04 décembre 2008

La victoire US aux JO va-t-elle impulser une nouvelle tendance ?


Cette article date un peu, je l'ai écrit un peu après les Jeux Olympiques mais je n'ai pas pu le publier au moment voulu. Je l'ai gardé au chaud jusqu'à maintenant et j'ai décidé de le sortir aujourd'hui (à quel titre? aucun, je fais ce que je veux). Enjoy.


--La team USA nous a régalé, y'a pas à dire. Un match de folie en finale, une vrai lutte pour la médaille d'or. Personne ne peut dénier aux américains d'être meilleurs. D'ailleurs, cela n'a jamais été contesté, même après les débâcles des étés internationaux précédents. Sauf que cette année, ils ont gagné. Comme s'ils étaient parvenus à réconcilier le talent sur le papier et le talent sur le terrain.

--Ainsi, et de façon presque étonnante, la clé de la victoire des américains a été le plan de jeu qu’ils ont déployé sur les parquets de Pékin. Un jeu bien moins sophistiqué que celui de leurs rivaux espagnols, argentins ou grecs (parfois) mais que personne n’a réussi à déjouer. Ce style de jeu s’est montré dévastateur car il s’est appuyé sur les points forts des américains, le talent offensif individuel, la dimension athlétique et la densité du banc, lesquelles sont à ce jour inégalés dans le monde.

--En défense, Leurs exceptionnelles capacités physiques et la profondeur de leur banc leur a offert l’opportunité de développer un large pressing (demi, voire trois quarts du terrain) durant la quasi-totalité du match (!). Une press agressive et précise que la vitesse et la puissance des joueurs de la bannière étoilée a rendu très difficile à surmonter, causant de nombreux dégâts physiques et mentaux (plutôt frustrant de ne pas pouvoir faire deux dribbles après la ligne médiane, non ?) chez la suffocante opposition. En plus d’annihiler toutes velléités offensives adverses, cette défense a provoqué une ribambelle de pertes de balle multipliant ainsi les opportunités de contre-attaques, aspect du jeu dont les ricains sont friands et dans lequel leurs capacités physiques et leur aisance à attaquer le cercle trouvent à s’exprimer en toute liberté (même en Chine).

--Le jeu d’attaque US, quand à lui, reposait essentiellement sur la capacité d’attaque des individualités, sauf qu’au lieu de s’enfermer dans la stricte et stérile logique du un-contre-un qui revient souvent à s’empaler sur la défense, les américains ont combiné leurs facilités naturelles de débordements et d’attaque du panier à un altruisme salvateur. En effet, les drives frénétiques couplés à une bonne et rapide circulation de la balle ont permis de créer des brèches dans la défense, de libérer des joueurs ou des espaces et d’offrir des positions ouvertes ou plus fréquemment des opportunités d’attaquer le cercle. Ainsi, en se glissant intelligemment dans les intervalles, des joueurs comme James ou Wade ont pu recevoir le cuir suffisamment proche du cercle -parfois dans la course- et avec une opposition suffisamment esseulée ou déstabilisée pour faire parler leur aisance tant physique que technique à attaquer le panier (pour preuve, jetez un coup d’œil aux pourcentages de Wade). Lancée ainsi sur orbite, la supériorité athlétique des fils de l’Oncle Sam ne pouvait dès lors qu’être difficilement contenue par les défenses adverse, lesquelles l’ont subit de plein fouet.

--D’ailleurs, on a pu remarquer que les écœurantes qualités athlétiques américaines leur permettaient aussi d’être très présent aux rebonds offensifs (des intérieurs aux arrières), comblant ainsi en partie les lacunes aux shoots entrevues pendant une bonne partie de la compétition.

--En résumé, en défense comme en attaque, le jeu des USA est construit de sorte à toujours placer ses joueurs en situation d’avantage par rapport à l’adversaire.

--De plus, ce jeu a permis aux américains de minimiser leurs carences aux shoots et sur jeu placé. Le flot de contre-attaques a limité le ralentissement du jeu et la mise en place du jeu sur demi-terrain, et même lorsque les USA se retrouvait dans cette situation, la circulation de balle et les prises d’intervalles leur permettait d’installer un simili jeu de transition comme je l’ai expliqué un petit peu avant. Du coup, la Redeem Team n’a pas eu besoin d’être très efficace à longue distance et on a rarement vu un joueur américain forcer un tir lointain.

--Le plan de jeu de la sélection US était simple et pourtant diablement efficace, à un tel point qu’on pourrait se demander si il ne fera pas des émules. Ce modèle faisant appel à un type de joueur, très athlétique avec une grande capacité à attaquer le cercle, qui prolifère dans chaque coins des Etats-Unis, on peut facilement imaginer qu’une équipe décide de rassembler une douzaine de joueurs de ce profil (faciles à dénicher, donc) et d’appliquer les plans de la team USA. Les résultats ne seront certainement pas aussi probant que ceux de la Redeem Team (Kirk Snyder n’est pas Dwyane Wade) mais je gage que cette escouade serait plus dangereuse que ne l’ont été Miami ou Minnesota cette année.

--Un tel modèle serait facile à instaurer en NBA tant les qualités athlétiques et le talent sur un-contre-un sont des facultés communes aux américains. Verrons-nous les Grizzlies instaurer un tel jeu, eux qui n’ont jamais réussi à trouver une identité sur le terrain et qui ont pourtant conservé le même entraîneur ? Leur configuration s’y prête avec les talentueux et athlétiques Gay, Mayo, Arthur, Conley, Crittenton, Lowry et Warrick ; les dirigeants n’auraient qu’a à y ajouter quelques athlètes pour avoir une rotation suffisamment profonde et installer l’indispensable press « no oxygen » défensive.

--Possédant déjà plus de talent et de matériel, Chicago pourrait admirablement appliquer ces consignes. Une défense vive, dense et oppressante ne serait pas difficile à mettre en place avec Rose et Hugues à l’arrière et Noah et Thomas dans la peinture tandis que l’attaque made in Redeem Team exploiterait parfaitement les qualités du n°1 de la draft (que l’on embêterait plus avec sont shoot déficient) ainsi que celles du peut-être un jour futur Amare Stoudemire, Tyrus Thomas. Sans parler du mobil Noah, du talentueux Deng et du scoreur Gooden.

--Un pareil idéal pourrait aussi être appliqué en Europe, en France par exemple, où monter une telle formation serait plutôt aisée. 75% des américains disponibles sur le marché possèdent le profil recherché, ajoutez-y des Bokolo, Gradit, Antoine Mendy, etc, et vous vous retrouvez avec une équipe compétitive sans sortir trop de liasses. D’ailleurs, l’équipe de France (grosses qualités athlétiques et défensives, mais pas de shoot ni de capacité à bien jouer sur jeu placé) est taillé pour suivre ce mouvement.

--L’efficacité de ce système tout comme la facilité à trouver les joueurs nécessaires à sa mise en place pourrait pousser bons nombres de clubs à l’adopter et nous verrons peut-être une « invasion » semblable à celle que l’Europe a connu après le succès de Bozidar Maljkovic en Euroligue avec Limoges et de son style de jeu tout en contrôle, en défense et en lenteur (ne vous inquiétez pas, cette période est passée).

--Néanmoins, la réussite d’un tel jeu est loin d’être accessible avec autant d’aisance que de trouver des athlètes forts attaquants. En effet, si le team USA a si bien réussi c’est parce que les joueurs faisaient preuve d’un état d’esprit irréprochable: solidaires et appliqués sur l’ensemble du match, constamment agressifs et concentrés en défense, altruistes et malins en attaque. J’ai dit que le jeu entrevu cet été avait recours aux caractéristiques premières du basket américain mais leur utilisation doit être tout autre que celle qui sévit habituellement dans les contrés de l’Oncle Sam (je caricature un peu, c’est vrai).

--Traditionnellement, le un-contre-un est purement individuel. Ici, c’est la circulation de balle et le jeu sans ballon (la prise d’intervalle) qui permettent la mise en place efficace du un-contre-un. La défense comme l’attaque est dans ce système une question d’altruisme mais aussi de sacrifice (ne jouer qu’une vingtaine de minutes par match, cramer son énergie en défense), éléments que l’on ne retrouve que rarement chez les jeunes américains. La cohésion et la discipline sont des ingrédients nécessaires à l’application de ce plan de jeu, or le talent les qualités physiques sont parfois (parfois souvent) étranger à ces deux concepts (veuillez s’il vous plaît vous référer à Zach Randolph et Ricky Davis). Car c’est bien la notion d’équipe qui est la pierre angulaire de ce plan de jeu.

--Ainsi, certains pourraient croire que la prolifération de ce style signerait la mort du jeu construit, des fondamentaux et de la technique et signifierait la réhabilitation des bondissants dunkers à la tête creuse comme Darius Miles, Kwame Brown ou Gerald Green. Toutefois, comme je l’ai signalé un petit peu plus haut, les qualités athlétiques et d’attaque du cercle ne sont qu’une partie des atouts pour instaurer le jeu estampillé Redeem Team. Le sens du sacrifice et l’altruisme comme l’intelligence du jeu (faire la passe au joueur qui est en meilleur position, chercher les intervalles, reconnaître une situation de supériorité) sont tout autant d’éléments indispensables à l’efficacité de ce modèle.

--Toutefois, il est très probable qu’en conséquence, la formation américaine campe sur ses habitudes de s’attacher à faire progresser ses ouailles seulement dans le domaine physique et dans celui des duels, délaissant les fondamentaux et le shoot (d’ailleurs, un scénario semblable pourrait aussi se produire en Europe et notamment en France). Comme avant. Sauf que dans cette hypothèse, les aptitudes physiques et le talent offensif serait maîtrisés et canalisés afin de s’exprimer dans un contexte réfléchi et collectif. Avec ce modèle, la basket américain a trouvé la parfaite issue de secours au carcan dans lequel s’est fourré leur politique de formation.

--Si cette hypothèse se confirme, le monde du basket sera à nouveau scindé en deux alors que les deux pôles, NBA et Europe, ne faisait que se rapprocher jusqu’à maintenant. Toutefois, la différence sera cette fois purement sportive opposant simplement deux styles de jeu comme la finale des jeux Olympiques entre les Etats-Unis et l’Espagne nous en a offert un avant-goût. Plutôt alléchant.

StillBallin

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