16 mai 2008

Special Guest - StillBallin présente "Draft 2008, Beasley / Rose, qui sera le N°1 ?"

(Article proposé par un chroniqueur indépendant invité sur ce blog, StillBallin.)

Posséder le premier choix de draft signifie pouvoir choisir un joueur parmi les plus gros espoirs qui se déclarent prêt à faire le grand saut en NBA.

Imaginez qu’on vous ouvre les portes de la plus grande pâtisserie du monde, que s’étalent devant vous des dizaines d’étalages surchargées de douceurs confectionnées par les plus grands maîtres et qu’on vous propose d’en prendre une. N’importe laquelle. C’est un peu à ça que seront confrontés les dirigeants de la franchise qui aura décroché le premier choix de draft. Eux aussi baveront devant ce qui leur sera offert, chancelant devant la multitude de possibilités et hésitant devant chacune des friandises présentées.

Le premier choix de draft peut parfois être la première pierre de l’ascension au sommet d’une franchise (Tim Duncan, Shaquille O’Neal, Hakeem Olajuwon, Lebron James en sont de bons exemples) mais encore faut-il choisir le joueur qui sera effectivement capable de porter son équipe jusqu’à ces sommités. Cela n’a pas toujours été le cas. Kwame Brown, Michael Olowokandi et d’autres portent encore les marques de ces espoirs déchus.

Deux joueurs aiguisent plus que d’autres les appétits des Generals Managers. Le bestial Michael Beasley et le Robin des Bois des parquets, Derrick Rose.

Michael Beasley a longtemps été considéré comme l’unique candidat au premier strapontin. Cet ailier fort de 19 ans est certainement le plus grand attaquant parmi les joueurs disponibles et peut-être même, parmi une grosse partie du contingent NBA. Il peut scorer de n’importe où après la ligne des 3pts, quelque soit l’opposition qui lui fait face (prise à deux, à trois), et cela avec une facilité déconcertante. Il a fait exploser tous les compteurs en NCAA alors qu’il ne s’agissait que de sa première année à ce niveau.

Cependant, de plus en plus d’observateurs pensent le meneur de Memphis University capable de lui ravir la première place. En effet, Derrick Rose a mené son équipe en finale du tournoi NCAA avec un brio qui en a soufflé plus d’un, allant même jusqu’à chambouler les plans de certains.

Voilà les armes que vont user ces deux joueurs lors de ce duel. Une effrayante aisance à scorer d’un côté contre une impressionnante capacité à élever le niveau général de son équipe de l’autre.

Beasley est absolument inarrêtable en attaque. Quoiqu’il arrive, il marquera au minimum une vingtaine de points et cela n’importe comment, de n’importe où (sauf à 3pts même s’il peut devenir une menace à cette distance). A 19 ans, son physique, fabuleuse combinaison d’envergure, de jump, de vitesse et de puissance font déjà suer bon nombre de NBAers. La désormais ancienne terreur de Kansas State ajoute aussi à ces qualités de marqueur une capacité exceptionnelle à prendre des rebonds, notamment offensifs (4,0 par match).

Comme si cela ne suffisait pas, il possède une très grande confiance en lui et fait preuve d’une agressivité hors du commun (jusqu’à en devenir intimidant paraît-il). Ces caractéristiques constituent une vraie assurance quant à sa capacité à s’imposer dans la ligue.

Son impact immédiat en NBA ne fait aucun doute, cependant, quelques zones griffonnées au feutre rouge émaillent les rapports des scouts à son sujet.

Certains pensent que sa taille s’approche plus des 6 pieds 8 pouces (2,03m) que des 6-9 annoncés (2,06m). Cela peut-être gênant face à certains joueurs de grande taille comme Nowitzki ou Garnett mais son talent (et sa confiance en lui) est de taille à se mesurer à ces Goliath. En réalité des observations beaucoup plus graves figurent sur son casier basketballistique.

Comme l’on peut s’y attendre d’un joueur capable de marquer chaque fois qu’il touche le cuir, Beasley est un joueur individualiste. Même avec deux ou trois joueurs accrochés à ses épaules, il choisit systématiquement le shoot plutôt que servir un joueur ouvert. En NCAA, il parvenait à ses fins, mais il n’en sera pas toujours de même en NBA. D’ailleurs, de façon générale, il a plutôt tendance à prendre de mauvaises décisions.

Dans cette situation, deux possibilités : soit il persiste, marquera ses vingt points à un pourcentage moyen et perdra le match avec la même régularité, soit il prend du plomb dans la tête, comprend que dans certains cas, il est plus efficace de faire une passe et à ce moment-là, Beasley deviendra un joueur littéralement instoppable. Et oui, peut-être que certains en doutaient encore, mais le talent et le physique ne font pas tout. Nous y reviendrons.

Autre gros point noir, la défense. Le petit Michael a les capacités physiques pour être un bon défenseur, seulement, il ne fait pas les mêmes efforts en défense que ceux qu’il déploie en attaque. Ceci impliquant cela, son niveau de ce côté du terrain est à peine correct.

Mais en réalité, la majorité des inquiétudes des observateurs se concentrent sur son attitude. Comme souvent lorsqu’il s’agit de joueurs très talentueux, Beasley collectionne les critiques sur son éthique de travail et sa volonté d’être meilleur. D’ailleurs, sur le terrain, il fait parfois preuve de déconcentration et peut même paraître fainéant.

Cela est souvent le cas pour les joueurs très doués pour qui le jeu paraît si facile qu’ils s’autorisent ces quelques vagabondages et se permettent de ne s’appuyer que sur leur talent, sans jamais le forcer.

Il a hérité de ce manque de maturité une réputation de joueur indiscipliné et incoachable mais quelques signes d’amélioration laissent entrevoir un avenir un peu plus doré (de quel côté de la force va-t-il tomber ?).

Ce manque de maturité peut être dépassé (notamment par la bienheureuse intervention d’entraîneurs ou de vétérans aux moyens de quelques coups de pieds bien sentis et bien placés). Si cela est le cas, Beasley peut devenir l’un des ailiers forts les plus dominants de la ligue, si ce n’est le plus dominant.

Je n’ai pas fini. A l’heure où San Antonio et Detroit font peur années après années, où Steve Nash a été deux fois MVP et où Kobe Bryant a du attendre de faire jouer ses coéquipiers pour recevoir cette distinction, Beasley ne paraît pas être capable d’élever le niveau de jeu de ses partenaires (élimination rapide de son équipe au tournoi NCAA). Pire encore, sa mentalité individualiste est peut-être calculée. En effet, comment peut-on expliquer qu’un tel phénomène ait choisi la moyenne faculté de Kansas City ? Certains disent que c’est pour qu’il puisse amener au succès une équipe de faible standing. Si c’est le cas, c’est un échec.

D’autres, beaucoup plus cyniques, pensent que Beasley a agit ainsi afin d’être la pierre angulaire de l’équipe sans qu’aucune contestation ne soit possible et qu’il puisse ainsi briller tranquillement (entendez faire des stats) avant de faire le grand saut en NBA.

Prendre Beasley, c’est s’assurer 25 pts et 9-10 rbs de moyenne en carrière mais cela ne signifie pas que ces stats s’accompagneront d’une bague de champions. Si beaucoup d’espoir pèse à juste titre sur ce grand gaillard de 19 ans, un spectre se dessine sur un mur au fond de la salle. Celui de Derrick Coleman.

Derrick Rose est un peu l’anti-thèse de Beasley. Si le « Sentenza » de Kansas State se démarque par ses qualités individuelles, Rose, lui, se distingue par sa capacité à avoir un vrai impact général et bénéfique sur son équipe.

Au-delà de ses incroyables qualités athlétiques (pourquoi croyez-vous que le boss de la NBA, David Stern, pense de plus en plus à organiser des matches à ciel ouvert ?), le joueur de Memphis est d’ores et déjà un véritable meneur de qualité. Il sait diriger une équipe, rendre meilleur ses partenaires, possède une excellente vision de jeu et prend souvent les bonnes décisions. La totale, quoi.

Cela est d’autant plus impressionnant lorsque l’on sait que ces caractéristiques n’étaient pas présentes dans les rapports des scouts deux ans auparavant. Cette aptitude à progresser, simplement expliquée par le fait qu’il montre une vraie volonté d’apprendre et qu’il est à l’écoute de ses entraîneurs, est une des particularités qui font de lui un joueur sur lequel on peut compter tant pour le présent que pour l’avenir. D’ailleurs, cette capacité à progresser s’exprime dans tous les aspects de son jeu.

Toujours dans ce sens, Rose fait preuve d’une très bonne attitude en général, mais particulièrement sur le terrain. S’il n’est pas très vocal, la sérénité qu’il dégage (qualité essentielle pour un meneur) combinée à l’intensité permanente dont il fait preuve font de lui un parfait leader par l’exemple.

A cela, on peut ajouter qu’il fait partie de cette catégorie très prisée de joueurs décisifs qu’on appelle clutch players. En effet, Rose a démontré qu’il pouvait élever son niveau de jeu lorsque l’adversité l’y obligeait et qu’il ne craignait pas de se charger des possessions dans le crunch time.

Toutes ces qualités font de lui le parfait meneur-leader dont rêvent tous les coachs et sur lequel on peut construire une équipe taillée pour le titre.

Mais cela n’est pas tout. Rose, contrairement à Beasley, est un défenseur acharné capable de littéralement annihiler son adversaire direct comme il l’a fait pendant le tournoi NCAA face à des meneurs cotés comme Darren Collison ou D.J. Augustin. Lorsque l’on connaît l’importance des meneurs dans n’importe quel dispositif, cette capacité peut s’avérer des plus décisives.

Son intensité est d’autant plus admirable qu’il la délivre des deux côtés du terrain. Ses qualités athlétiques qui lui permettent de se frayer un chemin jusqu’au panier, et ses talents de finisseur font de lui une menace offensive permanente qu’il ne faut en aucun cas négliger. Très bon scoreur à proximité du panier, il doit quand même progresser aux shoots à plus longue distance. Cependant, étant un joueur intelligent, il sait minimiser sa faiblesse et ne prend la plupart du temps que des tirs ouverts ou, alors, il profite des période où il est en rythme dans cet exercice.

Plutôt grand (1,91m), il peut poster n’importe quel meneur, cependant, sa puissance et son intensité font que sa technique est souvent sous utilisée (et donc moins aboutie). Ces atouts-là qui lui permettaient de dominer son vis-à-vis en NCAA pourraient ne pas être suffisants en NBA. Mais, sa capacité à progresser laisse supposer que cette carence, comme le shoot, sera rapidement gommée.

D’autres aspects du jeu doivent encore faire partie de ces objectifs de progression. Il doit encore apprendre toutes les subtilités du poste de meneur notamment l’exécution du système vedette en NBA, le pick-and-roll. Aussi, Derrick Rose semble être moins efficace sur jeu posé, sur demi terrain que sur un jeu up-tempo. Le coach qui le sélectionnera devra avoir ça en tête lorsqu’il établira ses plans de jeu.

Enfin, Rose a parfois la mauvaise habitude de se laisser porter par le jeu et il ne domine pas autant que ce que lui permettraient ses qualités.

Agé de 20 ans seulement et son attitude aidant, il est capable de surmonter ces lacunes et de devenir ainsi l’un des meilleurs meneurs de la ligue. Mais surtout, Rose est potentiellement le type de joueur capable d’amener son équipe au succès final (il a presque réussi avec Memphis en ne s’inclinant qu’en finale face à Kansas University après avoir éliminé Texas et UCLA). Dans l’hypothèse la plus pessimiste, il restera un meneur titulaire de qualité, porté par ses qualités athlétiques et son altruisme.

Ces deux joueurs diamétralement opposés seront certainement premier et second de la draft 2008. Cependant, il reste à savoir dans quel ordre. Personnellement, je choisirais Derrick Rose. D’abord parce qu’un apport collectif est toujours plus productif qu’un apport individuel et ensuite parce que à l’image de New Orleans, Utah, Detroit (et San Antonio), il est souvent plus bénéfique de construire une équipe autour d’un meneur talentueux. Construire une équipe autour de Rose et bâtir un collectif avec lui sera bien plus aisé qu’avec Beasley.

Néanmoins, il ne faut pas oublier que Beasley possède le potentiel pour devenir un joueur vraiment dominant dans la ligue et que son apport statistique sera immédiat. Laisser passer un tel phénomène serait presque un crime. Je pense qu’une franchise possédant les moyens d’encadrer le petit Michael (personnalité du coach et des vétérans) et de le faire évoluer pourrait le sélectionner sans jamais le regretter.

Cependant, il ne faut pas réduire Derrick Rose à son apport à l’équipe. Lui aussi possède le potentiel pour dominer, mais surtout pour dominer efficacement (c'est-à-dire avec une victoire au bout) et puis sur l’ensemble du jeu qui plus est.

Aussi, il présente un meilleur rapport niveau actuel/potentiel car même s’il n’évolue pas du tout, il restera un meneur très solide. Tandis que Beasley, lui, peut devenir dans la pire hypothèse un joueur à l’impact négatif (Zach Randolph’s tribute).

Dans tous les cas, cette cuvée 2008 s’annonce très prometteuse, et la franchise sur qui le divin doigt de Stern sera tombé pourra dès à présent se retrousser les manches, nouer une serviette autour de son cou et prendre rendez-vous avec son médecin pour une future indigestion.

Article de StillBallin.


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