Paul Pierce et Kevin Garnett restent, à plus de 35 ans bien tassés sur leurs articulations, d'excellents joueurs et de véritables leaders. Mais on sent bien que les Celtics commencent à trop tirer sur une corde déjà effilochée. La mélodie qui en sort est toujours douce à entendre mais elle sonnera vraisemblablement plus au sommet des charts.
On aimerait pouvoir laisser ces légendaires et vénérables musiciens tirer tranquillement leurs révérences sous le maillot vert en nous gratifiant de quelques derniers concerts feutrés dans l'intimité d'une petite salle de quartier. Mais ce n'est pas possible. Les Celtics ont aussi dans leurs rangs un superbe meneur dont les meilleurs années frappent à la porte, et ils ne peuvent pas se permettre de les gâcher dans le valeureux et lent déclin de Garnett et Pierce, ni dans la reconstruction qui suivra. Car au-delà de risquer de laisser passer les meilleures années de Rondo sans pouvoir se battre pour le titre, ils risqueraient aussi de le perdre à la fin de son contrat, en 2015.
C'est notamment, je pense, la raison qui pousse le GM Danny Ainge à envisager le transfert des deux vieux piliers au risque de taillader l'aura de cette fantastique franchise et le cœur de ses tout aussi merveilleux fans. Vendre son âme pour pouvoir saisir le plus de chances possibles de décrocher un trophée, comme un toxicomane donne sa dignité pour quelques grammes de plus.
Etait-on obligé d'en arriver là? Bien sûr que non. Comme dans toutes les destinées tragiques, la trajectoire de Boston a été jalonnée d'opportunités et de porte de sortie devant lesquelles la franchise est passée sans s'arrêter. L'été 2012, plus précisément, a été le carrefour où tout a basculé. Et où tout aurait pu basculé dans l'autre sens.
Cette malheureuse intersaison commence pourtant plutôt bien. Les Celtics ont deux choix de draft d'affilés au premier tour, à la 21ème et à la 22ème position. Ils se serviront du premier pour cueillir un prospect calibré pour le top 10, Jared Sullinger, et le second pour sélectionner un prometteur pivot défensif, Fab Melo. Choisir Sullinger était une évidence que les autres franchises avant eux ont eu peur de reconnaître et Fab Melo, ma foi, était à mon avis un excellent pick. Le grand brésilien n'a pour l'instant rien montrer qui soutenait cela mais il a le potentiel d'un titulaire et au prix où sont les pivots simplement utiles, ça valait le coup d'utiliser un modeste choix de draft pour en prendre un qui rejoindra peut-être cette caste.
Quelques semaines après, Boston balançait un sympathique contrat d'environ $12 millions par an jusqu'en 2015 à Kevin Garnett, son vieux général encore en état de donner des leçons aux jeunes lourdement armés. Je n'oserai pas dire que la somme est un peu élevée, étant donné l'apport qui va bien, bien au-delà des statistiques, du guerrier couturé de cicatrices. Mais je pense qu'il y avait peut-être une possibilité de réduire ces émoluments lors des négociations. Garnett, qui a touché plus d'argents que quiconque au cours de sa carrière, n'aurait-il pas accepter de prendre moins de billets si on lui avait expliquer avec des étoiles plein les yeux que cet argent supplémentaire aurait permis d'aligner de meilleurs éléments à ses côtés et de lui offrir encore quelques chances de rafler ce trophée qu'il n'a caressé qu'une seule fois dans la longue carrière?
Les agents de joueurs, premier et vraisemblablement dernier interlocuteur sur ce type de questions, étant ce qu'ils sont c'est peut-être ce qu'a tenté la franchise du Massachusetts sans rencontrer l'écho espéré en retour. Alors très bien, acceptons ce contrat de 12 millions pour celui qu'on appelait "Da Kid" naguère. Ce n'est pas là que je ciblerais les erreurs de Danny Ainge.
Le même jour, le General Manager négocie un contrat à plus de $6,5 millions l'année à Brandon Bass. Le tonique power forward sortait de très jolis et assez inattendus playoffs mais cette somme était un peu lourde pour un joueur à l'impact pas toujours au rendez-vous et pas vraiment à l'aise en défense. Plus encore avec la toute fraîche arrivée de Jared Sullinger, moins cher et plus prometteur. Mais plus que le rapport entre le joueur et le salaire, c'est la simple présence de ce contrat qui pose problème. Celui-ci -en addition d'autres du même type- risque d'interdire à Boston la possibilité de recruter des joueurs de plus grands standings. Nous y reviendrons.
Quatre jours après, nous apprenions la signature de Jason Terry. Le lieutenant de Dirk Nowitzki était arrivé en fin de contrat à Dallas et il remplissait parfaitement le creux de shooteur portant l'arrogance et la fierté de ceux qui ont triomphé par leur talent et leurs combats qu'avait laissé Ray Allen en partant. Même si ce n'est que le fantôme de Terry que nous avons observé toute l'année sur le parquet bordé de vert, il n'y a rien à redire sur la décision de Boston de le recruter. Il avait le profil parfait et sortait d'une très bonne saison comme à son habitude. Et surtout, il avait la faim de ceux qui ont déjà connu le goût du titre et qui depuis cherche par tous les moyens à y goûter de nouveau. Sa faillite n'était pas vraiment prévisible.
L'erreur n'est pas dans la décision de recruter Jason Terry mais dans celle de lui offrir un contrat de plus ou moins 5 millions l'année jusqu'en 2015. Cinq millions n'est pas fondamentalement une très grosse somme pour un joueur du calibre de l'ex-Mavs -enfin, du joueur qu'il était au moment de sa signature- mais ce n'est pas négligeable non plus. Et trois ans de contrat pour un arrière de 35 balais, c'est toujours un risque. Par dessus tout ce contrat, plutôt inoffensif en lui-même, est devenu l'une des pièces d'un puzzle malheureux.
Une autre pièce de ce puzzle au goût amer est venu se joindre à celle-ci deux jours plus tard. Dans un sign-and-trade, les Celtics ont embarqué sur leur bateau Courtney Lee. J'aime bien ce joueur, bon shooteur, défenseur investi et fort d'un véritable esprit d'équipe. Mais les Greens venaient de recruter Terry sur ce poste, poste pour laquelle ils avaient déjà Avery Bradley, défenseur/shooteur comme Lee. Le jeune Bradley était certes blessé pour plusieurs mois mais Courtney Lee a été signé pour quatre ans, pas pour quelques mois. A hauteur de 5 millions l'année, là aussi. Pas excessivement cher pour le joueur qu'il était au moment de sa signature -lui aussi n'a trouvé qu'un reflet de lui-même dans le Garden- mais rien de négligeable encore une fois. Et sûrement 5 millions de trop pour me troisième arrière shooteur de l'équipe.
Un mois après est venue la prolongation du contrat de Jeff Green pour 9 millions mais avant ça je voudrais demeurer un petit instant de plus avec les deux contrats que je viens d'évoquer, simplement pour demander : n'aurait-il pas mieux valu mettre cet argent sur OJ Mayo? En plus d'avoir le profil adéquat (shooteur de talent, jeu sans ballon et même de la défense), le jeune arrière est un vrai scoreur, facilement envisageable en troisième menace offensive. Obtenu à petit prix par Dallas (5 millions pour un contrat d'un an avec une année optionnelle de plus), j'ai du mal à imaginer Boston ne pas être capable de ravir l'ancien Grizzly à n'importe qui, que ce soit en mettant un peu plus d'argent sur la table, un peu plus d'années sur le contrat ou par la simple perspective de lui offrir une place de titulaire au sein d'une équipe respirant la culture de la victoire et toujours susceptible de faire les 400 coups en playoffs. Contrairement au vieillissant Terry ou au role player Courtney Lee, Mayo aurait été une bonne affaire à 5-6 millions, tant dans l'immédiat qu'à moyen terme. Du sang suffisamment frais, talentueux et complémentaire pour compenser le déclin des anciens. Et ne me dîtes pas que personne ne pensait que Mayo pouvait atteindre ce niveau après ses derniers temps difficile à Memphis et avant de gambader dans le Texas.
Mais écartons cette réalité faite de songes et de souvenirs pour revenir à celle qui est. Après avoir recruté Jason Terry et Courtney Lee, les Celtics ont glissé un contrat à $9 millions l'année sous la porte de Jeff Green, pourtant décevant depuis son arrivée sur la cote Est, sortant d'une année blanche en raison de problème de cœur (définitivement réglé) et évoluant sur des postes plus ou moins déjà occupés. J'ai trouvé cette décision stupide. Pour les raisons que je viens d'évoquer, parce que j'aurai eu du mal à donner cette somme au Green d'Oklahoma City et parce que vu sa situation, je suis persuadé qu'il aurait accepté un contrat beaucoup moins volumineux. Agent ou pas agent. Je ne pense pas que le combo forward était en position de négocier quoique ce soit.
Aujourd'hui et après une saison complète marquée par la longue blessure de Rajon Rondo et l'émergence d'un Jeff Green à un niveau de jeu (et à un jeu tout court) inédit. Alors Green rentabilise donc peut-être bien son contrat. Peut-être. Personnellement, j'attends de voir quel sera son rendement sur la durée. Mes paroles ne sont peut-être que le venin d'un chroniqueur vexé d'avoir été à ce point pris par surprise par l'ancien étudiant de Georgetown mais je me demande si ces formidables performances ne sont pas qu'un feu de paille. Green a sûrement profité de l'effet de surprise face aux défenses adverses et d'un élan de confiance que l'équipe lui avait donné parce que de toute façon, celle-ci n'avait plus personne d'autres vers qui se tourner et qui s'est à mon avis auto-alimenté par ses propres exploits. Green a marché sur un nuage mais ce nuage ne le portera pas longtemps. Son nouveau jeu fait drives prévisibles et de lay-up en déséquilibre qui illogiquement rentraient systématiquement, ne me paraît pas tenir la route sur la durée et face à des défenses plus concentrées. Enfin, c'est l'impression que j'ai. Je ne serai pas contre de me tromper. Il était pas désagréable à voir jouer ce Green vif et élancé qui semblait être tiré vers le cercle par un fil, et le ballon dans le panier avec le même artifice de prestidigitateur.
Critiquer ce contrat reste donc malgré tout assez difficile aujourd'hui. Sauf si on l'imbrique dans le puzzle maudit que j'ai évoqué peu avant. La principale erreur de Boston à mon avis est d'avoir joué petits bras et de ne pas avoir remarqué qu'il y avait une possibilité de recruter des all-stars -et même un futur Hall of famer- à la place de tous ces joueurs. Car si la franchise avait mieux calculé son coup, elle aurait aujourd'hui la place sous le salary-cap pour convoiter avec confiance Josh Smith, Paul Millsap, Al Jefferson ou évidemment Dwight Howard. Même pas la peine d'y penser maintenant. OJ Mayo qui sera encore vraisemblablement disponible cet été aussi mais à un prix plus élevé désormais inabordable pour une franchise de Boston à sec, alors qu'il ne vaudra que 2 ou 3 valises de plus. Tyreke Evans sera également certainement disponible aussi mais là encore, la maigre mid-level exception (environ 4-5 millions) constituant leur seule enveloppe budgétaire utilisable des C's ne devrait pas être suffisante.
Actuellement, Boston dépasse allègrement le salary-cap. Mais enlevez les contrats de Brandon Bass, Jason Terry, Courtney Lee, Jeff Green et pourquoi pas un autre au moyen de l'amnesty clause (et oui, elle est encore là celle-là) et vous avez de quoi recruter un gros free agent. Alors même que Paul Pierce et Kevin Garnett n'auraient pas quitté les bords de l'Atlantique. Conserver ces gardiens du temple toujours productifs tout en trouvant de nouvelles puissantes fondations sur lesquelles appuyer des aspirations de titres revenues à la vie, n'aurait-ce pas été le rêve pour cette équipe? Une des forces de cette équipe depuis des années est son esprit particulier, alliage de don de soi, de combativité, respect du jeu et d'absence de toute peur. En réussissant à s'adjoindre une relève immédiatement prête à jouer les fiers à bras dans les hautes sphères du championnat tout en gardant Pierce et Garnett, les C's n'auraient-ils pas permis à cette nouvelle génération taillée pour une nouvelle grande bataille de baigner dedans et de se l'approprier pour les nombreuses années à venir?
Avec de la place sous le salary cap, j'ai du mal à imaginer Dwight Howard refuser de mettre son avenir entre les mains d'un coach estimé comme Doc Rivers ainsi qu'entre celles d'une équipe visant le titre comportant un meneur qui n'aime rien d'autres que de délivrer des caviars, un Kevin Garnett encore plus responsabilisé en défense que lui et un Paul Pierce toujours prêt à prendre -et à mettre- le panier de la victoire. Et si ce n'avait pas été lui, ça aurait été un quasi all-star comme Josh Smith ou Al Jefferson. Et sinon, ça aurait été l'année d'après.
Là est la clé de l'erreur de Boston. Au lieu de dépenser de l'argent sur des joueurs solides pour renforcer l'équipe, ils auraient dû l'économiser pour s'attacher un joueur majeur propre à assurer la relève des vieilles légendes et à offrir à Rondo de quoi maintenir le statut de menace de l'Est des Celtics. Les joueurs de complément, ça se trouve toujours une fois la base en place. Et même si on n'a plus les moyens d'avoirs les meilleures pièces additionnelles ou les plus adéquates, l'impact négatif sur le rendement global de la formation sera moins important que si on les a mais pas les gros joueurs autour.
Boston aurait également pu signé Terry, Lee et compagnie pour une seule année, quitte à les surpayer sur cette durée limitée. La franchise aurait joué ses chances à fond pour cette année sans risquer de plomber sa masse salariale une fois l'été venu et de faire voler en éclats ses chances de recruter un excellent free agent.
Les Celtics n'ont pas voulu prendre la peine de mettre en œuvre toute leur énergie, leurs moyens et leur patience pour s'adjoindre les services d'un joueur majeur alors qu'en y réfléchissant un petit peu, ils en avaient la possibilité. Maintenant, ils en sont réduits à envisager le transfert un brin indécent du monument qu'est Paul Pierce, vraisemblablement contre des joueurs moins bons et à peine prometteurs, ou à espérer la retraite de Kevin Garnett pour se sortir de cette impasse. La seule chose que le diable ait jamais demandé en échange des plus grands des souhaits est l'âme de celui qui l'a invoqué, c'est bien que ça doit avoir une certaine valeur ce truc-là.
StillBallin
2 commentaires:
Un article sur le trade entre Boston et Brooklyn serait sympa!
J'ai pas d'article de prévu pour ce trade principalement parce que je n'ai en fait pas grand chose à dire de plus que des trucs assez banals du genre qu'on ne verra plus les celtics qu'on a aimé ces dernières années (jeu léché, fighting spirit) et que Brooklyn a beau monter une armada, ça demandera pas mal de boulot pour gagner le titre.
Pour les Nets, je me demande notamment comment tout ça va se hiérarchiser et s'organiser, qui va prendre les commandes de l'équipe et est-ce qu'il y en aura pas qui ne se satisferont pas d'avoir un role moindre ou un peu moins la possibilité de donner son avis. Je me demande d'ailleurs si Jason Kidd arrivera à imposer sa voix devant tout ce beau monde et à faire en sorte que tout le monde suive la même ligne de conduite.Mais aussi, peut-être qu'une alchimie se créera. En fait, c'est un peu comme ce que je disais pour les Lakers en début de saison, ça peut donner un niveau de jeu impensable, faire pschit ou quelque chose de moyennasse entre les deux.
Pour Boston, je ne voulais pas qu'ils lâchent Garnett, Pierce et Rivers afin de maintenir un état d'esprit aussi intéressant le temps qu'une nouvelle génération se mette en place, état d'esprit que ces jeunes se seraient appropriés mais bon, vu que plus grand monde n'avait l'air de vouloir continuer, le mieux était effectivement de tout casser pour tout reconstruire, même si pour ça ils risquent de perdre cette force admirable qu'était cet état d'esprit.
Les C's ne repartent pas de zéro mais il faudra aboutir assez vite à une équipe compétitive pour pouvoir espérer garder Rondo à la fin de son contrat en 2015, je crois. Bon il sera toujours intéressant de le trader un peu avant cette échéance, cela dit.
Si tu veux, on en parle un peu ici, mes potos et moi: http://basket-infos.com/2013/07/01/lecho-des-parquets-retour-sur-la-draft-et-le-trade-nets-celtics/
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