14 février 2011

Où placer Rajon Rondo dans la hiérarchie des meneurs?

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---Rajon Rondo est l'un des tous meilleurs meneurs de la ligue, cela ne fait aucun doute. Passeur redoutable (il affiche la plus grosse moyenne de passes décisives du championnat avec 12,3 par match), défenseur tentaculaire, candidat permanent au triple double et contre-maître d'une équipe championne NBA en 2008 et valeureuse finaliste en 2010 qui inspire toujours la crainte malgré une moyenne d'âge canonique, le meneur des Celtics se taille une place de choix dans le gratin des point guards NBA.

---Mais où se situe-t-il au sein de cette élite? Doit-on le placer à la hauteur des deux oligarques trônant au sommet de la profession que sont Chris Paul et Deron Williams? Si on redistribuait les cartes au sein de la ligue, les chanceuses franchises qui auraient le loisir de choisir leurs joueurs dans les premiers devraient-elles se demander si Rondo ne mériterait pas autant de considérations que CP3 et D-Will au moment de piocher un meneur?

---Cette question va et vient depuis un petit moment déjà (en réalité, à chaque fois que le lutin vert sort une performance impensable), s'attirant à chaque fois des avis extrêmement divergents de la part de tout le monde et n'importe qui. Il en est ainsi parce que Rondo affiche un palmarès collectif récent beaucoup plus éloquent que n'importe quel meneur actuel hormis le vénérable et assassin Derek Fisher, qu'il est toujours sorti vivant des playoffs en les ayant parcouru de part en part et qu'il semble parfois être la raison principale de l'excellent comportement de cette équipe de Boston. Mais évidemment, cela ne suffit pas.

---Beaucoup pensent en effet qu'il est largement surestimé. Plus précisément qu'il joue quelques degrés au-dessus de son niveau réel parce qu'il profite de la présence des trois all-stars et futurs Hall of Famers, Kevin Garnett, Paul Pierce et Ray Allen. Ce n'est pas faux en soi. Mais c'est curieux de voir un joueur être rabaissé parce qu'il profite du talent de ses coéquipiers et l'exploite. Car finalement, cela n'est-il pas l'objectif du jeu collectif, faire en sorte que la valeur d'une équipe soit supérieure à la simple addition des individualités qui la compose? Il serait contraire au bon sens de se priver de la force des autres si elle nous rend meilleur, d'autant plus que cette articulation est empreinte d'une belle réciprocité: si Rondo profite de la présence de ses coéquipiers, chaque Celtic foulant le parquet profite de la présence du n°9. Là est tout l'intérêt d'un sport collectif et c'est souvent grâce à une telle synergie que les matchs sont remportés. Alors pourquoi l'ancien sophomore de Kentucky devrait-il payer le fait d'être accompagner de grands joueurs et d'en tirer un bénéfice, particulièrement si cela concourt à l'empilement des victoires? Ce serait plutôt si ce n'était pas le cas qu'on pourrait le critiquer, comme on l'a par exemple largement reproché à des individualités plus talentueuses que quiconque comme Allen Iverson ou Stephon Marbury.

---Savoir profiter des joueurs de gros calibre présents à ses côtés devrait être considérer comme une force, a fortiori si c'est réciproque. C'est même quelque chose qu'on devrait systématiquement chercher chez un meneur. De manière générale, la valeur d'un meneur devrait être mesurée par rapport à la bonne tenue de son équipe autant, si ce n'est plus, que par rapport à sa production individuelle. Peut-être doit-on aussi créditer Rondo pour les excellents rendements de Garnett, Pierce et Allen, tous les trois luttant en parallèle avec l'âge et le ricanement vicieux de leurs années passées lors desquelles en tant qu'indiscutable option numéro un de leur équipe, ils avaient autant de tirs qu'ils voulaient. Parce que mine de rien, faire tourner une équipe avec trois joueurs de cette trempe n'est pas à la portée du premier venue. A Boston, les tickets shoots sont parfaitement distribués et répartis, les tirs pris le sont souvent dans les positions de conforts de chacun, les joueurs en forme sont toujours mis en avant, etc... Certes, Rondo n'en n'est pas le seul responsable (Doc Rivers et l'intelligence des C's ont droit à leur lot de louanges) mais quand la sauce prends de la sorte, c'est difficile de dire que le meneur n'y est pour rien ou si peu.

---En affirmant que la valeur d'un meneur se mesure en partie à l'aune du rendement de son équipe, on comprend qu'il n'est pas vraiment possible de comparer deux point guards évoluant dans deux équipes différentes. A moins que ces deux chefs d'orchestre ne soient parachutés dans des formations qui sont chacune le clone de l'autre, il est difficile de dire où commence l'effet de leur playmaking sur leur équipe et où commence la production des autres membres indépendamment de l'apport du meneur.

---Ainsi, si Chris Paul et Deron Williams sont performants dans beaucoup plus de domaines que Rondo (capacité à supporter des responsabilités de scoring, shoot, lancers francs), cela ne veut pas dire pour autant que leur impact global sur le jeu est supérieur au sien. Le Celtic possède moins d'armes mais peut-être celles-ci disposent d'une telle puissance de feu (playmaking, défense,...) que même amputé, son jeu a un impact équivalent, supérieur ou plus décisif que celui qu'imprime Deron Williams ou Chris Paul avec leur arsenal complet. Peut-être aussi fait-il un tas de choses qu'on ne remarque pas et qui ont un effet positif sur le jeu. En effet, le fait par exemple de se mettre intentionnellement en retrait pour libérer les spotlights à d'autres joueurs de l'équipe plus susceptibles de faire des dégâts (selon les personnes qui défendent sur eux ou parce qu'ils sont chaud bouillants) ou pour "endormir" les adversaires et les surprendre à un moment déterminant, peut être considéré comme une contribution positive à la victoire tout autant qu'une action active (panier, passe décisive,...). Ce joueur-là qui n'hésite pas réaliser cette judicieuse mise en retrait lorsque cela peut apporter un bénéfice important à son équipe n'est-il pas un plus gros facteur de victoire qu'un joueur qui ne modifie pas sa ligne de conduite d'un iota? On a assez souvent reproché à Jameer Nelson de prendre quelques tirs de trop plutôt que de servir d'avantage Dwight Howard pour qu'on ne considère pas cette faculté à se faire discret pour le bien de sa formation comme une qualité.

---Je ne dis pas que tous ce que je viens de décrire s'applique au démon en short vert de Boston mais rien n'indique non plus que ce n'est pas en totalité ou en partie le cas. Rien de tout ça n'est vérifiable mais le fait est que Boston fait partie des équipes dominantes depuis maintenant trois ans là où Utah et New Orleans n'ont jamais été plus que des vaillants challengers. Or, on ne peut pas déterminer quelle est l'étendue de la part de responsabilité de Rondo dans la toute puissance des Verts Hargneux. Si ça se trouve, il est un facteur de victoire beaucoup plus élevé qu"on en a l'impression et le numéro 9 aurait, avec ses propres armes, amené le Jazz et les Hornets au même niveau que le font Williams et Paul actuellement si on inversait les rôles. Impossible de savoir vraiment.

---Dans ma vision des choses, la victoire est le but final et rien ne permet de dire que l'ensemble des actions, des intentionnelles non-actions et des décisions de Rondo mises bout-à-bout à chaque match rapproche moins son équipe de la victoire que ce qu'il en est pour Deron Williams et Chris Paul. C'est cet impact global ou plutôt la réponse à la question "à quel point ce joueur est-il un facteur dans la victoire" qui pour moi détermine réellement le niveau d'un joueur. Celui-ci va bien au-delà des chiffres et même de ce qu'on peut remarquer, et par conséquent, il n'est pas vraiment mesurable dans sa totalité. Donc à la question qui de Rondo, Paul ou Williams est le plus à même de faire gagner son équipe, je n'ai pas vraiment de réponse franche à donner.

---Néanmoins, je ne dirais pas que Rondo est l'égal de Williams ou Paul quand bien même je viens d'énoncer que son influence dans la victoire (ou plutôt dans le basculement du match vers la victoire) est peut-être plus importante qu'il n'y paraît et qu'en conséquence de cela, on ne peut pas affirmer catégoriquement qu'elle est moins grande que celle du Hornet ou du Jazzman. Car si je change d'angle de vue et ne raisonne pas en terme d'apport global et effectif du joueur, d'influence sur la victoire mais plutôt par rapport à ce que ce joueur est capable de faire pour remporter les matchs, Rondo est assis sur la marche en dessous de celle de des deux point guards concurrents. En effet, si leurs équipes ont besoin d'une action particulière pour faire basculer le sort de la rencontre en leur faveur, Chris Paul et Deron Williams pourront réaliser cette action précise avec une chance de réussite raisonnable, quelque soit le type d'action que cette victoire requiert. Pas Rondo.

---Si au moment où le match se joue, sa formation a besoin d'une passe bien ficelée, d'une solide présence défensive ou d'une parfaite exécution de système, il ne fera pas défaut. Mais si ce qu'elle a besoin à cet instant précis et décisif, c'est d'un panier marqué, d'un shoot ouvert rentré ou de quelqu'un capable d'aller chercher des points par son seul talent de scoreur parce que les défenses sont au maximum de leur concentration et que les autres options sont bloquées, il ne sera pas l'homme de la situation ou en tout cas, n'aura pas la fiabilité nécessaire dans ces domaines pour compter sur autre chose que la chance pour parvenir à ce dénouement favorable. Alors qu'avec Paul et Williams, toutes les possibilités que risquent d'imposer le jeu et plus particulièrement la victoire sont efficacement couvertes par leur large panoplie de basketteur.

---Donc au final, aussi fort soit-il dans les domaines qu'il maîtrise et aussi importante est sa propension à faire gagner des matchs à son équipe comme le laisse entendre les performances de Boston depuis trois ans, je ne peux pas hisser Rajon Rondo sur le même piédestal que Deron Williams et Chris Paul. Toute ma réflexion s'articule autour de l'idée que le meilleur joueur est celui qui rapproche le plus son équipe de la victoire et même si dans les faits, le Celtic est peut-être autant un facteur de victoire que les deux autres meneurs avec lesquels je tente de le comparer, sa capacité à répondre présent au moment opportun et décisif pour remporter un match, quelque soit le type d'action qui est requis, est bien moindre du fait de ses poignantes lacunes au scoring.

---Après, le jour où on pensera que malgré ses lacunes (si elles balafrent toujours son jeu) sa capacité à amener son équipe à la victoire est indiscutablement plus grande que celle de quiconque en NBA parmi les point guards, je considèrerai qu'il est le meilleur, et cela même si sa faculté à réaliser n'importe quelle action qu'appelle le jeu pour faire sienne la rencontre est toujours cruellement absente. Un peu comme Jason Kidd en 2002 qui malgré des faiblesses assez semblables à celle de Rondo (efficience offensive: le maître à jouer des Nets n'accrochait même pas les 40% de réussite aux tirs), avait trainé son équipe jusqu'en finale et atterri à quelques encablures du titre de MVP de la saison régulière, qui a échu à Tim Duncan (pour une cinquantaine de voix). Gary Payton (22,1 pts à 46,7%; arrivé en 6ème position du vote des MVP cette année-là) était plus à même de répondre à n'importe quel besoin de son équipe pour faire tourner le match en sa faveur que Kidd mais de l'avis de tous, Kidd avait un bien plus gros impact, était un plus gros facteur de victoire, ce qui faisait de lui le meilleur meneur de la ligue.

---Rondo n'en n'est pas encore-là (et même si il l'était, cela ne se verrait peut-être pas à cause du bientôt légendaire Big Three de Shamrock City) mais cette perspective n'est pas hors de sa portée. Par contre, il n'est pas le seul loup à darder un œil noir de rage et d'envie sur le titre officieux de meilleur point guard du monde. Loin, très loin de là.

StillBallin

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