13 juin 2008

Special Guest - Korver présente "Where unfair business happens"

(Article proposé par un chroniqueur indépendant invité sur ce blog, Korver.)

Comme tous les Etats totalitaires, la NBA n'a cure des protestations et des vélléités de changement. Alors que les bureaucrates se délectent en ce moment d'une belle finale marketing qu'ils n'osaient même plus rêver un an plus tôt plombés par un Cleveland-San Antonio apocalyptique, des fuites commencent à sérieusement ébranler l'organisation*.

Chaque nuit, les cauchemars du bon « Commissaire » David Stern se résument à un nom : Tim Donaghy. Pour ceux qui ne seraient pas coutumiers de cette histoire sordide à base de paris truqués et d'arbitres achetés, informez vous grâce aux liens mis à disposition plus bas.

En substance, les révélations de Donaghy sont consternantes et affligeantes pour le boss de la NBA et ses acolytes. Attention, rien à voir avec une bagarre de cour d'école à coups de « c'est lui qu'a commencé », on parle du FBI là, pas de révélations du « Droit de Savoir ». Plus que des faits et des séries volontairement truquées pour le compte de la NBA ou d'un proprio influent, c'est la collision aberrante entre les intérêts commerciaux de la NBA et l'application des règles du jeu qui fait froid dans le dos. Des arbitres amis avec des dirigeants de franchise, une NBA qui veut des séries et des matchs serrés pour son business, des rêgles à géométrie variable selon les besoins. Terrifiant.

On imagine déjà les répliques des accusés, mi-outrés mi-amusés d'accusations sans fondements aussi ridicules. Bien sûr, David Stern, en grand habitué de la propagande soviétique et de la communication opaque, n'a pas tardé à réagir. Tout est faux, évidemment, on n'attendait pas autre chose de sa part ... Comme au temps glorieux de l'URSS, la NBA est un univers clos n'admettant aucune contestation interne ou revendication. Pas de liberté d'expression ou d'entraves à l'intérêt général. La famine en Ukraine, les matchs truqués ? Des rumeurs orchestrées par des réactionnaires petits-bourgeois qui en veulent à la nation ... Bref, Soljenetsine, Donaghy, même combat, je ne vois pas de quoi vous parlez ( l'accent russe KGB est recommandé ).

A côté de ça, nos chers arbitres bien briefés par leur boss continuent de sanctionner le moindre mouvement d'humeur comme une atteinte à la vie humaine. Belle ironie ... Le débat est ailleurs. Un footeux vous dirait que vous pouvez payez autant d'arbitres que vous voulez, tant que l'équipe B est intrinséquement inférieure à l'équipe A, vous n'avez aucune assurance d'être payé en retour. On n'invente pas des penaltys invisibles à gogo comme on donne des lancers au basket. Et là est le fond du problème.

Bien plus que le football ou d'autres sports, en cas de confrontation serrée, le basket est un sport relativement très facile à influencer pour des raisons que je dirais structurelles. Les règles du foot, hormis le hors-jeu, un gamin de 10 ans peut les comprendre. Au contraire, les règles du basket sont d'une complexité infiniment supérieures quand l'on va au fond du jeu. Montrez un match à un néophyte, il ne comprendra pas grand chose à part que le ballon dans l'arceau donne deux points. N'importe qui sait d'ailleurs que les règles sont régulièrement assouplies dans la pratique sans quoi on jouerait tous les matchs sur la ligne des lancers.

Contact, pas contact; écran licite, écran illicite, offensive ou flopping, ... Le concept même de faute d'arbitrage est obscur, chacun peut interpréter différemment ce qu'il voit au ralenti.Cela dit, arbitré avec intelligence, un match reste quand même l'affaire des joueurs sur le terrain. En revanche, prenez un ou deux arbitres, voire les trois, qui veulent orienter le résultat. Sur un Lakers-Seattle, c'est compliqué : à moins de faire des croches-pieds à Kobe et co, pas évident de faire gagner Seattle à soi tout seul. Par contre, sur un match hyper-serré où les équipes se valent et où chaque match-up est hyper intense, rien de plus facile.

Une offensive par ci, une technique par-là, pas sorcier de jouer au con. On peut aussi cibler un joueur, faire semblant de découvrir que la moitié des double-pas NBA sont des marchés, sanctionner tous les contacts anodins, l'arbitre ne sera jamais démuni ... De toute façon, impossible de se plaindre, les fautes sifflées seront toujours effectivement des fautes. Un bras sur l'adversaire pour se protéger ou le gêner est bien une faute, n'empêche qu'on le siffle une fois sur 10 grand maximum. Dans l'esprit donc, un joueur ou une équipe voit bien quand elle se fait voler. Demandez aux équipes qui vont jouer au Pana en Euroleague ...

Exemple de Donaghy ( sans le nommer mais avec assez de détails pour comprendre ) : Mark Cuban, proprio influent des Mavericks, se plaint à la NBA des écrans de Yao Ming après les deux premiers matchs remportés par Houston en play-offs. La NBA enregistre, donne ses consignes aux arbitres pour sanctionner Yao au moindre mouvement sur ses écrans et Dallas passe en bouclant la série 4-3. Van Gundy, coach des Rockets, exprime ses doutes quand au traitement infligé à Yao par le trio arbitral. Réaction de Stern : 100 000 dollars, boucle-là sinon c'est dehors la prochaine fois. Pas d'autre forme de procès, Van Gundy finira même par retirer, comme les accusés lors des grandes purges soviétiques s'inculpaient eux-même ... Curieux.

Tout ça, les joueurs, les coachs, les fans le savent. David Stern pourra bien jouer le petit général stalinien tant qu'il veut, ça n'empêchera personne de se poser des questions. Comme le dopage dans le vélo, on peut aimer le basket et savoir que tout n'est pas toujours clair comme de l'eau de roche. Lance Amstrong vous dira évidemment que vous voulez tuer le vélo et Stern que vous êtes un geek obsédé par la théorie du complot. Dernière minute, Dick Bavetta, doyen des arbitres NBA ( Mr j'ai défié Charles Barkley sur un 100m ), aurait ,selon un arbitre interrogé par le FBI, une forte propension à faire gagner les équipes jouant à domicile. Sans fondement comme le reste ? Evidemment ...

En tout cas, la prochaine fois que vous verrez apparaître David Stern stigmatiser le comportement irresponsable d'un joueur ou d'un coach, vous pourrez bien vous dire que c'est décidément l'hôpital qui se fout de la charité ... Comme si Jacques Chirac exprimait ses réserves sur l'honnêteté de Nicolas Sarkosy ou si TF1 accusait M6 de faire du populisme de bas étage. Morale de l'histoire ? Aucune, plus c'est gros plus ça passe.

* Il ne vous a pas échappé que le terme « organisation », depuis son appropriation monopolistique par les cartels italiens, russes et albanais de toutes sortes, a une connotation pas très « clean ».



Lecture complémentaire sur l'affaire, en version originale :
Lien 1 : Tim Donaghy
Lien 2 : Dream Season Shaken by Donaghy Nightmare
Lien 3 : Donaghy's claims serious, troubling for NBA
Lien 4 : NBA has no quick fix for Donaghy's fixing charges
Lien 5 : Ex referee TD blows whistle on NBA dirty secrets
Lien 6 : The New York Times and this case

Article de Korver.

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