23 février 2012

I'M A BE-LIN-VER


Jeffzewanderer était au Madison Square Garden le soir où Jeremy Lin a explosé contre les Nets et pris la NBA par surprise. Installé dans les tribunes de la mythique salle jusqu'à la fameuse rencontre qui a opposé le surprenant meneur aux Lakers de Kobe Bryant, notre chroniqueur a vu le "phénomène Lin" prendre forme sous ses yeux. Et il vous le raconte comme il l'a vécu.

Lin-sanity. Lin-ning streak. Les jeux de mots plus ou moins heureux se multiplient à chaque nouvelle sortie de la dernière coqueluche de Big Apple. Jeremy Lin, ou la plus improbable (Lin-probable ?) success story de ces dernières années. Un joueur totalement inconnu sorti d’Harvard, recruté l’an dernier par les Golden State Warriors après avoir mis la misère à John Wall lors d’une ligue d’été. Il a ensuite été passeur de cannettes professionnel pour sa première saison, recruté et coupé par les Rockets l’année suivante avant d’atterrir chez les Knicks. Et même sur le canapé de son pote Landry Fields pour être plus précis, parce que toute belle histoire se doit d’être accompagnée de ce genre d’anecdotes. Jusqu’à ce fameux 4 février 2012. Les Knicks reçoivent leurs voisins du New Jersey. Pour prendre une volée de plus craignent les fans. Ah, si on nous avait dit…

LIN-ATTENDU

4 février 2012 donc, je suis tranquillement assis à ma place, dans un Madison Square Garden encore tranquille. C’est le premier des trois matchs auxquels je dois assister, et le seul pour lequel j’espère voir une victoire de mes chers Knicks. Je n’ai en effet que peu d’illusions quant à leurs chances face au Jazz dans deux jours. Et quand j’ai pris des places pour la rencontre face aux Lakers, c’était surtout pour avoir une chance de voir Kobe et cette grande équipe avant qu’il ne soit trop tard. Mais les Nets, normalement, ça devrait être prenable. Surtout sans Brook Lopez et malgré un Deron Williams ré-acclimaté à la NBA. Après tout leur meilleur joueur derrière le meneur All-Star c’est probablement Kris Humphries ou Anthony Morrow. Prenable donc. Mais bon, les Knicks restent les Knicks.

Assis derrière moi il y a l’un de ces sympathiques braillards comme on en croise souvent dans les salles NBA. Le gars marrant, qui va faire le commentaire du match en direct et sur-réagir à chaque action, pourrir son équipe à chaque loupé, les encenser à chaque panier. Bref le genre de personnage attachant, que sa bonhommie empêche toujours de basculer dans l’agaçant. Je l’entends, entre deux vacheries sur les Knicks, se réjouir qu’au moins D’Antoni ait décidé de faire jouer Jeremy Lin pour ce match. J’avoue que sur le moment je me suis demandé pourquoi ça lui faisait autant plaisir. Il faut dire qu’à ce moment là tout ce que je sais de Lin c’est qu’il fut le premier Américain d’origine asiatique à jouer en NBA (les autres joueurs asiatiques comme Yao Ming ou Yi Jian Lian, n’avaient pas la nationalité américaine). Bon, pourquoi pas. Après tout Chicago s’enflamme bien à chaque fois que Brian Scalabrine met un pied sur le terrain, alors pourquoi le Garden n’aurait pas lui aussi son chouchou…

La soirée se poursuit. Je ne peux m’empêcher de ricaner intérieurement (et même un peu extérieurement aussi, avouons-le) en voyant la nouvelle vidéo de présentation des Knicks. Le parti pris est street, gritty, avec les joueurs qui posent devant une porte de hangar en tôle, avec éclairage minimum et mine féroce. Le message : on est une équipe de gros durs, de hustlers... On a même droit à Melo qui arrache férocement un ballon (à un adversaire, bande de mauvaises langues). Avouez qu’il y a de quoi se marrer. Puis le match commence enfin et la réalité reprend ses droits. D-Will découpe la… Oui il va falloir appeler ça la défense, faute d’un meilleur mot. Le meneur des Nets donc montre tout son talent et nous vend même du rêve, faisant passer Kris Kardash… euh Humphries pour un bon intérieur. Et les Knicks sont à moins dix. Melo shoote brique sur brique. La balle ne bouge pas. Chandler est honnête. Stoudemire a des problèmes de fautes. Fields et Shumpert jouent à qui prendra le tir le plus pourri. Comme d’habitude…

Puis le moment tant attendu par mon voisin de derrière arrive enfin. Jeremy Lin entre en jeu. Petite clameur dans un stade dépité. Une Scalabrine quoi. Le gaillard joue meneur, il reçoit donc la balle bien vite. On le scrute. Le dribble est un peu hésitant. On sent le garçon fébrile. On le serait à moins. Il se loupe sur sa première action. Petite déception. Le match continue. Et change. Lin ne fuit pas ses responsabilités. Il est meneur et compte bien le faire savoir. Il tient la balle, place ses coéquipiers, leur donne des consignes, fait de grands gestes. Surprenant. Puis viennent les premiers coups d’éclats. Les passes un peu rock’n’roll, les drives. Ah, ces drives… Toujours à la limite de la rupture, pas très rapides, mais qui passent. Comme ces vieux maîtres dans les karate movies (désolé pour le stéréotype) qui mette la pâtée au jeune guerrier impulsif en bougeant juste comme il faut. Et les fameuses passes arrivent à destination. DANS LA PEINTURE ! Du jamais vu ou presque. Et le jeu se développe. La balle vit, circule. Il y a des shoots ouverts. Et New York remonte. En défense c’est toujours laid. Mais il y a des efforts. Lin se coltine Deron Williams et ne s’en sort pas si mal. Il ne l’arrête pas, certes, mais il le gène, le pousse à la passe, a des mains actives. Jeffries et Chandler font le métier à l’intérieur.

Dans le stade l’incrédulité laisse place à l’euphorie. On scande JE-RE-MY, on se lève à chaque panier du héros du soir. Bref on vibre. En deuxième mi-temps Lin prend encore plus feu. Tout se fait plus facilement. Melo arrose toujours mas sans conséquence négative. Stoud est discret, fautes obligent, mais sait mettre quelques paniers importants. Et Lin est clutch. Bilan du soir 25 pts, 7 pds, 5 rbds, 2 int et une victoire pour une équipe qui en avait bien besoin. NY a un nouveau héros.

LIN-CROYABLE

Deux jours plus tard, le 6 février, retour au Garden. Les Giants ont gagné le Superbowl. Big Apple célèbre ses enfants prodigues et savoure ce titre durement acquis. En gros les Knicks et leur match face au solide mais peu glamour Jazz, tout le monde s’en f… Même s’il y a un reste d’enthousiasme pour Lin et son exploit du match précédent. On ne parle d’ailleurs que de ça. Et de l’absence d’Amar’e Stoudemire, en deuil à cause de la mort de son frère. Une tragédie dont la conséquence (certes bien mineure en réalité) est donc de franchement obérer les chances des Knicks. Ça paraît mal engagé. Une impression qui se confirme à l’annonce du starting five. D’Antoni a titularisé Jeremy Lin. Là le cynique en moi se dit que le buzz a eu raison des derniers vestiges de sa lucidité. Le jeune meneur a sorti le match de sa vie un soir et son coach, au lieu de capitaliser là-dessus pour voir s’il peut être un joueur solide, va le crucifier en lui mettant la pression de refaire ce coup au match suivant. Ah, New York, New York…

Et puis nouveau tip-off. Et nouvel entame intéressante du petit prodige. Il tient la balle, continue d’assumer son rôle d’organisateur et de jouer les mouches du coche en défense. Puis, après 5 minutes, nouveau coup dur. Contre attaque, alley-oop de Melo à Chandler. Temps mort. Le numéro 7 des Knicks sort en boitant. Blessé. Il file au vestiaire direct. On sait qu’on ne le reverra plus. Damn… Du coup les derniers espoirs s’envolent, et on se prépare à un long calvaire. Surtout que le Jazz shoote avec un pourcentage pathétique (et pas qu’à cause de la défense New-Yorkaise). Mais en fait ça tient. Grâce à Lin. Ben oui. Non seulement il score, mais il rend surtout ses partenaires meilleurs. Et un roster dont on se dit qu’il ne pourrait pas acheter un panier, même en solde, réussit à tenir ses adversaires à distance. Les Knicks plantent même 32 points en deuxième quart temps. Le Jazz se remet sur les rails en deuxième mi-temps, en gavant ses intérieurs de ballons alors qu’il les avait un peu oubliés jusque là. Chandler et Jeffries sont d’abord à la peine, empilant les fautes (un problème permanent pour le pivot ce soir là). Mais ils finissent par prendre le rythme et les jump hooks des joueurs de l’Utah heurtent de plus en plus souvent le cercle. En quatrième quart temps NY ressert la vis en défense, tout en gardant le rythme en attaque. Oui, le rythme. Car le jeu collectif et huilé aperçu contre les Nets est bien là. Ça force un peu à l’occasion, mais c’est l’exception, pas la règle.

Dans la salle c’est l’euphorie, le délire. Les JE-RE-MY sont remplacé par des M-V-P. Chandler se régale, servi royalement. Jeffries est maladroit mais reste étonnamment efficace, lui aussi transfiguré. Steve Novak rappelle à tout le monde qu’il est un shooter, un vrai. Shumpert se défonce en défense et Fields joue libéré, même si ça ne se traduit pas dans les stats. Tout ça grâce à l’improbable sauveur au numéro 17. Tout passe par lui, et il suffit qu’il sorte quelques minutes en fin de première mi-temps pour qu’on se rende compte qu’il est indispensable. D’ailleurs il ne quittera pas le terrain de toute la seconde période. Tactiquement c’est discutable (bonjour l’épuisement), mais là ça passe. En plus il score toujours. Les drives sont là, parfois incertains mais incroyablement efficace. Le shoot est un peu hésitant mais judicieux et précis (10/17 et 1/3 à 3-pts). Et J-Lin n’hésite pas à prendre les tirs importants. C’est parfois laborieux mais ça passe. Nouvelle victoire. Au cœur, à la grinta. Et au talent de Lin-croyable Jeremy, auteur de 28 pts, 8 pds, 2 rbds et 2 ints. Encore mieux que la dernière fois. Peut être que j’avais sous estimé le gaillard.

LIN-ARRÊTABLE ?

Dans les médias la Lin-sanity commence à prendre. Le phénomène n’est plus seulement New-Yorkais, et d’ESPN à USA Today, on se demande d’où sort ce type. On déterre toutes les anecdotes possibles. Et on se demande quand la belle histoire va s’arrêter, moi le premier. C’est donc avec une attention toute particulière que je guette le résultat du match contre les Wizards, à Washington. L’adversaire est pathétique mais ça n’a pas empêché les Knicks de se faire une frayeur plus tôt dans la saison. Avec Melo et STAT. Alors sans eux, il y a du mouron à se faire. Mais, comme le titra Sport center (le programme récapitulatif d’ESPN), « Lin-sanity travels well ». Au Verizon Center Lin-vincible Jeremy enchaîne sur une troisième perf de haute volée. Moins de points (« seulement » 23) mais un premier double-double avec 10 pds. Le tout agrémenté de 4 rbds, 1 int et 1 ctr. De son côté Chandler claque un match de All-Star (25 pts 11 rbds) et la triplette Novak / Fields / Shumpert est aussi à la fête.

Le conte de fée made in NY continue donc, pour la plus grande joie des fans des Kncks qui avaient bien besoin de ça. Mais les premiers esprits chagrins se font aussi entendre, et bien qu’étant fan j’essaie aussi de rester lucide et ne peut totalement leur donner tort. Lin n’a brillé que contre des équipes minables (Nets, Wizards) ou en difficultés (Jazz). Alors oui, il a gagné ses duels contre un meneur All-Star (D-Will) et un peut être futur grand (John Wall, s’il se tire au plus vite du marasme Washingtonien, autre débat). Mais il ne les a pas non plus arrêtés. Chacun a fait son match. Seule la victoire finale de l’équipe a permis de désigner un vainqueur dans ces duels. Puis il y a l’effet de surprise. Les coachs adverses ne connaissaient pas Jeremy Lin, et donc n’avaient aucun plan contre lui. Arrivera-t-il à répéter ses exploits face à des défenses qui l’attendront ?

LIN-PENSABLE

Et comme un moyen de vérifier le bien fondé de toutes ces réserves, le match contre les Lakers se profile. Alors oui, ce ne sont plus ceux de 2009-2010, mais les Angelinos restent une grosse cylindrée. En plus ils viennent de battre les rivaux de toujours, les Celtics, à Boston. Bon, la fatigue d’un back-to-back joue plutôt en faveur des Knicks. Mais taper Boston ça met du baume au cœur. En gros ce sera le baptême du feu pour Lin-arrêtable numéro 17. Il va rencontrer l’élite, et surtout une VRAIE défense. Je me dis que si Stoudemire a fini son deuil et sort le match de sa saison, sur un malentendu, ça peut passer. Mais je n’y crois pas. Et quand je m’assoie dans un Garden au moins pour moitié acquis aux adversaires du soir (on les applaudit quand ils arrivent pour l’échauffement ! Comme à l’époque où les gens venaient au stade pour voir les adversaires ! Heureusement que nous sommes quelques uns à défendre notre territoire par des huées féroces, à la grande surprise de ma voisine, hilare), je me dis que la belle histoire se termine aujourd’hui. Enfin, j’aurais vu deux victoires de mes Knicks, soit deux de plus que ce que j’espérais. Et puis si Lin fait un match propre (genre 10 pts et 6 pds) ce sera déjà bien et ça laissera de l’espoir pour l’avenir. Sans compter, je me le répète, qu’à l’origine j’avais surtout pris ma place pour ce match dans le but d’enfin voir le Black Mamba dans ses œuvres.

Puis vint le tip off. Et Lin-pensable se produisit. Impensable comme les 10% de réussite au shoot de LA. Impensable comme les 10 points d’avance pris par des Knicks (toujours privés de STAT et bien sûr de Melo) capables de capitaliser sur cette maladresse. Impensable comme de voir Jeffries et Chandler museler Bynum et bien gêner Gasol. Comme de voir des Knicks courageux et bagarreurs résister aux coups de boutoirs des Lakers, aux tentatives de come backs, et ne jamais abandonner cette avance si précieuse acquise dès les premières minutes. Shumpert et Fields se relaient sur Kobe Bryant au gré des fautes et l’embêtent, l’asticotent, pour lui faire faire un de ces matchs où les points sont là mais pas l’adresse. Et surtout Lin continue son incroyable histoire. Dans un premier temps il découpe la défense des Lakers par ses pénétrations. Quand le talent ne suffit pas, que la fougue l’emporte, la chance compense. Il attire la balle. Et la distribue avec à propos. Jeffries surtout est méconnaissable. Efficace en attaque. Si. Le tout dans une salle en ébullition qui vibre au rythme du match, scande à nouveau M-V-P, se lève, crie spontanément DE-FENSE. Bref dans un Garden reconquis par cette équipe de grognards emmenée par un génie sorti de nulle part.


Par la suite la défense s’adapte. Fisher remarque que son adversaire fait toujours son spin move du même côté lors de ses pénétrations. L’étau se resserre. Et l’anguille d’Harvard s’en échappe. Le spin move ne passe pas ? Il y a le reverse. Ou le tir à mi distance. Ou même le 3-pts puisque tout le monde semble disposé à le laisser le pendre. Le petit prodige, en peine confiance, ne refuse rien et il a bien raison. Sur la fin Kobe tentera un baroud d’honneur impressionnant (en vrai c’est limite flippant de le voir rentrer ses shoots les plus improbables juste parce que c’est le quatrième quart temps). Mais c’est trop peu trop tard. Au terme d’un match maîtrisé de bout en bout par leur meneur, les Knicks s’imposent. Lin-imaginable s’est produit. 38 pts (à 13/23 et 2/4 à 3-pts), 7 pds, 4rbds et 2 ints pour répondre aux 34 pts (à 11/29) de Kobe. J-Lin a vaincu le Black Mamba. Et il a passé une nouvelle épreuve. C’est donc empli d’un espoir nouveau pour mes chers Knicks que j’ai pris l’avion le lendemain.

DON’T STOP BE-LIN-VIN’

Depuis les victoires ont continué à s’enchaîner. Sept succès de rang. Puis ce coup d’arrêt étonnant contre les pauvres Hornets, au Garden (malgré un Stoudemire de gala). Ah New York… Mais juste après (la veille du jour où j’écris ces lignes) une victoire contre Dallas vient faire oublier ce faux pas. Et à chaque fois Jeremy Lin est excellent, déterminant. Ces victoires ce sont surtout les siennes. Il inscrit presque toujours au moins 20 points (sauf contre Sacramento, seulement 10 mais accompagnés de 13 passes). Il réalise trois double-doubles (27 pts 11 pds contre Toronto, 10 pts 13 pds contre Sacramento et 28 pts 14 pds contre Dallas). Il rentra même le panier de la victoire contre les Raptors.

Bref deux semaines de folie à l’issue desquelles on peut dresser un premier bilan de la Lin-sanity. La première chose à dire c’est que ce n’est pas qu’un feu de paille. Comme l’a dit Jalen Rose après la victoire contre LA, « it’s legit ». C’est pour de vrai. On ne réalise pas autant de coups d’éclat, y compris contre deux adversaires solides (LA et Dallas), sans un solide talent. Jeremy Lin est un VRAI joueur, pas une mascotte ou un héros d’un soir. Est-ce qu’il est un joueur qui vaut réellement 20 pts 8 pds de moyenne ? Jusqu’à la fin de sa première semaine j’aurais dit non à coup sûr, le plaçant plutôt aux alentours de 10-12 pts et 5-6 pds quand il ne joue pas en surrégime comme actuellement. Après cette deuxième semaine, j’avoue que je suis moins sûr de mon coup. Je reste cependant dans l’idée qu’il joue sur un nuage et au dessus de son véritable niveau. Mais ce dernier est peut être plus haut que ce que j’estimais (disons 15 pts et 6-7 pds). Du très solide donc. Pas du All-Star mais quand même un peu plus qu’un simple meneur « de devoir ».

Ensuite il convient de signaler les faiblesses du jeu de Lin, bien réelles et masquées par sa formidable histoire. Déjà il perd beaucoup trop de ballons. Pas sur ses trois premiers match, mais par la suite il en a toujours perdus entre 6 et 9. Alors il a certaines excuses, essentiellement le fait qu’il tient tout le temps la balle et qu’il est l’unique dépositaire du jeu des Knicks. Puis il y a le fait que ses coéquipiers n’ont pas l’habitude d’attendre des passes éclairs, et peuvent donc être surpris. Mais il y a aussi et surtout un physique un peu frêle, de l’inexpérience et un jeu à risque sur les pick and roll. Alors rien de totalement rédhibitoire. L’expérience ça viendra. Le physique aussi dans une certaine mesure (pas besoin qu’il devienne Russell Westbrook ou Derrick Rose non plus). Pour le jeu à risque il faudra qu’il apprenne à se contrôler, à être plus lucide. Ce sera le plus dur. Mais pas impossible. Le garçon donne l’impression d’être intelligent (et pas seulement parce qu’il sort d’Harvard) et a un excellent QI basket. Il lit très bien le jeu et doit juste mieux apprécier ce qu’il peut et ne peut pas faire. Chose a priori d’autant plus aisée qu’il a un jeu assez simple. Les passes sont rock’n’roll car dans le trafic, mais Lin ne flambe pas. Il ne multiplie pas les no-look ou dribbles à la And One, et ça c’est très sain et encourageant pour la suite.

Le pourcentage de réussite au tir est aussi un peu irrégulier, mais rien de tragique. Ça tombe rarement très bas, et c’est facilement très haut (au dessus de 50%). Lin sait ce qu’il peut (drives, tirs à mi-distance) et ne peut pas faire (3-pts contestés, tirs avec le défenseur bien en place) et s’y tient sagement. Son nombre de passes décisives est on ne peut plus satisfaisant, et en plus il y a toutes les passes qu’il fait qu’on ne compte pas dans les statistiques. Celles qui font vivre le ballon, créent du mouvement et aboutissent à de bonnes positions. Car la principale qualité de J-Lin, celle qu’on pouvait voir dès son premier match et qui n’est pas contingente de son état de forme, c’est qu’il est un authentique général des parquets. Il sait organiser une équipe, la faire tourner, la rythmer. Et il sait utiliser le pick and roll. La base du système D’Antoni et même du basket collectif.

Ainsi il rend ses coéquipiers meilleurs et leur permet d’évoluer dans leur véritable registre. Chandler reçoit enfin de bons ballons dans la peinture qu’il peut exploiter en attaque, d’où son apport accru (surtout qu’après avoir joué avec Chris Paul et Jason Kidd, le pivot sait se placer sur ce genre d’actions). Shumpert peut jouer « off guard », sans la balle, en attaque, au lieu de devoir créer son shoot. Fields redevient un joueur de rythme profitant des espaces créés par le fameux pick and roll et les décalages qui en résultent. Amar’e devrait retrouver de meilleurs sensations en recevant de bons ballons au lieu de voir la balle mourir dans ses mains au poste haut. Bon sur ce dernier point on attend un peu de voir, car STAT a livré des performances en dents de scie quand il était associé à Lin. Ça va de l’excellent au médiocre. Mais en théorie il n’y a pas d’obstacle rédhibitoire.

Le cas Melo s’avère plus complexe. S’il accepte de bouger sans la balle au lieu de juste se caler au poste et lever la main comme l’an dernier, il bénéficiera des même excellents ballons que Steve Novak et tout ira bien. Sinon c’est le collectif qui prendra l’eau. L’espoir c’est donc qu’il accepte de faire ça en alternant avec un peu d’isolation (il sait le faire et ça marche à petite dose, alors pourquoi s’en priver ?) et ces phases où il est le créateur. Parce que sur tout un match ça ne peut pas marcher (il n’a ni le dribble ni la vista et ça le coupe du reste de l’action offensive). Mais sur quelques séquences courtes ça marche et ça surprend. Ainsi, avec un Melo autour de 4 passes, Lin pourra respirer et le jeu des Knicks sera assez varié pour poser des problèmes à n’importe quelle défense.

En défense il reste du chantier (Melo et STAT, le collectif) mais le point positif de Lin c’est sa bonne volonté. Il s’arrache et n’est en aucun cas un maillon faible. Limité par son physique, il compense avec un placement très intelligent et ses mains vives. Associé à Shumpert (décidément très à l’aise dans ce registre), il forme un backcourt intéressant de ce côté du terrain. Et la bande de grognards des premières victoires est un groupe solide. Pas brillant mais rugueux et disposé à laisser ses tripes sur le terrain. En espérant que ça inspirera les deux stars.

Jeremy Lin n’est donc sûrement pas la solution à tous les maux New Yorkais. Il reste des choses à améliorer (turnovers, shoot, physique) et pas mal de points d’interrogations (cohabitation avec Melo, avec Baron Davis quand il reviendra, impact de JR Smith sur et hors du terrain…). Mais une chose est sûre : les Knicks ont enfin un vrai bon meneur de jeu. Un qui bénéficie à coup sûr d’un état de forme irréel et du système D’Antoni, mais qui a aussi tout les atouts (vista, intelligence, état d’esprit, talent pur) pour s’imposer à long terme et avec n’importe quel coach. Alors oui, quitte à ce qu’on me ressorte ce papier dans quelques mois accompagné de lazzis, je le dit solennellement : I’m a be-Lin-ver !

Jeffzewanderer, en direct du Madison Square Garden

1 commentaire:

Guigui a dit…

Enfin, enfin un article avec de la mesure sur Jeremy Lin autant les partisans que les haters.

Avec le recul une partie de son physique et jeu me fait penser a Calderon.

Je reproche également à d'Antoni de l'avoir trop fait jouer.DUIDRE