.